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10e journée du procès Icc Services: L’administration publique clouée au pilori

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Par   Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau, le 04 janv. 2019 à 04h41

L’ex-coordonnateur de la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées, Grégoire Cocou Ahizimè, un des accusés de l’affaire Icc services, rend l’Etat béninois responsable de cette nébuleuse qui a éclaté en 2010 pour avoir réagi tardivement. Il a déposé ce jeudi, à la barre de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) dans le cadre du procès criminel Icc Services.

L’ex-coordonnateur de la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées, Grégoire Cocou Ahizimè, n’est pas allé du dos de la cuillère pour clouer au pilori le gouvernement béninois d’alors qui a laissé pendant deux ans les promoteurs d’Icc services spolier les populations avant de prendre des mesures idoines, en dépit de ses alertes en date de 2009. Selon sa déposition, il a fait sa première fiche au ministre des Finances et de l’Economie d’alors sur le dossier en 2009. Mais celle-ci n’a pas reçu de réaction favorable de la part de son ministre de tutelle pour faire arrêter les activités de cette structure illégale de collecte et de placement d’argent. L’administrateur des banques à la retraite a fait cette déposition ce jeudi à la barre de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) dans le cadre du procès criminel Icc Services qui est à sa dixième journée.
En effet, Grégoire Cocou Ahizimè est une des voix très attendues de ce procès. Coordonnateur de la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées, au moment des faits en 2010, il a été incarcéré le 9 juillet 2010, après une réunion à la présidence de la République présidée par le chef de l’Etat d’alors. Il a été inculpé pour des faits de corruption, de recel et d’escroquerie avec appel au public avant de bénéficier trois ans plus tard d’une liberté provisoire. Grégoire Cocou Ahizimè était donc à la barre ce jeudi pour donner sa version des faits. Il est attendu pour dire surtout le rôle de sa structure dans ce dossier et infirmer ou confirmer les déclarations de ses co-accusés Guy Akplogan et Emile Tégbénou. Ceux-ci ont déclaré à la cour lui avoir remis une somme de 230 millions F Cfa dans le cadre de la procédure d’obtention de l’agrément devant permettre à Icc services d’exercer en toute légalité ses activités.
A la barre ce jeudi, Grégoire Cocou Ahizimé a déclaré qu’il a été informé de l’existence d’Icc Services vers fin 2008.

Seulement, sa structure n’est pas compétente pour arrêter les activités des structures financières décentralisées illégales sur le terrain. Le rôle de sa cellule, dès qu’il reçoit l’information de l’existence d’une structure illégale, c’est de la transmettre à son supérieur hiérarchique, c’est-à-dire le ministre de l’Economie et des Finances. Ce qu’il a fait dans le dossier Icc Services. Non seulement il a répercuté l’information, mais il a fait passer également le 19 janvier 2009 deux communiqués dont lecture a été faite à la cour hier pour sensibiliser la population à ne pas aller vers les structures illégales de microfinance. Grégoire Cocou Ahizimè dit en être là quand il a appris qu’Icc services a été invité pour prendre part au Salon international des banques et assurances (Siba) en février 2009. Il trouve inconcevable qu’une structure qui n’a pas une existence légale puisse s’asseoir avec les institutions financières formelles. Ce qui l’a obligé à envoyer le 20 mars 2009 une mission sur le terrain pour s'enquérir de comment opère Icc Services. Malheureusement, la mission n'a pas pu rencontrer les responsables. Il a fait, du retour de la mission sur le terrain, une fiche en mai 2009 au ministre de l’Economie et des Finances d’alors, Soulé Mana Lawani, pour l'informer de l'existence d’Icc Services. Il attendait des instructions de la part de l’autorité ministérielle quand celle-ci est sortie du gouvernement en juin 2009. Il a transmis le dossier au ministre Idriss Daouda qui a hérité du fauteuil. Grégoire Cocou Ahizimè a, entre-temps, reçu l'alerte de la Bceao de l’existence d’Icc Services qui exerce sur le terrain des activités de placement d’argent avec des taux d’intérêt très alléchants. Il dit avoir informé le nouveau ministre de tout le dossier. Mais toujours pas de réaction.

Flou autour de 220 millions F Cfa

En septembre 2009, il a invité les responsables d’Icc Services à une séance de travail pour en savoir plus sur leurs activités et les statistiques de leurs clients. A cette rencontre, l’ancien coordonnateur de la Cellule nationale de surveillance des structures financières décentralisées dit avoir mis l’accent, face aux promoteurs d’Icc Services, sur l’illégalité de leurs activités et le risque qu’ils couraient non seulement eux-mêmes, mais aussi l’Etat béninois. Grégoire Cocou Ahizimè dit leur avoir conseillé d'arrêter les activités, mais s'ils voulaient continuer avec les placements, ils devraient se transformer en banque et diminuer considérablement les taux et revenir dans la norme. En décembre 2009, suite à une rencontre avec le ministre de l’Economie et des Finances sur le dossier, ce dernier a promis confier l’affaire à son conseiller juridique pour les dispositions à prendre, déclare l’administrateur des Banques à la retraite. Il sera informé en janvier 2010 que le ministre de l’Economie et des Finances a décidé de déposer une plainte contre Icc Services. Laquelle plainte a été signée par lui, dit-il, sur instruction du ministre de l’Economie et des Finances d’alors qui aurait refusé d’apposer sa signature au bas du document.

« Après deux semaines de discussions, j'ai fini par signer la plainte suite à une explication de son conseiller juridique qui me dit que la plainte peut être signée par le ministre ou tout autre personne », précise Grégoire Cocou Ahizimè. Le ministre de l’Economie et des Finances va porter par la suite le dossier en Conseil des ministres du 19 mai 2010 où la question a été débattue en divers. Ce n’est qu’après ce Conseil des ministres que des mesures fortes ont commencé par être prises contre ces structures de placement d’argent non autorisées. Les responsables desdites structures seront arrêtés de même que lui le 9 juillet 2010. Grégoire Cocou Ahizimè est accusé par les responsables d’Icc Services, en l’occurrence Guy Akplogan et Emile Tégbénou d’avoir reçu 230 millions F Cfa de leurs mains afin de leur faciliter l’obtention de leur agrément pour régulariser leur situation. « Je ne reconnais avoir pris aucune somme chez eux. Je suis un retraité qui vit dans la misère », laisse entendre Grégoire
Cocou Ahizimè. « Nous avions été convoqués successivement les 5, 6, 7 et 8 juillet 2010 à la présidence par le chef de l'Etat qui demandait à chacun le rôle qu’il a joué dans ce dossier. Une émission devrait passer le 9 juillet sur l'Ortb, émission que je devrais animer. J'étais déjà sur le plateau quand on m'appelle de la présidence. Une fois là-bas, le président disait, monsieur Tégbénou répétez devant Monsieur
Ahizimè que vous lui avez donné de l'argent. J'ai marqué mon étonnement et le président m'a stoppé net et a demandé qu'on me conduise en prison. Il disait avec une colère: ’’Tais-toi là, bandit’’..... », dépose-t-il. Grégoire Cocou Ahizimè avoue toutefois avoir pris trois millions F Cfa des mains d’Emile Tégbénou. Cette somme a été prise pour le compte du cabinet qu’il a proposé aux promoteurs d’Icc Services pour les aider à monter le dossier d’obtention d’agrément. Cet agrément n’a jamais été délivré avant l’éclatement de l’affaire tout simplement parce qu’Icc Services n’a pas pu répondre aux exigences de la procédure dont la première étape se fait devant sa structure et la seconde au niveau de la Bceao.

Ce n’est que lorsque le dossier reçoit l’avis favorable aux deux niveaux que le gouvernement est autorisé à accorder l’agrément. Cette autorisation vaut caution de l’Etat béninois, souligne Cocou Ahizimè. Il informe par ailleurs la cour que Guy Akplogan est passé l’absenter un jour au bureau et a déposé pour lui une somme de cinq millions F Cfa auprès de sa secrétaire. Guy Akplogan n’a pas précisé ce à quoi est destinée cette somme. Appelé à la barre pour clarification, le Pdg d’Icc Services souligne que cette somme entre toujours dans le cadre de l’obtention de l’agrément. Il en est de même pour Emile Tégbénou invité à la barre pour confrontation avec le sieur Grégoire Ahizimè. Le directeur départemental Ouémé-Plateau d’Icc Services persiste et signe avoir remis 220 millions F Cfa contre décharge à Grégoire Cocou Ahizimè. Où est la décharge ? Emile Tégbénou répond à la cour n’être plus en mesure de retrouver le papier.