La Nation Bénin...

Le quatrième dossier au rôle de la première session de la cour d’assises de la cour d’appel d’Abomey a été examiné, jeudi 17 mai dernier. La cour a prononcé une condamnation de cinq ans d’emprisonnement ferme à l’encontre de Dègbédji Aholidji accusé de coups et blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente.
A l’annonce des cinq ans de prison ferme comme verdict donné par la cour, l’accusé Dègbédji Aholidji, 28 ans, a aussitôt fléchi les genoux pour remercier la cour pour sa clémence. En réalité, l’accusé est en détention depuis le 31 janvier 2013. Ayant donc passé cinq ans en détention, il est considéré comme libre de ses mouvements après le verdict. Après tout ce temps passé en prison, il est visiblement heureux de retrouver les siens à Kpakpassa dans la commune de Savalou. Mais pour en arriver là, l’accusé a dû traverser une journée bien chaude, arrosé de questions auxquelles il devait répondre pour permettre à la cour de comprendre le dossier.
Invité à la barre pour répondre aux questions de la cour, l’accusé Dègbédji Aholidji a du mal à être cohérent dans sa version des faits. A travers ses nombreuses questions, la cour a voulu comprendre tout ce qui a emmené aux coups et blessures volontaires portés au sieur Robert Tonassé, 32 ans, dans la nuit du 17 décembre 2012 et qui lui ont fait perdre à vie l'usage de son l’œil gauche. Des différentes déclarations faites donc à la barre, l’accusé reconnaît que le nommé Robert Tonassè est un ami qui l’a aidé à prendre son épouse en mariage en menant les démarches auprès du père de la fille. Et pour avoir la fille sous toit, il a dû débourser la somme de 80 000 F Cfa pour conclure le contrat d’apprentissage de la fille. Mais, chose étonnante, Dègbédji soupçonne une relation secrète entre sa compagne Nathalie et son entremetteur Robert. Celui-ci est allé jusqu’à proposer de lui rembourser les 80 000 F dépensés qui représentaient en quelque sorte la dot. Ce qui a davantage versé Dègbédji et confirmer ses soupçons. Ne comprenant plus rien, il n’a pas hésité à en parler aux deux, à sa compagne Nathalie comme à son ami Robert. La dame avoue à son mari avoir eu par le passé une intimité avec Robert. Mais, ce dernier nia catégoriquement toute relation avec Nathalie. Le fait est là qu’à la moindre dispute dans le couple, la dame accourt chez l’entremetteur Robert pour se confier et parfois avoir un refuge.
Et c’est ce qui s’est passé le 17 décembre 2012. Revenu du champ, Dègbédji demande à sa compagne de lui faire à manger. Celle-ci refuse et une dispute éclate entre les deux. Quelques instants après, la dame sort de la maison et prend la direction de la maison de Robert. Impuissant, le mari subit la honte de cette désertion conjugale.
Pour en finir avec ce mariage à trois, Dègbédji se rend aussi au domicile de son rival Robert, où il trouve sa femme en train de se faire consoler. Celle-ci prend peur et détale. Les deux rivaux se rouent de coups. Il sonnait environ 22 h. C’est dans cette confusion que Robert reçoit un coup fatal sur l’œil gauche. Au-delà d’un coup, il croit et soutient que c’est plutôt avec un objet contondant que Dègbédji lui a crevé l’œil ce soir-là. Malgré tous les soins, rien à faire. L’irréparable est fait. Conséquence, l’auteur de cet acte, Dègbédji est mis aux arrêts et inculpé.
A la barre, Nathalie, la compagne de Dègbédji ; Robert, l’entremetteur et le beau-père ont chacun donné leurs versions des faits. Robert ne reconnaît pas avoir eu une intimité avec la dame mais était juste un conseiller pour elle. Faux ! dira dame Nathalie. «J’étais sortie avec Robert avant d’épouser Dègbédji », rectifie-t-elle. D’ailleurs, raconte-t-elle, « Je ne savais pas qu’ils étaient des amis. Sinon, je n’aurai, pas permis à ce que ce soit Robert qui démarche pour Dègbédji en allant voir mon père ici présent. Je reconnais que je me confiais à Robert. Je cotisais chez lui et je l’informais aussi des cadeaux que mon mari me faisait sans savoir que les deux étaient des amis ».
Le beau-père aussi prend la parole pour remettre de l’ordre dans les diverses versions. Notamment, la version de Robert sera battue en brèche. Le père n’a jamais confié sa fille Nathalie à Robert comme il l'a fait croire. Au contraire, dit-il, la fille était en apprentissage quand il est venu demander sa main, pour son ami Dègbédji. Et j’ai exigé que la fille finisse l’apprentissage surtout qu’elle a vite quitté l’école. Mais, à sa grande surprise, il a constaté lors d’un voyage que sa fille a déjà rejoint le mari promis. Alors, il exige que la suite du contrat soit honorée par le mari. Ce qui fut fait par ce dernier qui paye 80 000 F pour permettre à la fille de poursuivre l’apprentissage.
L’excuse de la provocation
Dans ses réquisitions, Blaise Kissezounon, représentant le ministère public relève que « la société devient de plus en plus un théâtre de violence gratuite. Il constate que cette violence a gagné aussi les familles qui devraient être des repères de valeurs morales exemplaires. Et, fait-il observer, ce quatrième dossier inscrit au rôle de cette session des assises de la cour d’appel d’Abomey en est une preuve tangible. Les mœurs ont été ébranlées au point de mettre une ambiance fétide dans les relations amicales et fraternelles pour « finir par un œil crevé à Robert ».
L’avocat général note qu’après l’audition des différents personnages impliqués, le constat est là que les trois éléments constitutifs des faits sont bien rassemblés pour le chef d’accusation de coups et blessures volontaires ayant entraîné une infirmité permanente. Il évoque l’infraction de coups portés à quelqu’un et qui entraîne une infirmité qui constitue un acte de violence prévu et puni par la loi. Une infraction mentionnée par le Code pénal notamment en son article 309 alinéa 3. Il mettra l’accent sur les éléments matériel et moral. Le premier concerne les heurts, chocs, coups de poing. Le cas ici, c’est qu’au-delà des coups de poing, il y a eu, selon la victime, un coup de couteau. En ce qui concerne l’élément moral, il brandit l’élément intentionnel. Les coups de poing donnés à la victime et provoquant une infirmité intervient dans des circonstances aggravantes. Et l’auteur en porte la responsabilité criminelle. Pour étayer ses propos, l’avocat général fait référence au certificat médical de la victime qui parle de l’« éclatement du globe oculaire gauche avec une large plaie d’environ 5 cm ».
En tenant compte de la tournure des débats, le ministère public estime que, bien que convaincu du délit de coups et blessures volontaires, l’accusé peut bénéficier des circonstances atténuantes parce que vexé par le rapprochement entre sa femme et son entremetteur. Dègbédji Aholidji a donc l’excuse de la provocation qui entraîne par conséquent une modération de la pénalité. Invoquant les articles 309 et 303 du Code pénal, l’avocat général demande à la cour de condamner l’accusé à une peine de 4 ans de réclusion criminelle.
La défense assurée par Me Hyacinthe Houngbadji s’est dite admirative des « réquisitions honnêtes » de l’avocat général qui le rendent « fier de la justice béninoise avec des acteurs qui travaillent dur pour ne laisser aucune place aux lacunes ». Il salue l’humanisme de l’avocat général qui a rappelé les circonstances atténuantes dont bénéficie l’accusé. Il plaide l’ignorance de son client qui est poursuivi sur les dispositions 309 alinéa 3 du Code pénal pour avoir porté des coups à Robert parce que se sentant trahi et abusé par ce dernier. L’avocat demande la clémence de la cour afin de permettre aux personnes impliquées dans ce dossier d’« aller laver le linge sale en famille ». Car, tout est parti d'une incompréhension entre les membres d’une même famille.
Après une suspension, la cour revient pour délibérer. Il reconnaît Dègbédji Aholidji coupable de coups et blessures volontaires punis par plusieurs dispositions du Code pénal en ses articles 309 alinéa 3, 301 alinéa 3 puis elle le condamne à cinq ans d’emprisonnement ferme.
Statuant sur le volet civil, la cour revient et révise à la baisse la requête de la victime qui réclame 12 millions F Cfa pour dommages et intérêts. La cour délibère et condamne l’accusé à payer à la victime Robert Tonassé la somme de 2,5 millions F Cfa pour préjudice à lui causé.
Résumé des faits
Orpheline de mère, la nommée Nathalie Ahouandjinou a été confiée à Robert Tonassé par son père Tognissè Tossa. Intéressé par cette dernière, Dègbédji a fait des démarches auprès du tuteur et du père pour l’épouser.
Dans la vie quotidienne du couple, Dègbédji Aholidji aurait l’habitude d’exercer des violences sur sa compagne qui allait souvent se plaindre à son tuteur Robert Tonassé. Mécontent de ce rapprochement entre sa femme et Robert, Dègbédji s’est mis à soupçonner ce dernier de courtiser sa femme.
Le 17 décembre 2012, une fois encore, Dèdédji aurait porté des coups à sa femme qui est allée se refugier chez Robert Tonassé.
A la recherche de sa femme, Dègbédji se serait rendu au domicile de Robert où une bagarre s’éclata au cours de laquelle Robert Tonassé a eu l’œil gauche crevé.
Dègbédji aurait reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure. Le bulletin n°1 de son casier judiciaire ne porte aucune mention de condamnation antérieure. L’enquête de moralité lui est favorable et il n’était pas en état de démence au moment des faits.
Composition de la Cour
Président : Désiré P. Dato
Assesseurs : Serge
Hounmanakan, Mohamed Obonou
Jurés : Gérard Tossou,
Germain Ayinon, Marguerite Hortense Kossou,
Victor Agbémahouè
Avocat général : Blaise Kissezounon
Greffier : Etienne Ahonahin