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27e journée du procès Icc-Services : Les avocats des victimes font relancer les débats

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Par   Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau, le 30 janv. 2019 à 04h48

Alors que la Cour de répression des infractions criminelles et du terrorisme (Criet) s’apprêtait, ce mardi 29 janvier, à lancer l’étape des plaidoiries des avocats parties au procès de l’affaire des structures illégales de collecte d’épargne et de placement de fonds dite Icc-Services, les conseils des victimes sollicitent et obtiennent de la Cour la poursuite des débats. Ils souhaitent l’audition de certaines personnes physiques et morales convoquées pour la manifestation de la vérité.

« L’audience d’hier (lundi dernier, ndlr) a été suspendue pour que ce matin la lecture des pièces relatives au rapport psychiatrique des accusés soit faite, précédée d’autres actes qui vont conduire à la fin des débats pour permettre aux avocats de la partie civile de plaider. Mais, ce matin, les avocats des victimes ont déposé une correspondance dont le contenu est relatif à une demande à la Cour de procéder à une instruction complémentaire en invitant certaines personnes ». C’est par cette information que le président de la cour de céans, Edouard Cyriaque Dossa, président de la Cour de répression des infractions criminelles et du terrorisme (Criet) en charge de l’affaire des structures illégales de collecte d’épargne et de placement de fonds dite Icc-Services, a planté le décor de l’audience de ce mardi 29 janvier.
Selon lui, la correspondance des avocats de la partie civile invite la cour à convoquer certaines personnes physiques dont Mariette Hinnoukpo, la secrétaire particulière du directeur départemental d’Icc-Services de l’Ouémé-Plateau, Emile Tégbénou, qui aurait retiré trois milliards F Cfa de la caisse de l’agence quelques semaines avant l’éclatement de la crise, l’ex-régisseur central du ministère de l’Economie et des Finances et de celui chargé du Développement, Seth Akplogan, au moment des faits, le sieur Eveil Gomez, assistant de Séverine Lawson, ex-présidente du comité de suivi de l’affaire Icc-Services et consorts, le président de la Commission autonome d’enquête judiciaire et l’ex-procureur de la République près le tribunal de première instance de première classe de Cotonou, Justin Gbènamèto. Outre ces personnes physiques, les avocats des victimes demandent la convocation à la barre de toutes les banques citées dans le dossier notamment la Bceao, Uba, Sgb, Boa Bénin et Nsia Banque. L’Etat béninois est aussi convoqué. Pour les conseils de la partie civile, la cour de céans ne saurait clore les débats et ouvrir l’étape des plaidoiries des avocats sans l’audition à fond de ces personnes physiques et morales dont certaines avaient été déjà écoutées. Cette procédure introduite par la partie civile a suscité une véritable passe d’armes ce mardi à l’audience.

Passe d’armes

Pour les avocats de la défense dont Me Hervé Gbaguidi et ceux de l’Etat béninois représenté par l’Agent judiciaire du Trésor (Ajt), en l’occurrence Mes Olga Anassidé et Spéro Quenum, cette requête de leurs collègues est viciée, tardive et inopérante. Mieux, l’audition des personnes physiques et morales concernées n’apporterait rien de nouveau au débat.
Surtout que la plupart d’entre elles avaient été déjà écoutées tout au long de l’audience criminelle qui a démarré depuis le 17 décembre 2018. « Sur la citation à comparaître, la procédure est complètement biaisée. On saisit le président de la Criet d’une citation à comparaître et le procureur spécial d’une citation directe. Ce qui est complètement nouveau à mes yeux. Les responsables à divers niveaux des banques ont défilé devant votre cour et pourquoi en ce moment ils n’ont pas profité pour approfondir leurs préoccupations ? », demande Me Hervé Gbaguidi. Les observations de l’avocat des accusés seront renforcées par celles de Me Olga Anassidé qui démontre que dame Mariette Hinnoukpo n’a rien à voir dans ce dossier. Cela, parce qu’elle est partie avec les fonds en question au moment où il n’y a pas encore crise. Mieux, cette secrétaire particulière n’aurait commis aucune faute en récupérant l’argent de tous les clients qui ont effectué des placements par elle ou en son nom, soutient l’avocate au barreau du Bénin. L’ex-régisseur central Seth Akplogan a juste débloqué les fonds que l’Etat a mis à sa disposition pour payer les comités et commissions installés dans le cadre de la gestion du dossier Icc-Services. « L’argent qu’il a manipulé n’appartient pas aux promoteurs d'Icc-Services et je ne vois pas ce que sa comparution à nouveau va apporter à l’évolution de ce débat », plaide Me Olga Anassidé qui ne manque pas de rappeler, sauf erreur de sa part, que la Bceao est couverte d’immunité et ne saurait comparaître devant une juridiction. Et, à Me Spéro Quenum d’enfoncer le clou pour demander à la cour de céans de rejeter cette demande des avocats de la partie civile, sur le fondement de l’article 313 du Code de procédure pénale.
Mais toutes ces démonstrations des avocats de la défense et celles de l’Etat béninois ont été battues en brèche par Mes
Gustave Anani Kassa, Alain Orounla et Agathe Affougnon-Ago qui ont formulé la demande. Ils ont démontré à la cour la légalité de leurs actes. Ils ont précisé que la comparution des personnes physiques et morales concernées vise à clarifier définitivement certains points d’ombre non évacués jusqu’ici au cours des débats. Il s’agit notamment des questions relatives aux 27 milliards F Cfa qui auraient été emportés chez Emile Tégbénou, à la non signature du rapport de synthèse des travaux du comité de suivi sans oublier le flou artistique autour du Dépôt à terme de 300 millions F Cfa d’Icc-Services qui se retrouverait au niveau d’une banque. Autant de préoccupations que la partie civile entend approfondir afin de voir élargir l’assiette d’argent devant servir au dédommagement des victimes.
Prenant la parole pour ses réquisitions, l’avocat général Ulrich Gilbert Togbonon a abondé dans le même sens que les avocats de la partie civile. Il requiert que la cour donne une suite favorable à la requête pour l’instruction complémentaire des personnes physiques et morales sollicitées.
La cour de céans se retire pour délibérer sur la question. Après plus d’une heure de huis clos, la formation de jugement présidée par Edouard Cyriaque Dossa accède à la demande des avocats des victimes. Cela au motif que la cour ne saurait faire obstacle à toute initiative légale tendant à la manifestation de la vérité. Elle convoque les personnes physiques et morales concernées à la barre demain jeudi 31 janvier pour la poursuite des débats.