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Les activités de langue: Une stratégie d’installation des ressources de langue et d’évaluation formative par excellence

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Les activités de langue: Une stratégie d’installation des ressources de langue et d’évaluation formative par excellence Les activités de langue: Une stratégie d’installation des ressources de langue et d’évaluation formative par excellence

L’école au Bénin est considérée comme le « temple » voué à la transmission d’une langue sacralisée par les uns, sacrée pour les autres : la langue française. Son enseignement instruirait tout le monde et ne distinguerait personne. Aussi, les « Gardiens inconditionnels de l’intelligentsia », pour n’être pas en reste, confirment-ils l’excellence des méthodes traditionnelles comme filtres à séparer le bon grain de l’ivraie et proposer des remédiations au cas par cas.

Par   GANDAGBE Jules-Marie, le 09 janv. 2024 à 03h02 Durée 6 min.
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Scientifiquement, nous ne pouvons pas nous proposer une innovation qui nous entraînerait vers des pratiques contraires à l’opinion dominante, sans l’approbation de la hiérarchie, des Inspecteurs pédagogiques et de l’opinion publique. En effet, la transmission des savoirs à l’école se déroule selon une liturgie des mythes et mystères, dans un contexte de rites.

Le niveau baisse mais la foi en la puissance magique de ces rites se maintient. Rites vecteurs de la connaissance, connaissance révélée miraculeusement au cours d’un rituel dont l’efficacité didactique est liée à la procédure du droit pédagogique perpétuel. Nous voudrions juste nous permettre un exercice de remise en cause des curricula en français tels qu’ils se déroulent actuellement. Un rapide feedback montre que les pratiques et les stratégies d’installation des ressources de langue en vogue depuis une décennie ont déjà montré leurs limites si tant est que la performance recherchée chez les apprenants dans les lycées et collèges au Bénin n’est pas perceptible. Il urge donc de faire un bilan des stratégies utilisées pour proposer une amélioration. Pour notre part, on pourrait procéder à une refonte des unités d’enseignement en français. On pourrait par exemple reconstituer l’objectif terminal d’intégration de l’unité 1 en compétences linguistiques afin de procéder d’abord à l’installation de ressources dont l’apprenant aura besoin pour atteindre les objectifs terminaux des unités 2 et 3 qui pourraient être aussi reconstituées en Lecture/ orale et en Communication écrite. Nous proposons alors une reconstitution en trois (3) Compétences disciplinaires :

- Unité 1 : Compétences linguistiques

- Unité 2 : Communication orale/ Lecture (nous y reviendrons en détail dans un autre article)

- Unité 3 : Communication écrite.

C’est dans ce contexte que nous voudrions revenir sur l’importance de la dictée et des autres activités de langue qui sont des activités par excellence d’installation des ressources de langue et de remédiations au besoin.

Nous entendons par dictée cet « exercice qui consiste en un texte lu à haute voix et qui doit être transcrit selon les règles de l’orthographe » (Cf. Dictionnaire Le Robert illustré, Dixel, 2013).

Pour notre part, les représentations concernant la dictée et l’orthographe, autant dans l’opinion que chez les professionnels, tiennent plus de la croyance superstitieuse que de l’exercice rationnel du jugement. Enseignants et chercheurs en sciences de l’éducation vivent leurs « ministères » comme prêtres et théologiens d’une doctrine de la grâce donatrice d’un savoir impalpable et indicible. Ce qui exclut l’approche, le toucher et la manipulation vulgaires. Pour l’orthodoxie, les élèves qui apprennent et retiennent le mieux les règles d’orthographe sont ceux dont la croyance est forte et la foi chevillée au cortex. Ils la reçoivent pieusement lors de la communion par la dictée. Les nuls, les plus de cinq fautes, sont des élèves de peu de foi et de « mauvaise » grâce. Ainsi, la dictée permet-elle de séparer le vice de la vertu.  Elle est considérée comme un exercice d’apprentissage, et un moyen d’évaluation de l’orthographe.  Encore faut-il distinguer les compétences à asseoir lors de cet exercice. Qu’attendons-nous exactement des apprenants ? Avoir une meilleure acuité auditive ou savoir écrire exactement les mots ?

Dans le premier cas, nous pensons que les objectifs assignés à une audition parfaite des mots dépendent moins des apprenants que de ceux qui ont en charge de « dicter ». La véritable question à ce niveau est « qui dicte ? ». En effet, la prononciation des mots reste jusqu’à présent un exercice aléatoire dans le contexte béninois où la formation de l’enseignant reste une gageure. Encore que ce ne sont pas que des enseignants qui « dictent » dans les salles d’examens ou de compositions. A ce niveau, nous pensons qu’il faut préalablement penser à une formation systématique des enseignants à la prononciation des mots. Nous savons que ce ne sera pas la sinécure.

L’orthographe reste arbitraire, comme toutes les ressources de la langue. Aucun raisonnement ne peut en effet justifier les graphies en usage. En fait, toute l’orthographe est d’usage : simplement il y a deux usages : l’usage lexical et l’usage grammatical. Donc prendre la dictée pour une évaluation sommative est, pédagogiquement, une erreur, surtout dans le contexte béninois.

En outre, sur le plan psychopédagogique, nous devons garder à l’esprit que les apprenants doivent être évalués dans les mêmes conditions. Or, nous n’avons aucun moyen, surtout dans les circonstances actuelles, de juger de l’égalité des chances quant à l’acuité auditive des apprenants.  Il va sans dire que chaque apprenant écrira selon ce qu’il aura entendu, malgré toute sa bonne volonté d’orthographier correctement les mots. A ce niveau encore, l’évaluation sera biaisée.

Enfin, il existe des exercices plus percutants et dont les valeurs psychopédagogiques sont largement démontrées pour aider les apprenants à mieux s’approprier l’orthographe des mots. Ces activités de langue exemplifient, à notre humble avis, des possibilités d’intervention concourant à rendre les élèves plus sensibles à certaines difficultés langagières, des difficultés qu’ils doivent apprendre à surmonter pour produire un écrit correct. Il s’agit des textes à trous, des textes en puzzle et des textes lacunaires qui ont fait leurs preuves surtout sous d’autres cieux.

On peut, par exemple,

 Choisir un texte compréhensible pour les élèves et susceptible de les intéresser, si possible dans le cadre d’une séquence d’activités.

 Annoncer aux élèves qu’ils devront répondre à un questionnaire de compréhension portant sur le texte : il importe en effet que les activités mobilisant des connaissances d’ordre langagier soient rattachées à des tâches de communication. Cela évite que les apprenants négligent le sens sous prétexte qu’ils travaillent sur la langue. Cela évite également qu’ils cloisonnent activités de langue et activités de compréhension.

 Faire la lecture du texte en question, dans sa version originale.

 Donner aux élèves la version trafiquée.

 Trafiquer ce texte en veillant à ne pas multiplier les altérations et, surtout, à mettre en évidence des problèmes de langue courants. Résister à la forte commune tentation de mettre l’exception en évidence. Toujours garder à l’esprit que les problèmes qui sont, pour le professeur, extrêmement, voire excessivement, faciles à résoudre peuvent être très difficiles pour les élèves.

 Privilégier résolument les problèmes d’orthographe grammaticale qui, à l’inverse des problèmes d’orthographe lexicale, font appel à un raisonnement sur la langue.

 Ne pas négliger pour autant les difficultés d’orthographe lexicale qui peuvent être surmontées grâce à l’application de règles.

 Garder ceci en point de mire: l’objectif à atteindre est que les élèves deviennent capables de résoudre, dans le cours même de la production d’un écrit, les problèmes d’orthographe les plus fréquents ou, tout au moins, de corriger les erreurs qu’ils ont commises en cours de production.

 Pour atteindre cet objectif, leur apprendre à douter des formes qu’ils ont produites ou qui ont été produites par des tiers. Cet apprentissage implique la réflexion sur des formes correctes et sur des formes erronées.

 Si des formes erronées sont proposées à la réflexion, bannir les formes qui n’existent pas.

 Ne pas hésiter à confronter les élèves plusieurs fois à la même difficulté ni à faire énoncer plusieurs fois la procédure à suivre pour la surmonter : il y a des automatismes à faire acquérir.

 Répéter inlassablement que l’important n’est pas d’avoir noté « la bonne orthographe » mais de savoir comment faire pour produire la forme correcte.

 Varier les tâches. Par exemple : orthographier des mots dictés qui auront été sélectionnés compte tenu du fait qu’ils ne s’écrivent pas comme ils s’entendent ; choisir entre deux (exceptionnellement trois) formes proposées ; justifier une forme correcte ou corriger, justification à l’appui, une forme erronée ; trouver et corriger un nombre donné d’erreurs dans un texte ; corriger un texte, etc.

 Eviter les tâches trop longues. Songer à morceler le texte. Accorder quelques minutes pour résoudre une partie des problèmes, puis passer à la correction.

 Ne pas hésiter à laisser les élèves travailler par couples ou, si la disposition des tables le permet, par petits groupes.

 Surveiller leur travail et repérer, en passant dans la classe, les élèves qui échouent à résoudre certains problèmes.

 Donner prioritairement la parole aux élèves qui ont commis des erreurs.

 Les questionner sur leurs stratégies de résolution des problèmes.

 Veiller à mettre à la disposition de tous, les stratégies adéquates, d’abord en faisant appel à d’autres élèves, ensuite, si nécessaire, en explicitant soi-même la stratégie pertinente.

Se demander si l’exercice est utilisé dans le cadre d’une évaluation diagnostique, formative, ou certificative. Dans ce dernier cas, il convient que les élèves aient été préalablement aguerris aux tâches imposées.

Docteur en Sciences de l’éducation, Didacticien du français