Joël Atayi-Guèdègbé au sujet de la révision manquée de la Constitution: « L’issue momentanée de ce débat n’est en vérité qu’une demi-surprise »
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Joël Atayi-Guèdègbé
A travers cette interview, Joël Atayi-Guèdègbé, analyste politique et expert en gouvernance, donne son avis sur le rejet, par l’Assemblée nationale, de la prise en compte de la proposition de révision de la Constitution. A l’en croire, le geste du Parlement pourrait être une victoire momentanée pour les antirévisionnistes dans la mesure où le sujet peut encore revenir sur le tapis.
Par
Ariel GBAGUIDI, le 07 mars 2024
à
07h16
Durée 4 min.
#Joël Atayi-Guèdègbé au sujet de la révision manquée de la Constitution
La Nation : L'Assemblée nationale a rejeté la prise en compte de la proposition de révision de la Constitution portée par le député Assan Séïbou. Comment analysez-vous cela ?
Joël Atayi-Guèdègbé : L’issue momentanée de ce débat n’est en vérité qu’une demi-surprise, tant la proposition de loi du président du groupe parlementaire Bloc républicain paraissait peu cohérente et anachronique en certains de ses points, pour être quelque peu charitable avec ceux qui la soutenaient par calcul politicien ou tragique méconnaissance… Bref, s’il faut savoir gré à l’auteur de ladite proposition de s’être pratiquement offert par sa témérité en victime expiatoire de sa famille politique, il crevait les yeux que, non seulement, l’enthousiasme était peu perceptible autour de lui pour en partager la paternité ; tout, comme, au fond, sa solution à la question posée par la décision de la Cour constitutionnelle était trop tortueuse et moins rationnelle que nombre d’approches plus pertinentes et de suggestions intervenues dans le débat public ainsi occasionné…
D’autant qu’au surplus, on peut encore douter que les trois groupes parlementaires de l’Assemblée nationale soient sérieusement préoccupés, pour l’instant, d’engager entre eux un dialogue fécond et, encore moins, de s’efforcer de construire ou jeter avec l’ensemble des parties prenantes de la nation, les bases du consensus fortement recommandé par le président Talon à l’occasion …
Ce qui est aussi surprenant, c'est le rejet par sept députés de la mouvance présidentielle. Quelles leçons peut-on finalement tirer de cette position ?
À l’évidence, c’est le fait le plus instructif du vote de rejet de la proposition de révision qui s’est opéré par un vote non secret. Il n’était pas moins curieux de voir les députés de l’opposition revendiquer leur vote négatif comme une forme de soutien objectif au président Talon qui avait revendiqué et affiché son refus d’endosser intuitu personae une quelconque opération de révision; quand bien même il n’en a pas moins laissé entendre qu’il ne se déroberait ou ne s’opposait point à son obligation constitutionnelle de promulgation en cas de succès des initiatives parlementaires de révision portées par sa majorité parlementaire.
À l’arrivée, bien malin qui pourrait démontrer nettement en quoi les sept membres de la majorité parlementaire qui ont, avec deux ou trois de leurs camarades abstentionnistes, renforcé la minorité de blocage déjà assurée par l’opposition.
Selon vous, la proposition de révision pourrait-elle revenir sur le tapis avant 2026 ?
Dans l’absolu, et sous la réserve de l’observation d’un délai de trois mois, la réponse est positive, s’agissant précisément d’une proposition de loi ayant fait l’objet d’un rejet par un vote de la plénière de l’Assemblée nationale.
Au demeurant, l’article 76.1 du règlement intérieur en vigueur (résolution 2020-01 du 14 juillet 2020) de l’Assemblée nationale stipule que : « Les propositions de loi et les propositions de résolution rejetées par l’Assemblée nationale ne peuvent être réintroduites avant le délai de trois mois. »
En conséquence, rien n’exclurait que la question soit remise sur le tapis, soit à l’initiative du porteur de cette proposition de révision constitutionnelle défaite par le vote de non prise en compte intervenu vendredi nuit, soit par d’autres députés et peut-être par la procédure d’urgence (…).
‘‘Last but not the least’’, en cas de consensus largement avéré, rien ne s’opposerait non plus en ce sens à la limitation des modifications des lois importantes préconisée par le Protocole additionnel de la Cedeao relatif à la démocratie à la gouvernance qui prévoit un délai de 6 mois au maximum, etc.