La Nation Bénin...
La levée d’une partie des sanctions de la
Cedeao contre le Niger est une bonne nouvelle pour les populations nigériennes,
sauf que l’organisation sous-régionale sort affaiblie de ce bras de fer et il
serait très difficile d’affirmer que ce dégel fera revenir le pays au sein de
la communauté, analyse Romaric Lucien Badoussi, docteur en science politique,
enseignant à l’Université de Parakou. Pour éviter de pareilles situations à
l’avenir, il suggère une révision des textes de l’organisation.
Qu’on le veuille ou non la levée des sanctions
de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) va
soulager les populations nigériennes. Qui plus est, l’Union économique et
monétaire ouest-africaine (Uemoa) a également décidé de la levée des sanctions
financières qu’elle a prises contre le pays. «Donc, il faut s’attendre à ce que
la situation sociale et économique des Nigériens s’améliore », apprécie Romaric
Lucien Badoussi, docteur en science politique, enseignant à l’Université de Parakou,
spécialiste de la Cedeao.
Mais d’un autre côté, dit-il, la décision de la
Cedeao montre que l’organisation sous-régionale a capitulé devant les juntes
militaires. « Avec les décisions prises à Abuja, samedi dernier, l’on constate
que le rapport de forces a basculé en faveur des juntes militaires, donc des
pays sous sanctions », analyse-t-il. Contrairement aux schémas classiques, la
Cedeao a levé ses sanctions contre rien en retour de la part du Niger. « Aucune
des exigences formulées par la Cedeao n’a été respectée par l’Etat du Niger :
Mohammed Bazoum n’a pas été libéré, aucune feuille de route pour une transition
démocratique n’a été communiquée et la junte est plutôt dans une posture de
quelqu’un qui brave la Cedeao. L’organisation sous-régionale n’a même pas
obtenu la promesse d’un dialogue», ajoute Dr Romaric Lucien Badoussi. Pour lui,
la Cedeao a littéralement capitulé face à la junte dirigée par le Général
Tchiani.
Dans ces conditions, selon le politologue, il
serait difficile d’imaginer que les pouvoirs militaires accepteront de
nouvelles feuilles de route pour une transition démocratique, vu qu’ils ont
réussi à faire capituler la Cedeao. Dr Romaric L. Badoussi ne voit donc pas
pour le moment par quel moyen l’organisation sous-régionale pourrait encore
convaincre les trois pays à accepter l’idée d'un agenda électoral. Il pense
alors que le retour à la vie constitutionnelle dans ces pays ne dépendra plus
de la pression de la Cedeao. « A la limite, les conjonctures politiques
intérieures à ces pays pourraient obliger ces juntes à lâcher du lest en
acceptant un processus politique allant dans le sens du rétablissement de la
démocratie», affirme-t-il.
Possible retour ?
Le Mali, le Burkina Faso et le Niger
pourraient-ils revenir au sein de la Cedeao ou tout au moins mettre de l’eau
dans leur vin, surtout avec la levée des sanctions contre le Niger ? Cette
question taraude les esprits.
« Dans l'état actuel des choses, il n'est pas
facile d'affirmer avec certitude que la décision de la Cedeao provoquera le
retour de ces pays au sein de la communauté», explique le politologue, ajoutant
que le discours anti-Cedeao et anti-français est une rhétorique, un puissant
levier de mobilisation des masses au profit des juntes au pouvoir et que
celles-ci vont sans doute continuer par surfer sur cette vague pour traîner le
pas à revenir à la table de dialogue comme l'a encore souhaité la Cedeao au terme
de son dernier sommet. «Mais on attend de voir leur bonne foi (celle des
autorités nigériennes) parce qu'elles ont avancé comme argument la sévérité des
sanctions de la Cedeao. Maintenant que les sanctions sont levées, elles n'ont
plus de raisons », fait remarquer Dr Romaric Lucien Badoussi.
Mais tout compte fait, dit-il, la Cedeao est
nécessaire. A l’en croire, si ces régimes militaires font l’effort de voir
uniquement la partie remplie du verre, ils verront que le verre est plus ou
moins rempli. Autrement dit, la Cedeao reste malgré tout une opportunité pour
les pays membres et leurs populations.
Les nouveaux défis auxquels l’organisation
sous-régionale est confrontée devraient l’amener à envisager une réforme de ses
textes. Dr Romaric Lucien Badoussi pense que c’est l’une des clés pour
l’organisation sous-régionale de rasseoir son autorité. Comme idée de réforme,
il propose qu’à l’avenir, les sanctions soient mieux ciblées pour viser
directement les auteurs des coups d'État afin que les effets pervers des
sanctions ne rejaillissent plus sur les populations. Il pense également qu’il
serait nécessaire que la Cedeao revisite son arsenal de sanctions contre les
auteurs d'actes attentatoires à la démocratie. Sur ce dernier point, il fait
allusion aux auteurs de coups d'État et de révision opportuniste de la
Constitution pour des troisième et énième mandats présidentiels.
Dr Romaric Lucien Badoussi