Sommet Ue-Ua : Six décisions pour une nouvelle vision
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Fulbert Adjimehossou, le 21 févr. 2022
à
04h51
De la muraille verte à la constellation de satellites, de la production de vaccins à la lutte contre le terrorisme, l’Europe et l’Afrique misent sur un programme ambitieux d’ici 2030.
Le sommet de Bruxelles a pris fin sur un nouvel état d’esprit. « Il faut créer aussi une nouvelle atmosphère de travail, une atmosphère mieux adaptée à la volonté politique que nous voulons imprimer à ce partenariat. Il faut insuffler un nouvel état d’esprit aux relations euro-africaines. C’est ce que j’ai appelé un nouveau logiciel relationnel fondé sur une véritable vision de partenariat, pour une croissance et une prospérité partagée », a martelé le président en exercice de l’Union africaine, Macky Sall. La déclaration finale du sommet met l’accent sur une vision commune et prône un partenariat renouvelé fondé sur «les liens humains, le respect de la souveraineté, la responsabilité et le respect mutuels, les valeurs partagées, l’égalité entre les partenaires et des engagements réciproques».
Sécurité et stabilité : « inverser la démarche »
Le nouvel état d’esprit prôné force le changement des paradigmes sur les questions de sécurité et de stabilité. Sans pour autant renoncer à l’appui des forces militaires européennes, les dirigeants des deux continents misent sur le renforcement des capacités des forces africaines. « Il y a une nécessité absolue aujourd’hui de regarder les choses en face et d’agir en conséquence. Les Etats africains sont prêts à mobiliser des hommes. Nous avons aussi dans notre architecture à l’Union africaine des forces en attente, des brigades par région. Je crois qu’il faut qu’on inverse la démarche », a déclaré Moussa Faki Mahamat, président de la Commission.
Celui-ci fustige d’ailleurs l’approche en cours jusque-là. Pour lui, aider à assurer la paix ne veut pas dire seulement donner des armes ou envoyer des troupes en Afrique. C’est essentiellement consolider la gouvernance, financer le développement dans toutes ses dimensions. « Nos amis, nos partenaires peuvent nous aider à renforcer les capacités des forces africaines. Il n’est pas question, à mon avis, que des militaires français, allemands ou danois aillent mourir en Afrique. On a besoin de technologies, d’expertise, de moyens financiers et d’équipements pour pouvoir faire face à cette terrible menace à la paix et à la stabilité», a-t-il insisté.
150 milliards d’euros pour l’Afrique
Le Global Gateway est une alternative que l’Europe propose à l’Afrique afin de travailler sur des investissements, au moment où la Russie et la Chine envahissent le continent. La cagnotte d’au moins 150 milliards d’euros vise à encourager les investissements durables à grande échelle. « Nous avons décidé d’une mobilisation autour de projets qui correspondent aux priorités africaines, afin de soutenir le développement, l’innovation, la prospérité dans le domaine climatique, du numérique et des infrastructures», a déclaré le président du Conseil européen, Charles Michel. Il a surtout insisté sur la mise en place de mécanismes de suivi pour donner corps aux intentions. «Il est arrivé que dans le passé, les intentions soient fortes et généreuses et extrêmement ambitieuses et que les résultats n’étaient pas toujours à la hauteur de nos ambitions. Là, nous mettrons en place un mécanisme de suivi, de monitoring », a-t- il ajouté. L’Ue souhaite devenir le premier partenaire de référence de l’Afrique sur le financement de ses infrastructures. Plusieurs projets ont été identifiés dont une liste de corridors stratégiques.
Six hubs pour les vaccins Arn
Ces hubs seront créés au Sénégal, en Égypte, en Tunisie, en Afrique du Sud, au Kenya et au Nigeria, premiers pays à accueillir un transfert des technologies Arn. Celles-ci vont consister à former des scientifiques et produire des vaccins contre la Covid-19 pour ensuite les commercialiser en Afrique et au-delà du continent. Ce transfert de technologies va mobiliser 40 millions d’euros du côté Conseil européen. « Le sujet qui restait est lié aux droits de propriété intellectuelle et là aussi les conclusions auxquelles nous sommes parvenus sont encourageantes et doivent nous permettre, dans les mois à venir, d’ici le printemps, d’arriver à un compromis dynamique qui permette de faire avancer les choses », a assuré Macky Sall, président en exercice de l’Ua.
Un partenariat vert
La vision commune adoptée à Bruxelles est aussi écologique. L’Europe va appuyer la résilience climatique des pays africains. Ce sera à travers la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national (Cdn) et des plans nationaux d’adaptation (Pan). Le partenariat sera également orienté vers l’essor de chaînes d’approvisionnement. De même, le lancement d’un plan d’action conjoint Ue/Ua pour le développement de protéines végétales en Afrique permettra de décliner opérationnellement le volet économique de la Grande Muraille Verte, en répondant à un triple enjeu de sécurité alimentaire et nutritionnelle à l’échelle continentale, de développement de pratiques agro-écologiques durables. « On doit accompagner l’Afrique sur son modèle agricole. Je voudrais rappeler ici l’importance pour nous de la grande muraille verte qui est une initiative panafricaine qu’on a réactivée en janvier 2021», a martelé le président français.
Les dirigeants africains et européens sont allés plus loin pour réaffirmer leur attachement à la pleine mise en œuvre de l’accord de Paris et des résultats des conférences des parties. « Nous reconnaissons que la transition énergétique de l’Afrique est vitale pour son industrialisation et pour combler l’écart énergétique. Nous soutiendrons l’Afrique dans sa transition afin de promouvoir des trajectoires justes et durables vers la neutralité climatique. Nous reconnaissons l’importance d’utiliser les ressources naturelles disponibles dans le cadre de ce processus de transition énergétique », lit-on dans la déclaration finale du sommet de Bruxelles. « Nous voulons que les partenariats verts fleurissent sur le continent. Le monde a besoin de l’Afrique pour lutter contre le changement climatique», a conclu Ursula von der Leyen.
Migration et emploi : l’innovante proposition du Bénin
Tout au long du sommet, de la préparation à son aboutissement, le Bénin a marqué les esprits sur un point capital. Il s’agit de la nécessité de faire face à l’épineuse question de l’emploi sur le continent africain et qui a pour corollaire, la crise migratoire. Cet engagement, porté avec d’autres pays, a eu un écho favorable à l’issue du sommet Ue-Ua et est très apprécié par les participants. « Sur les sujets d’éducation, de mobilité et de migration, je vais ici saluer la proposition faite par le Bénin, le Niger et le Rwanda d’identifier des centres de formation africains. Nous avons acté de financer ces centres pour permettre de former aux métiers qui correspondent à ce développement économique que j’ai évoqué », a martelé le président français, Emmanuel Macron.
Bien avant, les progrès du Bénin en la matière étaient reconnus par des officiels en coulisses. « Ça nous paraît très important, le Bénin par exemple est très en avance sur ce point, comment développer la formation professionnelle adaptée aux besoins vraiment locaux ou régionaux en Afrique», confiait un officiel le mercredi 16 février 2022 à la presse. Et lors de la table ronde spéciale sur les questions de l’éducation, de la formation et de la migration à laquelle le chef de l’Etat, Patrice Talon, a pris part, une convergence a été notée. Le paquet d’investissements Afrique-Europe d’au moins 150 milliards d’euros annoncé prendra aussi en compte
« le développement humain, notamment en renforçant la mobilité et l’employabilité des étudiants, des jeunes diplômés et des travailleurs qualifiés ».
La question “délicate” de la prévention de la migration irrégulière était aussi au menu des débats, de même que les mesures à prendre face au trafic de migrants. Priorité a été donnée aux efforts d’améliorations effectives en matière de retour, de réadmission et de réintégration. Les régimes d’asile seront renforcés en vue d’offrir un accueil et une protection adéquats aux personnes qui y ont droit.