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La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), chargée de l’examen de l’affaire des structures illégales de collecte et de placement de fonds dite Icc-Services, a écouté, ce lundi 14 janvier, plusieurs personnes dont l’ex-Agent judiciaire du Trésor (Ajt) et présidente du comité de suivi de l’affaire Icc-Services, Séverine Lawson et l’ancien ministre des Travaux publics et des Transports et actuel maire de Dassa-Zoumè, Nicaise Fagnon.
La Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) en sait désormais un peu plus sur le rôle du comité de suivi mis sur pied par décret présidentiel le 25 juin 2010 dans le cadre de la gestion de l’affaire des structures illégales de collecte et de placement de fonds dite Icc-Services. La présidente de ce comité de suivi, Séverine Lawson, Agent judiciaire du trésor (Ajt), au moment des faits, était à la barre ce lundi pour éclairer la cour de céans sur sa mission et le bilan de ses travaux. D’entrée, elle a expliqué les conditions dans lesquelles elle a été nommée par le chef de l’Etat d’alors pour présider aux destinées de ce comité placé sous l’autorité du comité de crise présidé par le ministre d’Etat d’alors, Pascal Irénée Koupaki.
Au départ, Séverine Lawson dit avoir manifesté son étonnement de voir l’Etat s’impliquer dans le règlement d’une affaire qui oppose des particuliers à des privés. Mais elle a compris par la suite le souci du gouvernement de prévenir le risque de trouble à l’ordre public au regard du nombre important des spoliés. Très rapidement, elle a lancé l’opération de recensement exhaustif de toutes les victimes. Ce recensement a été mené par l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (Insae) et a permis d’avoir des résultats globaux, notamment le nombre des épargnants, le montant total compromis et les intérêts payés aux victimes. Selon elle, le recensement a chiffré le montant total spolié à la somme de 109, 915 milliards F Cfa pour Icc-Services. Il a été retranché, par la suite de cette somme, les intérêts déjà payés aux épargnants clients. Ce qui donne au finish un solde net de 68 milliards F Cfa à la charge des promoteurs d’Icc-Service. Mais très tôt, ce montant a été rejeté catégoriquement par le président directeur général d’Icc-Services, Guy Akplogan. Pour celui-ci, sa structure n’a jamais dépassé 15 milliards de F Cfa de collecte. Guy Akplogan renvoie le comité de suivi vers les serveurs informatiques sous mains de justice. Sans pour autant donner raison au Pdg d’Ics-Srvices, Séverine Lawson informe la cour que les résultats du recensement de l’Insae sont à prendre avec des pincettes. Car, il est possible, à l’en croire, que le montant en cause soit nettement au-delà des déclarations de certains promoteurs, soit en deçà des résultats obtenus par l’institut.
13 milliards Fcfa déjà remboursés
Séverine Lawson dit douter de la fiabilité des chiffres d’autant que des agents d’Icc-Services ont été surpris notamment à Porto-Novo, lors de l’opération de recensement des épargnants, en train de rédiger et de falsifier des contrats qu’ils remettaient à certaines personnes. Des faussaires se sont infiltrés dans le recensement avec des contrats fictifs qui pourraient gonfler le montant compromis par Icc-Services dont les promoteurs ont montré leur incapacité à fournir des listes fiables devant permettre d’infirmer ou de confirmer le travail fait par l’Insae. Par rapport au recensement, toutes les victimes viennent avec toutes les pièces justificatives surtout leur contrat ou leur livret d’épargne. Elles répondent à un questionnaire à elles soumis par l’Insae. Ce recensement a permis de savoir l’importance des épargnes où des clients ont déposé de fortes sommes d’argent. Elle cite le cas d’une dame qui a déposé, au niveau d’une structure, autre qu’Icc-Services, la somme de 189 millions Fcfa et a perçu 207 millions F Cfa comme intérêt. En plus du recensement des épargnants, il y a eu l’opération de recensement des biens meubles et immeubles des promoteurs réalisée par la commission autonome d’enquête judiciaire. Tous ces biens devraient être vendus afin de permettre d’avoir de l’argent pour pouvoir rembourser les clients. Puisque selon elle, l’objectif n’est pas de jeter les promoteurs de ces structures en prison, mais plutôt de les obliger à payer les spoliés avec leur propre argent. Certains promoteurs de bonne foi ont compris cet objectif et ont facilité le remboursement avec les ressources qu’ils ont eues ou issues de la vente de leurs biens meubles et immeubles. Mais, le comité a eu beaucoup de difficultés avec Icc-Services dont les responsables d’abord ont contesté les 68 milliards F Cfa obtenus après recensement mais ensuite n’avaient pas de liquidité conséquente pour rembourser leurs clients. Elle dit avoir appris qu’au total 120 véhicules ont été saisis. Il y a eu une première vente par les commissaires-priseurs sur ordonnance du juge d’instruction en charge du dossier. Cette vente a concerné 53 véhicules d’Icc-Services. Elle a généré 226 millions F cfa virés sur un compte spécial dénommé Fonds Placement ouvert au Trésor public. La deuxième vente réalisée, toujours par les commissaires-priseurs, a donné un montant de 193 millions F Cfa consigné au greffe du tribunal de première instance de première classe de Cotonou. Séverine Lawson insiste sur cette vente pour démentir certaines allégations qui font état de ce que son comité de suivi a vendu des biens meubles et immeubles saisis. Il n’en est rien. Les biens meubles ont été réalisés par les commissaires-priseurs sur ordre du juge d’instruction, martèle-t-elle. Son comité n’a fait qu’assurer l’accompagnement et l’encadrement de l’opération de remboursement des spoliés pour les structures prêtes. « Nous avons payé au total plus de 13 milliards aux victimes », récapitule Séverine Lawson. Mais jusqu’ici, Icc-Services n’a encore rien payé à ses clients, précise la présidente du comité de suivi. Elle dit avoir tenu plusieurs rencontres avec les promoteurs de cette structure. Ils l’ont rassurée un jour qu’ils disposent d’un plan de remboursement des spoliés comme les autres. Mais grande a été sa déception de constater qu’en lieu et place du plan de remboursement, c’est un plan d’affaires agro-pastoral, de Btp et de forage que Guy Akplogan et consorts lui ont présenté. Elle n’a accordé aucune importance à ce papier parce que, à son avis, il est impossible de chercher à payer les spoliés sur des recettes issues d’élevage de lapin, de bœuf, de mouton, des activités agricoles et autres. « Lorsque j’ai eu le point des avoirs gelés, j’ai fait des additions avec le prix de vente des véhicules, et je me suis retrouvée à 900 millions. Ajoutant cela à ce que ceux qui ont bénéficié des libéralités ont retourné, je me suis retrouvée au milliard. Mais, c’est un milliard virtuel », souligne Séverine Lawson. Ce milliard est très infime par rapport au total du montant en cause concernant Icc-Services. Raison pour laquelle, son comité n’a pas daigné se hasarder à démarrer l’opération de remboursement d’Icc-Services laissant la justice en décider. La présidente du comité de suivi dit n’avoir jamais entendu parler, à aucun moment, de la procédure, de l’existence de 27,050 milliards F Cfa au domicile d’Emile Tégbénou et qui aurait disparu lors des perquisitions chez ce dernier. Pour Séverine Lawson, si une telle somme avait existé, elle s’en serait servie pour payer, à défaut des 68 milliards F Cfa recensés par l’Insae, les 15 milliards F Cfa reconnus par les promoteurs d’Icc-Services eux-mêmes. L’ex-Agent judiciaire du trésor se demande, si ces 27,050 milliards existaient réellement, pourquoi les promoteurs d’Icc-Services, qui cherchent depuis à recouvrer leur liberté, ne l’ont jamais évoqué et mieux se sont empressés de proposer un plan de remboursement qui a eu l’allure d’un plan d’affaires étalé sur plusieurs années afin de rembourser leurs victimes.
Nicaise Fagnon : « Guy Akplogan ment sur mon compte »
« Guy Akplogan ment sur mon compte puisque je n’ai jamais eu de relation avec lui », a martelé à la barre de la Criet, ce lundi, l’ancien ministre des Travaux publics et des Transports, Nicaise Fagnon et actuel maire de Dassa-Zoumè. Celui-ci réfute ainsi les accusations portées à son encontre par le président directeur général d’Icc-Services qui avait déclaré, lors de la deuxième journée de ce procès criminel, le 18 décembre 2018, avoir donné par semaine, en 2009 et sur deux mois, à Nicaise Fagnon, un montant de cinq millions F Cfa. Ceci, dans la perspective de gagner le marché de l’aéroport de Tourou, avait-il révélé. Mais il rectifie hier disant qu’il s’agissait plutôt du marché de construction de la route Kétou-Savè. Guy Akplogan dit avoir été recommandé par le chef de l’Etat d’alors pour prendre contact avec l’ex-ministre des Travaux publics et des Travaux. Pour Nicaise Fagnon, toutes ces déclarations sont des mensonges. Le marché de l’aéroport de Tourou avant été déjà attribué un an avant sa nomination à la tête de ce ministère, explique-t-il. Et la route Kétou-Savè n’existait pas dans son portefeuille. Il ne pouvait en être autrement puisque les études de ce tronçon n’avaient pas été faites pour que le gouvernement pense au lancement du marché d’appel d’offres. « Je voudrais faire observer que j’ai quitté le ministère des Travaux publics, il y a sept ans, et il n’y a aucune pioche sur la route Savè-Kétou dont il parle. Je précise que je ne suis pas au courant de l’audience que le président Boni Yayi a accordée aux promoteurs d’Icc-Services et dont la cour a parlé. Si c’était une question qui concerne mon secteur, le président de la République allait forcément m’inviter à cette audience», se défend Nicaise Fagnon. Toutefois, il reconnaît avoir reçu à son bureau un groupe d’investisseurs israéliens conduit par un de ses neveux à cheval entre Israël et la France. Guy Akplogan faisait partie de cette délégation venue lui proposer des sources de financements israéliens pour la construction de certaines infrastructures publiques. L’ancien ministre chargé des Travaux publics dit avoir décliné l’offre parce que, dans le temps, le cadre législatif pour un tel financement en mode Partenariat public-privé n’existait pas. Donc, la délégation conduite par son neveu est parti de son bureau sans avoir eu gain de cause. Et, depuis ce temps, il n’a plus jamais revu Guy Akplogan qu’il ne connaissait pas d’ailleurs avant sa première rencontre à son cabinet, martèle Nicaise Fagnon qui se dit « incorruptible » pour avoir été, avant son entrée au gouvernement, contrôleur général d’une banque de la place et directeur général de l’ex-Société nationale de promotion agricole (ex-Sonapra). Pendant ce temps, Guy Akplogan persiste, signe et demande à la cour d’appeler à témoigner son ex-chauffeur qui, selon lui, allait par moments lui remettre les 5 millions quand il est occupé.
Il faut préciser que Nicaise Fagnon a déposé ce lundi en sa qualité de témoin. L’ancien ministre des Travaux publics et des Transports a prêté le serment prévu à cet effet à l’article 334 du Code de procédure pénale. Ce statut de témoin oblige l’actuel maire de Dassa-Zoumè à rester jusqu’à la fin du procès criminel sur l’affaire Icc-Services.
Th. C. N.