La Nation Bénin...
Entre
avancées historiques, telles que la paix sociale, la dévolution pacifique du
pouvoir et défis actuels comme la modernisation du système partisan et la
consolidation des réformes économiques, les réflexions sur l’héritage
immatériel de la Conférence nationale de 1990 invitent à poursuivre l’œuvre
entamée.
Abraham
Zinzindohoué, ancien président de la Cour suprême
« La Conférence nationale était un aboutissement de luttes »
Le
terme « acquis » est un terme un peu ambivalent. Partout, on parle des acquis
de la conférence. Moi, je préfère parler d’avancées, de mérites, plutôt que
d’acquis. Parce que, quand on dit acquis, cela sous-entend que c’est
intangible, qu’on ne peut pas y revenir. Or, le monde est dynamique, tout
bouge. Donc parlons d’avancées, de mérites, de gains, plutôt que d’acquis.
Bref, ce qu’il faut retenir et qui me paraît essentiel, c’est le passage pacifique
d’un régime militaro-marxiste-léniniste à un régime civil fondé sur la
Constitution. C’est cela le plus important. Après près de vingt ans de régime
militaro-marxiste-léniniste, un passage pacifique, sans tuerie, vers un régime
civil fondé sur la Constitution. C’est cela la principale avancée que nous
pouvons retenir pour l’histoire. Maintenant, on ne peut pas raconter tout ce
qui s’est passé en une interview, en un colloque, ou en une nuit.
Avant
le jour de la conférence, il y a ce que j’appelle la longue marche. Il y a eu
beaucoup d’événements qu’on ne peut pas résumer en une seule interview. Les
luttes ont commencé bien avant. Le jour de la conférence, tout était mûr.
C’était une conjonction de rapports de forces et de bonne volonté. Quant à la démocratie,
c’est une quête quotidienne. Ce que vous avez gagné aujourd’hui, vous pouvez le
perdre demain. Les pays développés, comme la France ou les États-Unis, montrent
que la démocratie n’est pas un point d’arrivée. Il faut la gagner tous les
jours. Il faut constamment se battre pour la démocratie. La Conférence
nationale était un aboutissement de luttes, mais elle a aussi marqué un nouveau
départ pour d’autres luttes.
Jacques Richard Codjo, membre de l’Union Progressiste Le Renouveau
« Nous
devons préserver l’unité nationale à tout prix »
La
conférence nationale, 35 ans après, ce qu’il faut retenir, c’est un héritage
immatériel. La Conférence nationale ne nous a pas laissé un bâtiment, un
édifice ou un monument. Ce qu’elle nous a laissé, c’est un héritage immatériel,
un héritage qui ne peut être galvaudé par qui que ce soit et qui ne doit pas
être l’apanage d’une partie de la population. Cet héritage est pour nous tous.
Et donc, c’est à nous tous de le préserver. Je me permets de retenir que la
conférence nationale nous a laissé la paix. La paix sociale, la paix politique.
Et la paix, en corollaire, c’est la dévolution pacifique du pouvoir d’État.
C’est ce que la conférence nous a donné. Dans de nombreux pays, les transitions
ont été difficiles, douloureuses, sanglantes. Chez nous, elle a été pacifique.
C’est la Conférence nationale qui nous a légué cet héritage. La dévolution du
pouvoir d’État doit donc se faire de la manière la plus pacifique possible,
c’est-à-dire par les urnes. Ensuite, ce que la conférence nationale nous a
laissé d’autre, c’est l’unité nationale. Les délégués venus de divers horizons
se sont mis ensemble pour sauver notre pays. C’était une question de salut
national. Cette unité nationale, nous devons la préserver à tout prix. Enfin,
la conférence nous a laissé la voie du développement. Les choix économiques et
politiques qui ont été faits à cette occasion ont constitué un socle pour nous
ouvrir au monde et avancer. Voilà quelques-uns des héritages que je conserve.
Les
résolutions prises lors de cette conférence ont été mises en œuvre, mais il
faut comprendre que l’histoire d’une nation n’est pas un long fleuve
tranquille. L’histoire d’une nation n’est pas celle d’un individu. Dès lors,
nous devons nous unir pour construire ensemble. Cela ne se fait pas en ligne
droite, car il y a des défis à relever, notamment celui de préserver cet
héritage. C’est ce que notre parti, l’Union Progressiste Le Renouveau, cherche
à faire, en soutenant les actions du président Patrice Talon et du gouvernement.
Car ce gouvernement travaille chaque jour pour préserver l’héritage de la
conférence nationale : la paix sociale, les libertés, l’unité nationale. Il
faut travailler tous les jours pour consolider cela. Nos élus ont pris la
décision de modifier le code électoral. La vérité, c’est que ce code contribue
à l’unité nationale. La pratique du multipartisme intégral, immédiatement après
la conférence, a été euphorique, mais aujourd’hui il existe quelques
résistances. C’est pourquoi nous devons passer par des lois et des limites pour
arriver à de grands blocs politiques qui permettront à notre pays de se
développer. Car, sans stabilité politique, il ne peut y avoir de développement.
Gérard
Gbénonchi, secrétaire général de l’Up-R
« Nous
avons rompu avec la dictature pour construire un État de droit »
Il
y a 35 ans, la Conférence nationale a eu lieu, et c’est aujourd’hui le moment
de réfléchir à cet événement historique. L’Union Progressiste Le Renouveau a
invité ses militants à se remémorer ce moment crucial. En effet, lorsque l’on
perd ses racines, on perd son destin. C’est pourquoi il est important de se
rappeler cet événement fondateur, qui a permis au Bénin de rompre avec le passé
du parti unique et de renouer avec la démocratie. Avant la conférence, l’économie
était à terre, le climat social désastreux, et le pays était plongé dans le
chaos. Mais grâce à la conférence, les forces vives se sont réunies et ont posé
les bases d’un renouveau démocratique. Nous avons rompu avec la dictature pour
construire un État de droit, relancer l’économie et redonner espoir aux
Béninois. Aujourd’hui, 35 ans après, nous pouvons dire qu’un chemin a été
parcouru. Nos anciens avaient raison de prendre ces décisions, et c’est pour
cela que nous ne devons jamais oublier ce qu’ils ont accompli. Le Bénin ne
pourra jamais oublier cela, et l’Union Progressiste Le Renouveau se positionne
comme le parti du peuple, qui continuera à nourrir et à faire prospérer
l’héritage que nos ancêtres nous ont légué.
Nous devons actualiser les décisions prises à l’époque pour les adapter aux défis actuels. C’est ce que l’Union progressiste le Renouveau fait. Bien que tout ce qui a été fait ne soit pas parfait, il faut reconnaître que des domaines, comme la gouvernance économique, n’ont pas été suffisamment abordés. C’est pourquoi un panel a été consacré à ce sujet. Nous devons continuer à avancer sur ce terrain, en soutenant les réformes entreprises par le président Patrice Talon depuis 2016. Depuis 2016, la gouvernance économique a été mise au centre des priorités. Le Bénin a renforcé sa capacité à mobiliser ses ressources intérieures et à accéder aux marchés financiers internationaux. Grâce à cela, le budget de l’État a considérablement augmenté. En 1989, le budget du Bénin était de 52 milliards de francs Cfa, et aujourd’hui, il dépasse 3 500 milliards de francs Cfa. Cela démontre les progrès accomplis, et l’Union Progressiste Le Renouveau veillera à ce que cette dynamique continue.
Noël
Chadaré, ancien secrétaire général de la Cosi-Bénin
« Grâce
à la Conférence, nous avons retrouvé la confiance nationale »
Ce que je retiens de la Conférence nationale, c’est qu’elle a permis de passer d’une société dominée par la dictature et un parti unique à une société démocratique, où la démocratie et le multipartisme se sont enracinés. Au plan syndical, pendant la période révolutionnaire, il n’existait qu’un seul syndicat : l’Unstb. Mais aujourd’hui, grâce à la Conférence, nous avons retrouvé la confiance nationale, qui nous permet de jouir de la liberté d’expression et d’association. Nous avons ainsi fait le passage d’un régime dictatorial à un régime démocratique. Aujourd’hui, il est possible de créer un syndicat en réunissant simplement dix personnes. Les libertés sont là et n’ont pas disparu, même si quelques ajustements sont nécessaires. Il est essentiel de continuer à améliorer le système partisan hérité de la Conférence nationale. Bien que ce système ne soit pas parfait et soit encore en transition, il est important de l’adapter aux réalités actuelles pour qu’il soit plus efficace. Par exemple, il convient de réfléchir à la loi sur les droits syndicaux et d’évaluer son application pour voir ce qui fonctionne et ce qui peut être amélioré.
Aristide
Talon, conseiller à la Santé du chef de l’Etat
« Peu
de défis restent car nous avons résolu la plupart des problèmes »
35
ans après, voici ce que je retiens personnellement. C’est le fait que nous
ayons réussi à rééditer aujourd’hui dans la mémoire et dans les têtes, tant ce
qui était là que ce qui ne l’était pas, mais surtout, le besoin de continuer
cette aventure collective. C’est collectivement que nous avons pris en charge
cette aventure. Et que dis-je ? Je dis que nous sommes d’accord pour, à un
moment donné, arrêter toute cette pagaille, qui était une certaine manière de
faire.
Et
nous avons aussi imaginé qu’il existe une façon de faire du développement, pour
en faire oublier certaines erreurs, et pour associer développement et
politique. Ce développement et cette organisation sociale sont nés de la Conférence
que nous avons tenue. Et aujourd’hui, quand nous discutons, la question ne se
pose plus. Tout ce que nous avons fait aujourd’hui, toute la discussion que
nous avons eue, me permet de dire une seule chose : nous continuons.
Peu
de défis restent car nous avons résolu la plupart des problèmes. Ce que nous
avons résolu, c’est que nous avons instauré un multipartisme intégral. La
question qui peut se poser est que ce multipartisme intégral que nous avons
mentionné en 1990 n’était pas encadré. C’est pourquoi les partis se sont
multipliés et ont été ce que nous avons déploré. Nous avons donc entamé la
refonte du système partisan. Le multipartisme intégral existait déjà, mais
chaque parti devrait avoir un cadre, une philosophie, une décision qui façonne la
société. Nous n’avions pas fait cela. Aujourd’hui, le défi consiste à continuer
ce multipartisme intégral, mais chaque parti a désormais l’obligation d’avoir
une philosophie, d’avoir une ligne directrice, d’alimenter le corps politique.
Iréné Agossa, homme politique
« Nous
sommes tombés dans le clientélisme politique »
Ce
qu’il faut retenir de la Conférence nationale aujourd’hui, c’est la stabilité
que nous vivons et la continuité dans l’exécution des directives de la
conférence. L’Etat de droit continue. Nous avons des institutions qui
fonctionnent, des élections qui se tiennent régulièrement, des présidents élus
qui quittent le pouvoir sans manipuler la Constitution. Nous avons une cohésion
sociale, sans soulèvements. Nous avons aussi une liberté d’expression. Je suis
allé à la Haac, je sais qu’il existe une liberté bien encadrée, permettant que
tout soit dit, tout en respectant la liberté des autres. Dans notre pays, la
majorité des directives de la Conférence ont été exécutées. Le seul hic, c’est
la volonté politique. L’expression politique a été mal gérée par les partis
politiques, compte tenu de l’enthousiasme de la Conférence qui a poussé tout le
monde à être libre et à s’exprimer. Cela n’a pas été suffisamment encadré,
notamment en ce qui concerne le financement et la forme à adopter. Nous sommes
tombés dans le clientélisme politique. À l’époque, il y avait eu des
résolutions. Certaines ont été
maintenues et continuent dans le cadre de la bonne gouvernance. Les
perspectives actuelles portent sur les réformes.
Les réformes qui ont été initiées, notamment la réforme du système partisan, ont permis de définir une nouvelle manière de gouverner le pays. Ce ne sera plus un homme qui s’impose par sa volonté, mais un parti qui désigne un homme en son sein, et qui gouverne en fonction de la vision du parti. Cela marquera une évolution, où des militants, et non plus des individus, auront la culture démocratique et le respect des institutions. L’autre élément capital est l’autorité de l’État. Il faut restaurer l’autorité de l’État. Je pense qu’avec les réformes actuelles et sous le leadership du président actuel, l’autorité a été restaurée. Ces réformes mènent à la mise en œuvre des résolutions de la Conférence. Il est essentiel de moderniser ces résolutions pour les adapter aux réalités actuelles, notamment en ce qui concerne le numérique. À l’époque de la Conférence, le numérique n’était même pas mentionné, et l’intelligence artificielle n’était pas un sujet. Il faut adapter ces objectifs aux besoins d’aujourd’hui. C’est ça le défi, faire en sorte que nous continuions d’évoluer. Ce que nous devons faire maintenant, c’est continuer à réformer et à améliorer les performances dans tous les domaines. La révolution économique doit l’emporter et accompagner le renouveau démocratique. C’est ce que nous sommes en train de faire.
Constant
Agbidinoukoun, ancien journaliste à la retraite
« Il
est également important de préserver la liberté de la presse »
C’est
une conférence formidable qui nous a permis de nous retrouver, d’échanger et de
réaliser que pour faire grandir notre pays, il ne faut pas diviser nos forces,
mais les unir. Les résolutions prises lors de cette conférence ont conforté
notre démocratie. Ce que nous appelons le renouveau démocratique, car il y avait
eu de la démocratie auparavant, mais elle a été relancée, d’où le terme
«renouveau ». Il faut continuer. Vous savez, la démocratie doit être construite
au jour le jour. Il n’y a pas de fin en soi. Donc, ne disons pas que nous
sommes déjà assez mûrs et que rien ne peut plus nous déranger. Il faut
construire la démocratie et le multipartisme. Il est vrai que les partis
politiques animent la vie politique nationale, mais il est également important
de préserver la liberté de la presse, la liberté d’association et la liberté
d’expression. C’est crucial. Il faut aussi que le libéralisme économique
continue afin de promouvoir le commerce pour que les femmes dans les marchés
puissent s’y retrouver, vendre et trouver les moyens nécessaires pour soutenir
leurs famille et foyer. Cela est essentiel, et je crois que nous n’avons jamais
mis la démocratie de côté.
Il y a de belles perspectives. Nous devons continuer à travailler pour garantir la souveraineté de notre pays, assurer la sécurité partout, que ce soit à gauche ou à droite, et que les forces de défense et de sécurité disposent des moyens nécessaires pour protéger notre pays et l’intégrité de notre territoire. Nous devons également faire en sorte que nous puissions toujours nous entendre dans un esprit de convivialité et de fraternité, car nous ne pouvons pas diviser notre pays et espérer le faire grandir. Donc, évitons les divisions et les difficultés qui pourraient nous freiner. Quand il y a des problèmes ou des difficultés, c’est pour avancer. À chaque difficulté, il y a une avancée. Ce n’est donc pas une mauvaise chose.
Noël Chadaré, ancien secrétaire général de la Cosi- Bénin