La Nation Bénin...
Dans
la commune de Banikoara, l’histoire de Déborah donne encore des échos. Victime
d’un mariage organisé contre son gré, elle a résisté au naufrage grâce au
soutien de l’Unicef et de l’Ong Educo qui l’ont ramenée sur la rive dans le
cadre du programme du gouvernement Faaba Cash+Care, appuyé par le Royaume des
Pays-Bas et le gouvernement canadien.
La petite Déborah revient de loin. L’émotion palpable dans la voix, elle essaye de se maîtriser avant que les larmes finissent par trahir le difficile combat qu’elle mène au fond d’elle-même. Après avoir échappé à un mariage contre son gré, elle éprouve encore de la peine à réaliser ce qui lui serait arrivé.
«
Mon oncle voulait me donner en mariage forcé. Ma maman s’y est opposée et est
venue se plaindre au Centre de promotion sociale (Cps). Malgré cela, mon
bourreau est venu me chercher de force. Il a été convoqué au moins cinq fois
par les acteurs compétents avant de me ramener chez mes parents. Je ne faisais
que pleurer », relate-t-elle.
Avec
sa casquette de chef de Guichet unique de protection sociale (Gups) de
Banikoara, Luc Tovignon est bien informé de ces agissements. « Déborah est
orpheline de père. Après le décès de ce dernier, sa famille paternelle a décidé
de la donner en mariage après avoir reçu sa dot. On avait mené plusieurs
démarches infructueuses en direction du supposé mari », renchérit-il.
Déborah
n’avait que 14 ans au moment des faits. Trois ans après, soit en fin décembre
2024, elle continue de vivre la situation comme un cauchemar, une grande
trahison de la part de son oncle. « La pauvreté conduit certains parents à
commettre l’irréparable. Si tu n’as pas l’âge requis avant de te retrouver dans
cette situation, tu vas souffrir, maigrir, tu seras crottée parce que ton corps
n’est pas encore suffisamment préparé à cela », révèle-t-elle pour
dénoncer l’enfer que vivent les victimes du mariage des enfants.
Mais
la providence n’était pas loin d’elle. Au milieu de la tempête, elle a croisé
l’Unicef et les Ong Dedras et Educo dans le cadre du programme du gouvernement
Cash+Care, qui lui ont redonné le sourire, la joie de vivre et l’assurance d’un
avenir meilleur. « Après cet évènement, je devrais choisir entre apprendre un
métier et poursuivre mes études scolaires. J’ai décidé de suivre une formation
professionnelle en couture. Unicef et Educo m’ont beaucoup soutenue. Ils ont
payé le contrat de formation pour moi (ndlr : frais d’apprentissage) »,
raconte-t-elle.
Un
homme averti en vaut deux
Désormais tirée d’affaire, Déborah, taille moyenne, teint noir, n’a d’yeux que pour sa machine à coudre et pour les potentielles victimes. C’est pourquoi, elle exhorte surtout les filles qui prêtent délibérément le flanc à certaines aventures amoureuses à se fixer des objectifs de vie. « Je me sens à l’aise aujourd’hui. Je suis fière d’apprendre un métier pour mon avenir. Je voudrais dire aux filles d’être fortes, d’attendre l’âge de la maturité et surtout d’apprendre un métier avant de se marier. Sinon, elles vont souffrir parce qu’il arrive des fois où les filles elles-mêmes se jettent dans les bras d’un homme à cause de l’argent », confie-t-elle.
Son
coup de cœur va aussi en direction des parents. « Je voudrais prier les
parents qui s’adonnent à ce jeu d’abandonner. Le mariage forcé n’est pas une
bonne chose », martèle-t-elle, avant de conclure par des mots de gratitude
en direction de l’Unicef et de toutes les bonnes volontés l’ayant soutenue.
« Que
Dieu fasse prospérer leurs entreprises, car autant il se sont penchés sur mon
cas, autant ils le feront pour d’autres victimes », espère-t-elle.
Au-delà
de ses conseils, Luc Tovignon, chef du Guichet Unique de protection sociale
(Gups), préconise : « Si on ne met pas les bouchées doubles, nos
enfants périront. Le mariage des enfants tue la commune de Banikoara.
Différents comités travaillent dans le village, mais les résultats peinent
encore à se concrétiser. Il est urgent pour chaque acteur de redoubler
d’ardeur », recommande-t-il.
Les statistiques confirment l’urgence de relever le défi. La réalité des chiffres démontre comment la partie septentrionale du pays bat le triste record en matière de mariage d’enfants. Dans sa revue programmatique genre 2022, l’Unicef évalue à 27,5 % la proportion de filles mariées avant l’âge de 18 ans, soit 45 % dans le nord-Bénin.
Pourtant, il suffit juste d’un pas de plus pour que les efforts de lutte profitent pleinement à tous. « Si le mariage et les grossesses précoces avaient été éradiqués dès 2015 au Bénin, on estime le retour économique immédiat à vingt trois millions de dollars par an, atteignant cinq cent quarante-et-un millions de dollars cumulés à l’horizon 2023 », renseigne l’Unicef. Deux ans après cette échéance, soit en 2025, l’attente se fait toujours longue. Peut-être le Bénin prendrait-il date avec l’histoire cette fois, pour le bonheur de ses filles et garçons victimes de mariages d’enfants, au rendez-vous des Objectifs de développement durable (Odd) en 2030. Le compte à rebours, c’est maintenant.
NB:
Avec le soutien de l’Unicef dans le cadre de la mission « Pesse en
urgence »