La Nation Bénin...
L’école au Bénin est considérée comme le «
temple » voué à la transmission d’une langue sacralisée par les uns, sacrée
pour les autres : la langue française. Son enseignement instruirait tout le
monde et ne distinguerait personne. Aussi, les « Gardiens inconditionnels de
l’intelligentsia », pour n’être pas en reste, confirment-ils l’excellence des
méthodes traditionnelles comme filtres à séparer le bon grain de l’ivraie et
proposer des remédiations au cas par cas.
Scientifiquement, nous ne pouvons pas nous
proposer une innovation qui nous entraînerait vers des pratiques contraires à
l’opinion dominante, sans l’approbation de la hiérarchie, des Inspecteurs
pédagogiques et de l’opinion publique. En effet, la transmission des savoirs à
l’école se déroule selon une liturgie des mythes et mystères, dans un contexte
de rites.
Le niveau baisse mais la foi en la puissance
magique de ces rites se maintient. Rites vecteurs de la connaissance,
connaissance révélée miraculeusement au cours d’un rituel dont l’efficacité
didactique est liée à la procédure du droit pédagogique perpétuel. Nous
voudrions juste nous permettre un exercice de remise en cause des curricula en
français tels qu’ils se déroulent actuellement. Un rapide feedback montre que
les pratiques et les stratégies d’installation des ressources de langue en
vogue depuis une décennie ont déjà montré leurs limites si tant est que la
performance recherchée chez les apprenants dans les lycées et collèges au Bénin
n’est pas perceptible. Il urge donc de faire un bilan des stratégies utilisées
pour proposer une amélioration. Pour notre part, on pourrait procéder à une
refonte des unités d’enseignement en français. On pourrait par exemple
reconstituer l’objectif terminal d’intégration de l’unité 1 en compétences
linguistiques afin de procéder d’abord à l’installation de ressources dont
l’apprenant aura besoin pour atteindre les objectifs terminaux des unités 2 et
3 qui pourraient être aussi reconstituées en Lecture/ orale et en Communication
écrite. Nous proposons alors une reconstitution en trois (3) Compétences
disciplinaires :
- Unité 1 : Compétences linguistiques
- Unité 2 : Communication orale/ Lecture (nous
y reviendrons en détail dans un autre article)
- Unité 3 : Communication écrite.
C’est dans ce contexte que nous voudrions
revenir sur l’importance de la dictée et des autres activités de langue qui
sont des activités par excellence d’installation des ressources de langue et de
remédiations au besoin.
Nous entendons par dictée cet « exercice qui
consiste en un texte lu à haute voix et qui doit être transcrit selon les
règles de l’orthographe » (Cf. Dictionnaire Le Robert illustré, Dixel, 2013).
Pour notre part, les représentations concernant
la dictée et l’orthographe, autant dans l’opinion que chez les professionnels,
tiennent plus de la croyance superstitieuse que de l’exercice rationnel du
jugement. Enseignants et chercheurs en sciences de l’éducation vivent leurs «
ministères » comme prêtres et théologiens d’une doctrine de la grâce donatrice
d’un savoir impalpable et indicible. Ce qui exclut l’approche, le toucher et la
manipulation vulgaires. Pour l’orthodoxie, les élèves qui apprennent et retiennent
le mieux les règles d’orthographe sont ceux dont la croyance est forte et la
foi chevillée au cortex. Ils la reçoivent pieusement lors de la communion par
la dictée. Les nuls, les plus de cinq fautes, sont des élèves de peu de foi et
de « mauvaise » grâce. Ainsi, la dictée permet-elle de séparer le vice de la
vertu. Elle est considérée comme un
exercice d’apprentissage, et un moyen d’évaluation de l’orthographe. Encore faut-il distinguer les compétences à
asseoir lors de cet exercice. Qu’attendons-nous exactement des apprenants ?
Avoir une meilleure acuité auditive ou savoir écrire exactement les mots ?
Dans le premier cas, nous pensons que les
objectifs assignés à une audition parfaite des mots dépendent moins des
apprenants que de ceux qui ont en charge de « dicter ». La véritable question à
ce niveau est « qui dicte ? ». En effet, la prononciation des mots reste
jusqu’à présent un exercice aléatoire dans le contexte béninois où la formation
de l’enseignant reste une gageure. Encore que ce ne sont pas que des
enseignants qui « dictent » dans les salles d’examens ou de compositions. A ce
niveau, nous pensons qu’il faut préalablement penser à une formation
systématique des enseignants à la prononciation des mots. Nous savons que ce ne
sera pas la sinécure.
L’orthographe reste arbitraire, comme toutes
les ressources de la langue. Aucun raisonnement ne peut en effet justifier les
graphies en usage. En fait, toute l’orthographe est d’usage : simplement il y a
deux usages : l’usage lexical et l’usage grammatical. Donc prendre la dictée
pour une évaluation sommative est, pédagogiquement, une erreur, surtout dans le
contexte béninois.
En outre, sur le plan psychopédagogique, nous
devons garder à l’esprit que les apprenants doivent être évalués dans les mêmes
conditions. Or, nous n’avons aucun moyen, surtout dans les circonstances
actuelles, de juger de l’égalité des chances quant à l’acuité auditive des
apprenants. Il va sans dire que chaque
apprenant écrira selon ce qu’il aura entendu, malgré toute sa bonne volonté
d’orthographier correctement les mots. A ce niveau encore, l’évaluation sera
biaisée.
Enfin, il existe des exercices plus percutants
et dont les valeurs psychopédagogiques sont largement démontrées pour aider les
apprenants à mieux s’approprier l’orthographe des mots. Ces activités de langue
exemplifient, à notre humble avis, des possibilités d’intervention concourant à
rendre les élèves plus sensibles à certaines difficultés langagières, des
difficultés qu’ils doivent apprendre à surmonter pour produire un écrit
correct. Il s’agit des textes à trous, des textes en puzzle et des textes lacunaires
qui ont fait leurs preuves surtout sous d’autres cieux.
On peut, par exemple,
Choisir un texte compréhensible pour les
élèves et susceptible de les intéresser, si possible dans le cadre d’une
séquence d’activités.
Annoncer aux élèves qu’ils devront répondre à
un questionnaire de compréhension portant sur le texte : il importe en effet
que les activités mobilisant des connaissances d’ordre langagier soient
rattachées à des tâches de communication. Cela évite que les apprenants
négligent le sens sous prétexte qu’ils travaillent sur la langue. Cela évite
également qu’ils cloisonnent activités de langue et activités de compréhension.
Faire la lecture du texte en question, dans
sa version originale.
Donner aux élèves la version trafiquée.
Trafiquer ce texte en veillant à ne pas
multiplier les altérations et, surtout, à mettre en évidence des problèmes de
langue courants. Résister à la forte commune tentation de mettre l’exception en
évidence. Toujours garder à l’esprit que les problèmes qui sont, pour le
professeur, extrêmement, voire excessivement, faciles à résoudre peuvent être
très difficiles pour les élèves.
Privilégier résolument les problèmes
d’orthographe grammaticale qui, à l’inverse des problèmes d’orthographe
lexicale, font appel à un raisonnement sur la langue.
Ne pas négliger pour autant les difficultés
d’orthographe lexicale qui peuvent être surmontées grâce à l’application de
règles.
Garder ceci en point de mire: l’objectif à
atteindre est que les élèves deviennent capables de résoudre, dans le cours
même de la production d’un écrit, les problèmes d’orthographe les plus
fréquents ou, tout au moins, de corriger les erreurs qu’ils ont commises en
cours de production.
Pour atteindre cet objectif, leur apprendre à
douter des formes qu’ils ont produites ou qui ont été produites par des tiers.
Cet apprentissage implique la réflexion sur des formes correctes et sur des
formes erronées.
Si des formes erronées sont proposées à la
réflexion, bannir les formes qui n’existent pas.
Ne pas hésiter à confronter les élèves
plusieurs fois à la même difficulté ni à faire énoncer plusieurs fois la
procédure à suivre pour la surmonter : il y a des automatismes à faire
acquérir.
Répéter inlassablement que l’important n’est
pas d’avoir noté « la bonne orthographe » mais de savoir comment faire pour
produire la forme correcte.
Varier les tâches. Par exemple :
orthographier des mots dictés qui auront été sélectionnés compte tenu du fait
qu’ils ne s’écrivent pas comme ils s’entendent ; choisir entre deux
(exceptionnellement trois) formes proposées ; justifier une forme correcte ou
corriger, justification à l’appui, une forme erronée ; trouver et corriger un
nombre donné d’erreurs dans un texte ; corriger un texte, etc.
Eviter les tâches trop longues. Songer à
morceler le texte. Accorder quelques minutes pour résoudre une partie des
problèmes, puis passer à la correction.
Ne pas hésiter à laisser les élèves
travailler par couples ou, si la disposition des tables le permet, par petits
groupes.
Surveiller leur travail et repérer, en
passant dans la classe, les élèves qui échouent à résoudre certains problèmes.
Donner prioritairement la parole aux élèves
qui ont commis des erreurs.
Les questionner sur leurs stratégies de
résolution des problèmes.
Veiller à mettre à la disposition de tous,
les stratégies adéquates, d’abord en faisant appel à d’autres élèves, ensuite,
si nécessaire, en explicitant soi-même la stratégie pertinente.
Se demander si l’exercice est utilisé dans le cadre d’une évaluation diagnostique, formative, ou certificative. Dans ce dernier cas, il convient que les élèves aient été préalablement aguerris aux tâches imposées.
Docteur en Sciences de l’éducation, Didacticien
du français
Les activités de langue: Une stratégie d’installation des ressources de langue et d’évaluation formative par excellence