La Nation Bénin...
Au
regard de l'état des choses actuellement, un éventuel divorce de l’ex-Parti du
renouveau démocratique (Prd) d’avec l’Union progressiste le Renouveau (Up-R)
est-il possible? Et le cas échéant qui va davantage y perdre politiquement ?
C'est l'équation que Me Adrien Houngbédji et les siens ne doivent pas perdre de
vue pour ne pas pousser trop loin le bouchon surtout en cette veille des
tractations pour les élections générales de 2026.
Les
faits, actes et propos ces derniers jours des ténors et militants de l’ex-Parti
du renouveau démocratique (Prd) sont surprenants. Ils laissent croire que
quelque chose se mijote politiquement au niveau de l’ancienne formation
politique de Me Adrien Houngbédji qui a fusionné depuis août 2022 avec l’Union
progressiste pour donner naissance à l’Union progressiste le Renouveau (Up-R).
C’est à juste titre, que l’ex-parti focalise les attentions et fait l’actualité
depuis le week-end du 1er février dernier où Me Adrien Houngbédji a saisi
l’occasion d’une cérémonie de présentation des vœux du Nouvel an par des
militants de son ex-Prd pour critiquer le régime en place. Le patriarche a
vertement dénoncé une certaine gestion basée sur « l’exclusion» au sommet de
l’Etat. Laquelle exclusion serait la cause de certaines frustrations au Bénin
au point où certains citoyens chercheraient de ce fait, à porter atteinte à
l’autorité de l’Etat. Le leader charismatique ne sait pas s’arrêter là. Il en a
appelé également à la libération des « prisonniers politiques » et au retour au
bercail « des exilés politiques». Mieux, à cette cérémonie de vœux, on ne
retrouvait que les cadres et militants de l’ex-Prd. Le slogan scandé à
l’occasion est celui de l’ex-Prd. Pas de trace de l’Up-R. Le sujet a fait
l’actualité toute la semaine dernière. Le porte-parole de l’Up-R, Parfait
Ahoyo, un des ténors de l’ex-Prd et présent à la cérémonie des vœux, était
obligé, au nom du parti, de faire une sortie médiatique, vendredi 7 février
dernier, pour situer l'opinion nationale. Avant lui, le porte-parole du
gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji, a trouvé que cette critique formulée
contre les réformes du président de la République, participaient à la vitalité
de la démocratie au Bénin. Car, selon lui, cela montre qu’on peut être du
système et encore le critiquer. Me Adrien Houngbédji est l’un des acteurs clés
des réformes en question a-t-il par ailleurs rappelé.
Le recadrage du porte-parole de l’Up-R et du porte-parole du gouvernement n’ont pas pour autant émoussé l’ardeur des Tchoco-Tchoco. Comme s’ils déroulaient un agenda, les ténors de l’ex-Prd enfoncent le clou. Ils ont fait usage du logo « Arc-en-ciel » de leur ancienne formation pour inviter leurs militants à prendre part aux manifestations entrant dans le cadre des 25 ans d’anniversaire de décès de Moucharaf Gbadamassi, un ancien baron de l’ex-parti, décédé le 5 février 2000 et dont les manifestations ont été clôturées, samedi 8 février dernier à Porto-Novo. Comme cela ne suffisait pas, le logo a été mis en affiche géante avec la photo du Feu militant positionnée au fronton du siège national de l’Up-R à Porto-Novo. L’affiche a fait le tour des réseaux sociaux. Personne n’a rien compris. Tout le monde se demande à quel jeu jouent ces derniers temps Me Adrien Houngbédji et les siens. D’autant que le Prd n’existe plus depuis sa fusion à l’Up-R.
Remontée effective
Ce
mariage ex-Prd et ex-Up a été opéré en droite ligne avec la dynamique insufflée
par la réforme du système partisan. C’est d’ailleurs grâce à cette réforme que
l’ex-Prd se retrouve aujourd’hui avec cinq députés au Parlement, 9e
législature. Il s’agit de Charlemagne Honfo, Jean-Claude Apithy et Cécile
Ahoumènou élus dans la 19e circonscription électorale et David Houinsa et
Dénise Dègbédji Odoumbourou dans la 20e circonscription électorale. Les cinq
députés ont été élus sur la liste de l’Up-R à la faveur des législatives de
2023. L’ancien parti retrouve le chemin de l’Assemblée nationale à travers ses
représentants après sa débâcle lors des législatives de 2019 où il s’en est
sorti sans député. Tout comme aux élections communales de 2020 où l’ex-Prd a
obtenu zéro élu communal donc zéro maire aujourd’hui. Cette remontée politique
de l’ex-parti de Me Adrien Houngbédji a été une promesse du candidat Patrice
Talon, lors du congrès extraordinaire du Prd le 6 février 2021 où les militants
Tchoco-Tchoco ont validé le choix de la candidature de l’actuel locataire du
palais de la Marina pour la présidentielle d’avril 2021.
En effet, invité aux travaux, le candidat Patrice Talon avait clarifié que les réformes politiques engagées par son gouvernement ne visaient pas à faire disparaitre le Prd mais plutôt tous les partis politiques pour de grands regroupements politiques. Selon lui, ces réformes étaient nécessaires pour mettre fin à la cartographie politique du Bénin faite de plus de 200 partis politiques. Pis, aucun de ces partis n’a pu conquérir le pouvoir depuis 1990 à ce jour ; il fallait cette chirurgie pour permettre aux partis d’être davantage forts et présents partout sur le territoire national afin de gagner le pouvoir un jour et de le gérer de façon homogène. Patrice Talon reconnaissait que ces réformes politiques ont créé d’énormes dommages au Prd qui s’est retrouvé absent au Parlement et aux conseils municipaux. Il avait promis aider le Prd, s’il gagnait le second mandat, à relever ce défi. « Le moment est arrivé pour panser les plaies, réparer les torts et préjudices qui sont lourds », avait indiqué Patrice Talon qui ajoutait : « Je ferai la promotion du Prd mieux que quiconque». Cette réparation semblait être, pour le candidat, une dette envers le Prd qui lui était resté depuis 2016, en dépit de tout, « fidèle, loyal et solide ».
Aujourd’hui,
l’on peut dire que le chef de l’Etat a tenu sa promesse vis-à-vis des
Tchoco-Tchoco. Puisque l’ex-parti contrôle aujourd’hui plusieurs postes clés de
l’appareil d’Etat. Outre les cinq députés, l’ex-Prd a un ministre au
gouvernement en la personne de Raphaël Akotègnon en charge du portefeuille de
la Décentralisation et de la Gouvernance locale. Ce dernier a réussi à
positionner plusieurs cadres Tchoco-Tchoco notamment au niveau de son cabinet
ministériel.
Faire gaffe
Falilou
Akadiri, un autre baron de l’ex-Prd, est nommé depuis 2021, vice-chancelier de
l’Ordre national du Bénin. L’ex-parti de Me Adrien Houngbédji n’a pas été
oublié lors de la répartition des postes au niveau du bureau de l’Assemblée
nationale. Il est représenté à travers le député David Houinsa qui garde depuis
mai 2023 jusqu’ici le poste de 2e secrétaire parlementaire. Ce n’est pas
terminé. L’ancien maire de Porto-Novo, Emmanuel Zossou a été promu, le 30 mars
2023, directeur général de l’Agence de réhabilitation de la ville de
Porto-Novo. Il est aussi cadre de l’ex-Prd. Les Tchoco-Tchoco ont réussi
également à tirer leur épingle du jeu en septembre 2024 lors de la désignation
des représentants de l’Assemblée nationale au sein de la prochaine mandature du
Conseil économique et social (Ces). Le docteur François Ahlonsou, un des ténors
de l’ex-parti, a été choisi et nommé ensuite en Conseil des ministres. Ces
cadres de l’ex-Prd ont obtenu toutes ces positions grâce aux réformes du
système partisan qui ont permis au parti d’être bien assis au sein de l’Up-R et
dans la majorité présidentielle.
Au regard de tout ceci, personne ne comprend aujourd’hui ce qui peut pousser Me Adrien Houngbédji à porter des critiques contre le pouvoir auquel il appartient. Une telle critique est loin de participer à la cohésion de groupe à l’interne de l’Up-R et même de la majorité présidentielle. Cela est d’ailleurs à l’antipode du système partisan qui promeut la discipline de groupe. Depuis ces différents agissements du patriarche d’Adjina d’aucuns se demandent si le but n'est pas de sortir l'ex-parti de l’Up-R. Seulement une telle aventure cavalière, sera hypothétique pour l’ex-Prd. Lequel risque de perdre tous les acquis politiques obtenus de 2021 à ce jour et qui ont favorisé une certaine remontée des Tchoco-Tchoco. Cela, sans perspectives de relèvement au regard des contraintes qui encadrent le système partisan ne donnant aucune chance aux formations politiques sans envergure nationale. Me Adrien Houngbédji et les siens doivent savoir là où se trouvent leurs intérêts pour ne pas engager l’avenir des militants, en cette veille des élections générales de 2026, dans une entreprise perdue d’avance et vouée à l'échec.