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35 ans après la Conférence nationale: Héritage démocratique et défis actuels

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Noël Chadaré, ancien secrétaire général de la Cosi- Bénin Noël Chadaré, ancien secrétaire général de la Cosi- Bénin

Entre avancées historiques, telles que la paix sociale, la dévolution pacifique du pouvoir et défis actuels comme la modernisation du système partisan et la consolidation des réformes économiques, les réflexions sur l’héritage immatériel de la Conférence nationale de 1990 invitent à poursuivre l’œuvre entamée. 

Par   Propos recueillis par Isidore GOZO et Ariel GBAGUIDI, le 03 mars 2025 à 05h53 Durée 4 min.
#Conférence nationale de 1990

Abraham Zinzindohoué, ancien président de la Cour suprême

« La Conférence nationale était un aboutissement de luttes »

Le terme « acquis » est un terme un peu ambivalent. Partout, on parle des acquis de la conférence. Moi, je préfère parler d’avancées, de mérites, plutôt que d’acquis. Parce que, quand on dit acquis, cela sous-entend que c’est intangible, qu’on ne peut pas y revenir. Or, le monde est dynamique, tout bouge. Donc parlons d’avancées, de mérites, de gains, plutôt que d’acquis. Bref, ce qu’il faut retenir et qui me paraît essentiel, c’est le passage pacifique d’un régime militaro-marxiste-léniniste à un régime civil fondé sur la Constitution. C’est cela le plus important. Après près de vingt ans de régime militaro-marxiste-léniniste, un passage pacifique, sans tuerie, vers un régime civil fondé sur la Constitution. C’est cela la principale avancée que nous pouvons retenir pour l’histoire. Maintenant, on ne peut pas raconter tout ce qui s’est passé en une interview, en un colloque, ou en une nuit.

Avant le jour de la conférence, il y a ce que j’appelle la longue marche. Il y a eu beaucoup d’événements qu’on ne peut pas résumer en une seule interview. Les luttes ont commencé bien avant. Le jour de la conférence, tout était mûr. C’était une conjonction de rapports de forces et de bonne volonté. Quant à la démocratie, c’est une quête quotidienne. Ce que vous avez gagné aujourd’hui, vous pouvez le perdre demain. Les pays développés, comme la France ou les États-Unis, montrent que la démocratie n’est pas un point d’arrivée. Il faut la gagner tous les jours. Il faut constamment se battre pour la démocratie. La Conférence nationale était un aboutissement de luttes, mais elle a aussi marqué un nouveau départ pour d’autres luttes.

Jacques Richard Codjo, membre de l’Union Progressiste Le Renouveau

« Nous devons préserver l’unité nationale à tout prix »

La conférence nationale, 35 ans après, ce qu’il faut retenir, c’est un héritage immatériel. La Conférence nationale ne nous a pas laissé un bâtiment, un édifice ou un monument. Ce qu’elle nous a laissé, c’est un héritage immatériel, un héritage qui ne peut être galvaudé par qui que ce soit et qui ne doit pas être l’apanage d’une partie de la population. Cet héritage est pour nous tous. Et donc, c’est à nous tous de le préserver. Je me permets de retenir que la conférence nationale nous a laissé la paix. La paix sociale, la paix politique. Et la paix, en corollaire, c’est la dévolution pacifique du pouvoir d’État. C’est ce que la conférence nous a donné. Dans de nombreux pays, les transitions ont été difficiles, douloureuses, sanglantes. Chez nous, elle a été pacifique. C’est la Conférence nationale qui nous a légué cet héritage. La dévolution du pouvoir d’État doit donc se faire de la manière la plus pacifique possible, c’est-à-dire par les urnes. Ensuite, ce que la conférence nationale nous a laissé d’autre, c’est l’unité nationale. Les délégués venus de divers horizons se sont mis ensemble pour sauver notre pays. C’était une question de salut national. Cette unité nationale, nous devons la préserver à tout prix. Enfin, la conférence nous a laissé la voie du développement. Les choix économiques et politiques qui ont été faits à cette occasion ont constitué un socle pour nous ouvrir au monde et avancer. Voilà quelques-uns des héritages que je conserve.

Les résolutions prises lors de cette conférence ont été mises en œuvre, mais il faut comprendre que l’histoire d’une nation n’est pas un long fleuve tranquille. L’histoire d’une nation n’est pas celle d’un individu. Dès lors, nous devons nous unir pour construire ensemble. Cela ne se fait pas en ligne droite, car il y a des défis à relever, notamment celui de préserver cet héritage. C’est ce que notre parti, l’Union Progressiste Le Renouveau, cherche à faire, en soutenant les actions du président Patrice Talon et du gouvernement. Car ce gouvernement travaille chaque jour pour préserver l’héritage de la conférence nationale : la paix sociale, les libertés, l’unité nationale. Il faut travailler tous les jours pour consolider cela. Nos élus ont pris la décision de modifier le code électoral. La vérité, c’est que ce code contribue à l’unité nationale. La pratique du multipartisme intégral, immédiatement après la conférence, a été euphorique, mais aujourd’hui il existe quelques résistances. C’est pourquoi nous devons passer par des lois et des limites pour arriver à de grands blocs politiques qui permettront à notre pays de se développer. Car, sans stabilité politique, il ne peut y avoir de développement.

Gérard Gbénonchi, secrétaire général de l’Up-R

« Nous avons rompu avec la dictature pour construire un État de droit »

Il y a 35 ans, la Conférence nationale a eu lieu, et c’est aujourd’hui le moment de réfléchir à cet événement historique. L’Union Progressiste Le Renouveau a invité ses militants à se remémorer ce moment crucial. En effet, lorsque l’on perd ses racines, on perd son destin. C’est pourquoi il est important de se rappeler cet événement fondateur, qui a permis au Bénin de rompre avec le passé du parti unique et de renouer avec la démocratie. Avant la conférence, l’économie était à terre, le climat social désastreux, et le pays était plongé dans le chaos. Mais grâce à la conférence, les forces vives se sont réunies et ont posé les bases d’un renouveau démocratique. Nous avons rompu avec la dictature pour construire un État de droit, relancer l’économie et redonner espoir aux Béninois. Aujourd’hui, 35 ans après, nous pouvons dire qu’un chemin a été parcouru. Nos anciens avaient raison de prendre ces décisions, et c’est pour cela que nous ne devons jamais oublier ce qu’ils ont accompli. Le Bénin ne pourra jamais oublier cela, et l’Union Progressiste Le Renouveau se positionne comme le parti du peuple, qui continuera à nourrir et à faire prospérer l’héritage que nos ancêtres nous ont légué.

Nous devons actualiser les décisions prises à l’époque pour les adapter aux défis actuels. C’est ce que l’Union progressiste le Renouveau fait. Bien que tout ce qui a été fait ne soit pas parfait, il faut reconnaître que des domaines, comme la gouvernance économique, n’ont pas été suffisamment abordés. C’est pourquoi un panel a été consacré à ce sujet. Nous devons continuer à avancer sur ce terrain, en soutenant les réformes entreprises par le président Patrice Talon depuis 2016. Depuis 2016, la gouvernance économique a été mise au centre des priorités. Le Bénin a renforcé sa capacité à mobiliser ses ressources intérieures et à accéder aux marchés financiers internationaux. Grâce à cela, le budget de l’État a considérablement augmenté. En 1989, le budget du Bénin était de 52 milliards de francs Cfa, et aujourd’hui, il dépasse 3 500 milliards de francs Cfa. Cela démontre les progrès accomplis, et l’Union Progressiste Le Renouveau veillera à ce que cette dynamique continue.

Noël Chadaré, ancien secrétaire général de la Cosi-Bénin

« Grâce à la Conférence, nous avons retrouvé la confiance nationale »

Ce que je retiens de la Conférence nationale, c’est qu’elle a permis de passer d’une société dominée par la dictature et un parti unique à une société démocratique, où la démocratie et le multipartisme se sont enracinés. Au plan syndical, pendant la période révolutionnaire, il n’existait qu’un seul syndicat : l’Unstb. Mais aujourd’hui, grâce à la Conférence, nous avons retrouvé la confiance nationale, qui nous permet de jouir de la liberté d’expression et d’association. Nous avons ainsi fait le passage d’un régime dictatorial à un régime démocratique. Aujourd’hui, il est possible de créer un syndicat en réunissant simplement dix personnes. Les libertés sont là et n’ont pas disparu, même si quelques ajustements sont nécessaires. Il est essentiel de continuer à améliorer le système partisan hérité de la Conférence nationale. Bien que ce système ne soit pas parfait et soit encore en transition, il est important de l’adapter aux réalités actuelles pour qu’il soit plus efficace. Par exemple, il convient de réfléchir à la loi sur les droits syndicaux et d’évaluer son application pour voir ce qui fonctionne et ce qui peut être amélioré. 

Aristide Talon, conseiller à la Santé du chef de l’Etat

« Peu de défis restent car nous avons résolu la plupart des problèmes »

35 ans après, voici ce que je retiens personnellement. C’est le fait que nous ayons réussi à rééditer aujourd’hui dans la mémoire et dans les têtes, tant ce qui était là que ce qui ne l’était pas, mais surtout, le besoin de continuer cette aventure collective. C’est collectivement que nous avons pris en charge cette aventure. Et que dis-je ? Je dis que nous sommes d’accord pour, à un moment donné, arrêter toute cette pagaille, qui était une certaine manière de faire.

Et nous avons aussi imaginé qu’il existe une façon de faire du développement, pour en faire oublier certaines erreurs, et pour associer développement et politique. Ce développement et cette organisation sociale sont nés de la Conférence que nous avons tenue. Et aujourd’hui, quand nous discutons, la question ne se pose plus. Tout ce que nous avons fait aujourd’hui, toute la discussion que nous avons eue, me permet de dire une seule chose : nous continuons.

Peu de défis restent car nous avons résolu la plupart des problèmes. Ce que nous avons résolu, c’est que nous avons instauré un multipartisme intégral. La question qui peut se poser est que ce multipartisme intégral que nous avons mentionné en 1990 n’était pas encadré. C’est pourquoi les partis se sont multipliés et ont été ce que nous avons déploré. Nous avons donc entamé la refonte du système partisan. Le multipartisme intégral existait déjà, mais chaque parti devrait avoir un cadre, une philosophie, une décision qui façonne la société. Nous n’avions pas fait cela. Aujourd’hui, le défi consiste à continuer ce multipartisme intégral, mais chaque parti a désormais l’obligation d’avoir une philosophie, d’avoir une ligne directrice, d’alimenter le corps politique. 

Iréné Agossa, homme politique

« Nous sommes tombés dans le clientélisme politique »

Ce qu’il faut retenir de la Conférence nationale aujourd’hui, c’est la stabilité que nous vivons et la continuité dans l’exécution des directives de la conférence. L’Etat de droit continue. Nous avons des institutions qui fonctionnent, des élections qui se tiennent régulièrement, des présidents élus qui quittent le pouvoir sans manipuler la Constitution. Nous avons une cohésion sociale, sans soulèvements. Nous avons aussi une liberté d’expression. Je suis allé à la Haac, je sais qu’il existe une liberté bien encadrée, permettant que tout soit dit, tout en respectant la liberté des autres. Dans notre pays, la majorité des directives de la Conférence ont été exécutées. Le seul hic, c’est la volonté politique. L’expression politique a été mal gérée par les partis politiques, compte tenu de l’enthousiasme de la Conférence qui a poussé tout le monde à être libre et à s’exprimer. Cela n’a pas été suffisamment encadré, notamment en ce qui concerne le financement et la forme à adopter. Nous sommes tombés dans le clientélisme politique. À l’époque, il y avait eu des résolutions. Certaines  ont été maintenues et continuent dans le cadre de la bonne gouvernance. Les perspectives actuelles portent sur les réformes.

Les réformes qui ont été initiées, notamment la réforme du système partisan, ont permis de définir une nouvelle manière de gouverner le pays. Ce ne sera plus un homme qui s’impose par sa volonté, mais un parti qui désigne un homme en son sein, et qui gouverne en fonction de la vision du parti. Cela marquera une évolution, où des militants, et non plus des individus, auront la culture démocratique et le respect des institutions. L’autre élément capital est l’autorité de l’État. Il faut restaurer l’autorité de l’État. Je pense qu’avec les réformes actuelles et sous le leadership du président actuel, l’autorité a été restaurée. Ces réformes mènent à la mise en œuvre des résolutions de la Conférence. Il est essentiel de moderniser ces résolutions pour les adapter aux réalités actuelles, notamment en ce qui concerne le numérique. À l’époque de la Conférence, le numérique n’était même pas mentionné, et l’intelligence artificielle n’était pas un sujet. Il faut adapter ces objectifs aux besoins d’aujourd’hui. C’est ça le défi, faire en sorte que nous continuions d’évoluer. Ce que nous devons faire maintenant, c’est continuer à réformer et à améliorer les performances dans tous les domaines. La révolution économique doit l’emporter et accompagner le renouveau démocratique. C’est ce que nous sommes en train de faire.

Constant Agbidinoukoun, ancien journaliste à la retraite

« Il est également important de préserver la liberté de la presse »

C’est une conférence formidable qui nous a permis de nous retrouver, d’échanger et de réaliser que pour faire grandir notre pays, il ne faut pas diviser nos forces, mais les unir. Les résolutions prises lors de cette conférence ont conforté notre démocratie. Ce que nous appelons le renouveau démocratique, car il y avait eu de la démocratie auparavant, mais elle a été relancée, d’où le terme «renouveau ». Il faut continuer. Vous savez, la démocratie doit être construite au jour le jour. Il n’y a pas de fin en soi. Donc, ne disons pas que nous sommes déjà assez mûrs et que rien ne peut plus nous déranger. Il faut construire la démocratie et le multipartisme. Il est vrai que les partis politiques animent la vie politique nationale, mais il est également important de préserver la liberté de la presse, la liberté d’association et la liberté d’expression. C’est crucial. Il faut aussi que le libéralisme économique continue afin de promouvoir le commerce pour que les femmes dans les marchés puissent s’y retrouver, vendre et trouver les moyens nécessaires pour soutenir leurs famille et foyer. Cela est essentiel, et je crois que nous n’avons jamais mis la démocratie de côté.

Il y a de belles perspectives. Nous devons continuer à travailler pour garantir la souveraineté de notre pays, assurer la sécurité partout, que ce soit à gauche ou à droite, et que les forces de défense et de sécurité disposent des moyens nécessaires pour protéger notre pays et l’intégrité de notre territoire. Nous devons également faire en sorte que nous puissions toujours nous entendre dans un esprit de convivialité et de fraternité, car nous ne pouvons pas diviser notre pays et espérer le faire grandir. Donc, évitons les divisions et les difficultés qui pourraient nous freiner. Quand il y a des problèmes ou des difficultés, c’est pour avancer. À chaque difficulté, il y a une avancée. Ce n’est donc pas une mauvaise chose.