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Benoît Dègla sur la polémique autour du nouveau code électoral: « Il n’y a pas de quoi s’alarmer, tous les partis sont concernés »

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Comlan Benoît Dègla Comlan Benoît Dègla

Comlan Benoît Dègla, député, membre de la Commission des lois à l’Assemblée nationale 9e législature, a apporté des éclaircissements sur les innovations contenues dans le code électoral modifié, adopté par le parlement le 5 mars dernier. Il rassure de ce que les partis politiques sont au même pied d’égalité.

Par   Arnaud DOUMANHOUN, le 14 mars 2024 à 06h45 Durée 4 min.
#Benoît Dègla sur la polémique autour du nouveau code électoral
La Nation : Quelles sont les innovations apportées au nouveau code électoral soumis au contrôle de constitutionnalité de la Cour ?

Comlan Benoît Dègla : Les innovations sont de plusieurs ordres. Il aurait fallu, accepter, de façon consensuelle, que les modifications soient apportées à la Constitution et là, les députés et maires en fonction pourraient parrainer le duo président – vice-président en 2026. Puisque nous ne sommes pas parvenus à faire cela, la relecture du code électoral s’imposait. D’abord, il fallait tout faire pour que le problème de délai, qui est la base en fait du recours formulé par un compatriote, soit réglé une fois pour de bon. C’est pour cela que de nouvelles dates ont été arrêtées avant le dépôt des candidatures, afin que le député qui accorde son parrainage le fasse en toute légitimité. Le code prévoit que le duo candidat président – vice-président de la République, récupère les parrainages et dépose sa candidature 180 jours avant le premier tour du scrutin. Cela veut dire qu’ils ont le temps nécessaire. Par exemple en avril 2026, on aura l’élection présidentielle. Six mois avant, le candidat a déjà déposé son dossier de candidature, qui comprend les parrainages et là, ce sont les députés et maires en exercice, qui le lui accordent. Ainsi, le problème de parrainage et d’égalité entre les élus est réglé.
Les candidats aux élections communales quant à eux, disposent de 75 jours pour déposer leurs candidatures, afin que les résultats, les recours, l’installation et autres, puissent être contenus dans un certain délai de sorte qu’il n’y ait pas de chevauchements entre les dates d’installation des maires comme ce fut le cas, lors des élections communales de 2020. En ce qui concerne les députés, ils doivent déposer leurs dossiers de candidatures 60 jours avant le jour du scrutin. 
Mais les députés ne se sont pas seulement contentés de régler le problème des délais pour répondre à la préoccupation de la Cour. Pourquoi sont-ils allés au-delà ? 

C’est notre prérogative en tant que députés, en tant que législateur. Nous avons pensé qu'il était bon de modifier un certain nombre d’articles, certaines dispositions notamment celles relatives au nombre de parrainages. Il est passé de 10 % à 15 % du nombre d’élus à savoir maires et députés. Désormais, le duo présidentiel doit avoir au moins 15 % des parrainages et cela doit provenir des 3/5e des circonscriptions électorales. Et lorsque vous êtes membre d’un parti politique, vous devez remettre votre parrainage au candidat désigné par votre parti. La discipline du groupe doit nous imposer une certaine conduite. 
En 2019, le code électoral a été le grand aboutissement de plusieurs réformes visant à assainir le milieu politique, à donner de la valeur, à renforcer les partis politiques, et à faciliter leur implantation pour que véritablement, ces partis politiques jouent leur rôle. Dans cette logique, nous nous sommes dits : porter à 15 % le taux de parrainage à rassembler par le duo candidat à la présidentielle, parait assez raisonnable, surtout que le taux de 10 % avait été retenu quand il y avait 83 députés. Mais l’Assemblée nationale compte aujourd’hui 109 députés. 
L’autre innovation est relative au pourcentage qui permet d’être éligible au siège de député. Il est passé à 20 % dans les 24 circonscriptions électorales sur l’ensemble du territoire national, alors qu’il était de 10 %. Un parti fort doit montrer sa capacité à être présent dans toutes les circonscriptions. On ne veut plus avoir des députés d’une circonscription. Nous voulons que les députés soient réellement des députés nationaux et que viennent à l’Assemblée, des députés qui représentent des partis qui ont une implantation nationale. Et nous pensons qu’il n’y a pas du tout de quoi s’alarmer parce que tous les partis sont concernés. Cela veut dire tout simplement que la concurrence devient rude. Il faut pouvoir occuper le terrain, s’organiser d’abord à l’intérieur de chaque parti, afin d’occuper rationnellement le terrain. Puis, 20 %, c’est à la portée de tout le monde. 
Et il y a un alinéa qui précise que deux partis, avant le scrutin, peuvent déposer à la Cena, un accord de gouvernance parlementaire. Si dans une ou plusieurs circonscriptions, ils n’ont pas les 20 %, ils peuvent se mettre ensemble et atteindre les 20 % pour à voir des sièges. Ce qui n’a rien avoir avec les alliances de partis. Personne n’est exclu aujourd'hui. Les 15 partis que nous avons peuvent tous aller à l'élection. Il faut éviter ce que nous avons connu par le passé. Une candidature doit être soutenue par un électorat, par une occupation réelle du terrain, ce qui n’a pas été le cas pendant longtemps. Nous souhaitons qu’à l’issue de ces élections législatives, un nouveau départ en 2026, que nous n’ayons à l’Assemblée peut-être 3 à 4, 5 partis politiques maximum.

Est-ce que cela ne porte pas entorse au multipartisme intégral ? 

Il faudrait que nous commencions par regarder ce qui se passe autour de nous. Nous avons le Nigéria, le Ghana, les pays européens, où deux, trois partis maximum animent la vie politique. Je crois que c’est dans ce sens-là que nous devons pouvoir y aller. Il n’y a nulle part une question d’exclusion, à moins de se sentir incapable de conquérir l’électorat.
En dépit de ces innovations, l’opposition crie à l’exclusion. Qu’en dites-vous ?  

Ce n’est pas une loi fait sur mesure. Au Bloc républicain (Br), nous sommes 28 députés, Les Démocrates sont aussi au nombre de 28. Nous savons que nous avons du boulot, et nous nous organisons. Nous allons rester très solides, très soudés, très forts et c’est comme cela qu’on peut aller de l’avant. C’est cela le message que je voudrais transmettre à nos amis. Il n’est pas question de penser que c’est fait pour affaiblir un parti x ou y. Tout le monde est concerné et tout le monde doit se battre pour y arriver. 
Vous vous êtes également penchés sur la question des chefs de village. Quelle en était l’opportunité ?

Au niveau des chefs de village et de quartiers de ville, il y a très longtemps que les élections ont eu lieu. Il fallait trouver une solution avant les élections générales qui sont prévues pour 2026. Il est prévu qu’ils restent tous en fonction, et quant à leurs obédiences politiques, c’est celle qui leur a permis d’être élus aux dernières élections communales. Evidemment, il y aura toujours des arrangements et ça dépendra de la capacité des partis à pouvoir négocier avec ceux-là qui ont été élus sous leur bannière. C’est vrai que ce sont des élus locaux, pour la plupart Fcbe et autres, et qui ne le sont plus aujourd’hui, mais qui ont une coloration politique. En 2026, c’est le parti qui va gagner les élections dans une localité, qui désigne les chefs de village et de quartiers. Voilà quelques innovations que nous avons apportées au code. Nous entendons beaucoup de bruits mais les lois électorales ont suscité chaque fois des remous. Donc nous ne disons pas que ce n’est pas perfectible, et c’est à la Cour constitutionnelle qu’il faut se référer. Il ne faut pas chercher à enflammer le pays. Si la Cour constitutionnelle trouve qu’il y a des dispositions à reformuler, qui ne sont pas conformes à la loi fondamentale, nous, au niveau de la mouvance, nous sommes très démocrates. C’est à cœur joie que nous allons nous asseoir pour modifier cela, et nous conformer aux décisions de la Cour constitutionnelle.
Les partis politiques doivent commencer par se mettre ensemble, s’associer, fusionner, devenir forts, surpasser les égos individuels. C’est notre capacité à bien diriger nos partis qui va nous procurer de bons résultats. Au niveau du Bloc républicain, nous cherchons à nous ouvrir à d'autres partis. Parmi les 15 partis enregistrés, il y en a vers qui nous allons nous diriger. Que les autres aussi fassent la même chose. C’est ce que nous devons faire dans l’intérêt du Bénin.
Votre mot de la fin

Un appel aux concitoyens à rester vigilants, pour ne pas tomber sous les coups de la désinformation. Et nous disons à nos amis d'en face, de rester sereins ; qu'on attend que la cour fasse son travail. Nous sommes des républicains, nous irons à des élections très apaisées, à des élections très inclusives, qui seront crédibles et qui permettent que les meilleurs partis s'en sortent?