La Nation Bénin...
Le Bénin amorce un tournant majeur pour l’inclusion
numérique en Afrique de l’Ouest avec le lancement, ce mardi 24 juin, du
Laboratoire régional d’innovation numérique et technologique. Ce projet
ambitieux vise à développer le tout premier modèle d’intelligence artificielle
(IA) vocale en langue fon, en partenariat avec l’Institut for Inclusive Digital
Africa (Iidia) et l’Agence des systèmes d’information et du numérique (Asin).
Une avancée historique pour démocratiser l’accès au numérique et valoriser les
langues maternelles.
Dans une région où plus de mille langues coexistent, les
services numériques restent largement destinés aux locuteurs du français ou de
l’anglais. Or la langue fon, parlée par des millions de personnes au Bénin et
dans les pays voisins était jusqu’ici marginalisée dans la révolution
technologique. La mise en place de ce modèle d’IA capable de comprendre et
répondre vocalement en fon commencera à réduire ce fossé linguistique. Le
laboratoire régional d’innovation numérique et de technologie a pour objectif
de permettre à tous, y compris aux personnes âgées ou non lettrées en zone
rurale, de dialoguer avec la technologie dans leur langue maternelle, sans
recours à l’écrit ni à une langue étrangère.
Le premier usage de ce modèle vocal en fon concernera
d’abord la localisation des pharmacies de garde, la consultation du solde
Mobile Money en collaboration avec l’opérateur Celtiis, ainsi que l’accès vocal
aux démarches administratives, notamment la demande d’extrait de naissance.
Lors de la cérémonie, Makarimi Adechoubou, président du conseil d’administration de l’Institut for Inclusive Digital Africa, a présenté le projet comme un acte fondateur d’un numérique africain plus juste et plus enraciné dans nos réalités. Il a souligné que ce centre d’excellence régional vise à accompagner la conception, le test et le déploiement de technologies innovantes au service des États et des citoyens africains. Il a aussi mentionné le soutien apporté par la Fondation Gates et l’implication des ministères du Numérique du Bénin, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire.
Coopération sud-sud
Le projet repose sur une coopération sud-sud fondée sur
la mutualisation des ressources. Dans les neuf prochains mois, un prototype
d’IA en fon sera finalisé grâce à la collecte communautaire de données vocales
et à l’utilisation d’infrastructures Gpu puissantes telles que les ‘’NVIDIA
A100 et H100’’. Une fois validé, ce modèle pourra être adapté à d’autres
langues africaines et déployé dans des secteurs stratégiques tels que la santé
numérique, l’éducation en langues locales, l’agriculture intelligente, les
services publics digitalisés et la navigation géolocalisée.
Marc André Loko, directeur général de l’Asin, a indiqué que cette collaboration est née d’une rencontre fortuite lors d’un vol entre Addis-Abeba en Ethiopie et Bangalore en Inde. Il a témoigné que parler à son voisin peut changer le cours des choses, rappelant ainsi l’importance des échanges humains. Il a souligné que l’Asin, créée il y a trois ans, a multiplié les initiatives pour positionner le Bénin comme un acteur majeur de la transformation numérique en Afrique. Après un démarrage discret, l’agence s’est véritablement ouverte au monde il y a dix-huit mois. « Depuis juin 2022, plus de 220 services publics sont entièrement dématérialisés, l’interopérabilité entre systèmes publics et privés est assurée grâce à une coopération avec l’Estonie, et des centres d’alerte protègent les infrastructures numériques. Par ailleurs, l’École des Métiers du Numérique ainsi que des formations destinées aux communes renforcent les compétences locales », a rappelé le directeur général de l’Asin. Marc André Loko a invité les uns et les autres au travail afin de saisir les opportunités.
Les autorités invitent les partenaires technologiques, les universitaires, les investisseurs et décideurs politiques à se joindre à cette mission. À l’avenir, de nouveaux cas d’usage seront testés, d’autres langues locales intégrées et des démonstrations publiques organisées. L’ambition n’est pas seulement technologique, elle est aussi sociale et culturelle. Il s’agit de concevoir des technologies qui s’adressent aux populations dans leurs propres mots et répondent à leurs besoins réels.