Afrique-Europe : La soif d’une nouvelle alliance à Bruxelles
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Par
Fulbert Adjimehossou, le 16 févr. 2022
à
13h22
L’Afrique et l’Europe souhaitent un nouveau départ, sur la base de priorités et de principes qui seront discutés, les 17 et 18 février 2022, au sommet Ue-Ua, à Bruxelles. Les discussions en « off » présagent de grandes attentes.
Première certitude du sommet : Les dirigeants africains et européens ont soif d’un nouveau départ, d’une nouvelle alliance. Cela transparaît dans les réponses de quelques officiels rencontrés à Bruxelles, à la veille de ce rendez-vous capital. Cependant, les dirigeants des deux continents vont devoir discuter « ouvertement » mais aussi « âprement » des priorités et principes, qui vont être retenus dans la déclaration conjointe le 18 février 2022. Le format s’y prête d’ailleurs bien : sept tables rondes de haut niveau, en lieu et place de séries de discours de chefs d’Etat. Les discussions avec des officiels dénotent une sorte de déception de l’Afrique vis-à-vis du partenariat avec l’Europe, comme si « l’Europe n’a pas été suffisamment perçue comme un acteur réactif, souple et adapté aux besoins de financement du continent africain ». Et le recours à d’autres acteurs, notamment la Chine, pour le financement de ses infrastructures est loin d’être un simple indicateur. L’Europe veut marquer son retour sur ces enjeux-là et notamment sur l’enjeu du financement des infrastructures africaines.
Aller à l’essentiel, le développement
A Dakar, la semaine dernière, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen a annoncé un plan régional de 150 milliards d’euros d’investissements en Afrique, dans le cadre du « Global Gateway. Les discussions à Bruxelles devraient aller au-delà pour aborder les priorités, en termes infrastructures. Le projet d’interconnexion entre le Bénin et le Nigeria à travers la construction de 180 km de ligne haute tension (330 kV), pour un coût estimé de 115 millions de dollars ne sera pas sans doute du reste. Des investissements dans le secteur des énergies renouvelables et dans des projets de développement de réseaux de fibre optique et de data center verts seront abordés.
Selon l’Elysée, ce sommet constitue aussi une occasion unique pour l’Europe de démontrer qu’il est le premier partenaire de l’Afrique, dans le cadre de la riposte à la Covid-19. L’Ue souhaite allouer à l’Afrique 450 millions de doses de vaccins d’ici mi-2022, mais aussi aider à la production vaccinale. L’Afrique n’entend pas être en permanence dépendante, soit à 95 %, de l’étranger pour avoir des vaccins. 3 ou 4 pays sont déjà identifiés et très avancés, notamment l’Afrique du Sud, le Rwanda, le Sénégal et bientôt le Ghana pour des projets de production vaccinale, y compris en ArnMessager.
Les orientations données à ce sommet donnent raison au gouvernement du Bénin. Des officiels ne l’ont pas caché :
« Ça nous paraît très important, le Bénin par exemple est très en avance sur ce point, c’est-à-dire comment développer la formation professionnelle adaptée aux besoins vraiment locaux ou régionaux en Afrique ».
Les financements prévus par la Commission européenne dans le domaine de la formation professionnelle et des compétences s’élèvent ainsi à 500 millions d’euros pour l’Afrique sur la période 2021-2027.
Coopération militaire inévitable
Climat, agriculture, transition énergétique, trouveront des échos lors des tables rondes et aussi, certainement dans la déclaration conjointe. Mais les questions qui fâchent, c’est-à-dire celles relatives à la stabilité et la sécurité au Sahel, aussi seront débattues. Elles risquent même de bousculer les priorités. Heureusement qu’elles pourront être vidées en grande partie, ce mercredi soir lors d’un dîner dans les murs de l’Elysée, consacré à la situation au Sahel. L’Elysée considère que « toute décision sur l’avenir de l’engagement de l’Europe dans cette région doit être prise dans un cadre collectif ».
Néanmoins, ce qui est sûr, il se dégage «une volonté collective de rester engagé au Sahel dans la durée », avec la revue des modalités de coopération. Le dîner de ce mercredi soir, intervient après des échanges intenses au cours des dernières semaines, à tous les niveaux et essentiellement au niveau ministériel.
Sont prévus des échanges entre les pays du G5 Sahel à l’exception du Mali et du Burkina Faso suspendus. Seront également présents les pays africains du golfe de Guinée, à savoir, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin. L’Union africaine sera doublement représentée par son président en exercice Macky Sall, mais aussi le président de la Commission, Moussa Faki. Côté européen, les représentants des institutions européennes, dont le président du Conseil européen, Charles Michel, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen et les pays impliqués dans la task force Takuba. L’Allemagne et l’Espagne, de même que les Etats-Unis et le Royaume-Uni seront présents. Les positions vont sans doute rejaillir sur l’issue du sommet Ue-Ua, sur le volet paix et stabilité.
Migration, un sujet sensible
Les priorités de l’Europe sont-elles en phase avec les attentes de ses partenaires africains ? Quelle forme pourrait prendre la gestion des flux migratoires à l’avenir ? Ces préoccupations sont au cœur de l’une des sept tables rondes prévues dans le cadre du 6e sommet Ue-Ua.
Tomas Tobé, député au Parlement européen accorde une priorité à la recherche des causes profondes de la crise migratoire. « On espère que ce sommet soit le terrain de discussions à bâtons rompus », a-t-il déclaré, le 15 février 2022, aux médias invités à couvrir le sommet.
Pour ce conservateur du Parti populaire européen, l’enjeu est de travailler, en synergie, sur ces questions sensibles. « J’espère vraiment que nous pourrons progresser avec des discussions franches. Il faut trouver un cadre de coopération bénéfique à chacun. La question ne se limite pas au retour et à la réadmission des migrants», a-t-il ajouté.
Franchise et pragmatisme. Ce sont aussi les vœux de Pierrette Fofana, Vice-présidente de la Commission du Développement. Cependant, la déléguée des relations avec le Parlement panafricain est allée plus loin pour déplorer l’hostilité qui se développe sur la migration.
« La raison primordiale est cette idée que les migrants ont plus de droits, beaucoup de facilités. Ce qui est faux », a-t-elle déploré avant d’espérer des discussions sincères. « On peut aussi se dire des vérités qui font mal », a-t-elle martelé aux médias.
Le sommet de Bruxelles devrait déboucher sur des mécanismes précis en vue de favoriser la migration légale. Les débats pourraient aussi conduire au renforcement de la lutte contre le trafic des passeurs et la consolidation des actions de retour et de réadmission. En outre, la réponse durable se trouve dans la création de richesse et d’emplois en Afrique. « Ensemble, nous pouvons créer des milliers d’emplois, stimuler le commerce. Il faut une croissance durable », a suggéré le parlementaire européen. La députée Pierrette Fofana voit aussi dans la création d’emplois, une des véritables portes de sortie de crise. Mais, insiste-t-elle, des efforts de sensibilisation sont nécessaires, avec la contribution de la diaspora.