Transport universitaire : une œuvre sociale à « sauvegarder »
Actualités
Par
Fulbert Adjimehossou, le 21 mars 2022
à
09h52
Après quelques jours de suspension du fait de la pénurie des hydrocarbures, le transport universitaire reprend ce jour, à l'université d'Abomey-Calavi. Cependant, les supplices vécus démontrent combien cette œuvre sociale est importante.
Prendre le transport universitaire pour le campus ou son domicile. Ce n’est pas encore révolu. En tout cas, pas pour la grande majorité des étudiants qui embarquent depuis cet après-midi du vendredi 18 mars 2022 à bord des minibus appelés « Tokpa-Tokpa ». A l’entrée principale du campus d’Abomey-Calavi, ces véhicules de transport en commun sont privilégiés, et les conducteurs améliorent du coup leurs chiffres d’affaires. « Depuis le lundi, nous avons beaucoup plus de passagers. Les étudiants disent que leurs bus ne fonctionnent pas », confie Joseph Houessou. Ce conducteur de Tokpa-Tokpa en sait plus sur les supplices engendrés par la suspension des activités de transport universitaire. « De Calavi à Tokpa, le coût du transport est 300 F Cfa. Mais nous prenons ici les étudiants à 200 F Cfa. Cependant, beaucoup se plaignent encore. D’autres préfèrent marcher ou attendre des occasions. Ce n’est pas facile pour eux », soutient-il.
En effet, c’est à travers une note en date du 17 mars 2022 que les activités de transport du Centre des œuvres universitaires et sociales d’Abomey-Calavi (Cous-Ac) ont été suspendues. La mesure est justifiée par la pénurie observée dans le domaine des hydrocarbures et qui perturbe l’approvisionnement en gas-oil, rendant impossible la circulation des bus. Président du Bureau de coordination des comités de lignes (Bccl), Digo Nainou se dit surpris par cette mesure de suspension. « Depuis la semaine écoulée, nous avons commencé par ressentir des frustrations. Selon les explications reçues, il y a une pénurie de gas-oil qui justifierait cette suspension du transport universitaire sur le campus d’Abomey-Calavi. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres universités du Bénin », explique-t-il.
Ce vendredi, l’arrêt bus du campus d’Abomey-calavi est plongé dans un silence de cimétière. Les hangars sont vides : pas de longues queues entre les grilles pour monter à bord de ces bus de couleur jaune. Pas d’affluence non plus liée à une quelconque descente de passagers. Sur place, il n’y a que quelques étudiants assis qui profitent de l’accalmie pour réviser des cours. D’autres rencontrés ailleurs dans l’espace universitaire sont préoccupés par les charges que la suspension engendre déjà. C’est le cas de Gwladys Togbonou, étudiante en première année de Chimie-Biologie- Géologie, résidente à Djèkpota. « C’est une expérience difficile pour moi. C’est pour cette raison que je n’ai pas été au cours hier (jeudi, ndlr). Le ticket est à 100 F Cfa et ça nous aide beaucoup, nous qui n’avons pas de moyens de déplacement. Maintenant, je prends le taxi-moto à 600 F Cfa pour venir au campus. Contrairement à d’autres camarades, je ne pourrais pas prendre Tokpa-Tokpa parce qu’ils ne viennent pas au campus en quittant Cocotomey », se plaint-elle.
Des supplices
En réalité, même si les conditions de vie des étudiants paraissent dans la majorité des cas acceptables, beaucoup d’entre eux se trouvent dans des situations de précarité, avec des problèmes de logement et de transport. Les œuvres sociales et universitaires constituent donc une bouffée d’oxygène pour eux. « Déjà, ce matin, le campus est pratiquement vide. Les étudiants ont du mal à quitter leurs domiciles pour suivre les cours. Imaginez un étudiant qui a cours de 15 h à 17 h, qui doit quitter Pahou ou le Bélier à Akpakpa. Il doit dépenser 2000 F Cfa aller-retour pour deux heures. Dans ces conditions, il se dira que ce n’est pas nécessaire. Hier, j’ai eu des étudiants qui m’ont dit qu’ils ne pourront pas venir suivre les cours. Même le restaurant est pratiquement vide lorsqu’il n’y a pas le transport universitaire », fait remarquer Digo Nainou.
Par le passé, le secteur des transports à l’Université d’Abomey-Calavi était souvent critiqué pour la « vétusté du parc automobile », et les « surcharges». Aujourd’hui, ce qui semble préoccuper les étudiants, c’est le maintien du service. « Les années antérieures, lorsque ces suspensions interviennent, des étudiants abandonnent carrément les cours. Certains sont découragés et s’adonnent à autre chose. Je connais des camarades qui ont abandonné les études, non pas parce qu’ils n’ont pas pu valider les unités de valeur, mais par découragement, faute de moyens », insiste le président du Bccl.
Un secteur à repenser ?
Avec la pénurie des hydrocarbures et la hausse des prix qui l’accompagne, d’aucuns s’imaginent déjà les conséquences sur le coût du transport universitaire, plus tard. « Nous sommes au courant de la pénurie de carburant à cause de la crise ukrainienne. Si le ticket va connaître une légère augmentation de prix, juste le temps de la crise, on pourra faire l’effort de supporter. Pourvu que cela ne soit pas inscrit dans la durée », déclare Gwladys
Togbonou. De son côté, le Bureau de coordination des comités de lignes (Bccl) écarte cette option. « Nous sommes l’avenir de la nation. L’Etat devra accompagner les étudiants dans leurs cursus. C’est avec les bourses et secours que l’étudiant arrive à survivre. Dans notre culture, quand vous devenez étudiant, les parents vous lâchent. Nous, qui intervenons au niveau du transport universitaire, faisons aussi du bénévolat pour la cause estudiantine. Nous ne sommes pas des salariés. Si l’on ramène un privé, ce sera comme pour dire que c’est l’Etat qui gère mal et que le privé fait bien. Ce sera une insulte. Donc, pour nous, l’augmentation de prix est un faux problème », fulmine Digo Nainou.
Pour le moment, ce sont les conducteurs de minibus qui profitent de la situation. Eux qui, au regard de l’évolution des prix du carburant, n’excluent pas d’ajuster leurs tarifs. « Si nous faisons le plein de Calavi, c’est 7000 F Cfa. Les syndicats prennent 1200 Fcfa. Si vous enlevez les sous du carburant, il ne reste plus rien. Nous payions 20 L d’essence à 6 000 F Cfa entre-temps. Maintenant, c’est à 9 500 F Cfa. Le carburant prend tout. On n’aura pas d'autre choix que d’augmenter si ça nous dépasse », analyse Joseph Houessou. Toutefois, le Centre des œuvres universitaires et sociales d’Abomey-Calavi (Cous-Ac) n'est pas resté les bras croisés. Il a mis les bouchées doubles pour que le transport universitaire reprenne ce jour, au grand bonheur des étudiants.