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Cour spéciale des affaires foncières: Le président Victor Fatindé installé

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Par   Ariel GBAGUIDI, le 05 avr. 2023 à 08h36
Nommé par décret en date du 16 novembre 2022, Victor Fatindé, tout premier président de la Cour spéciale des affaires foncières, dernière-née des Cours spéciales au Bénin, est officiellement entré en fonction. Il a été installé, ce mardi 4 avril à Cotonou, par le président de la Cour suprême à la faveur d’une audience solennelle organisée à cet effet.C’est dans un climat de profusion des conflits liés au foncier dont certains sont vieux de plusieurs décennies, que le magistrat Victor Fatindé prend les rênes de la Cour spéciale des affaires foncières, la nouvelle juridiction créée pour connaitre des actions réelles immobilières, des actions relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique. Toutefois, le contentieux des actes administratifs relatifs au foncier relève de sa chambre administrative. Tout premier président de cette Cour spéciale, Victor Fatindé a été installé dans ses nouvelles fonctions à l’occasion de l’audience solennelle présidée par les juges de la Cour suprême, mardi dernier, à Cotonou, en présence du ministre de la Justice, Séverin Quenum, des préfets de l’Atlantique et de l’Ouémé, et de divers acteurs du monde judiciaire. A l’entame de l’audience, le président de la Cour suprême, Victor Dassi Adossou, n’ayant reçu aucun recours contre la personne de Victor Fatindé, a ordonné la lecture du décret le nommant au poste de président de la Cour spéciale des affaires foncières, et des alinéas 3 et 5 de l’article 10 de la loi portant statut de la Magistrature béninoise. Par la suite, Gérard Onésime Madodé, procureur général près la Cour suprême, prononce ses réquisitions. Un exercice au cours duquel il présente le contexte de la création de cette nouvelle juridiction, le parcours inspirant de Victor Fatindé et requiert l’installation de ce dernier dans ses nouvelles fonctions de président de la Cour spéciale des affaires foncières. Victor Dassi Adossou accède à sa demande. « …Conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature béninoise, je vous déclare, monsieur Victor Fatindé, installé, ce jour mardi 4 avril 2023, dans les fonctions de président de la Cour spéciale des affaires foncières ; et vous renvoie, par conséquent, dans l’exercice de cette lourde fonction », a déclaré le président de la Cour suprême tout en lui souhaitant « bon vent ». Troisième juridiction à caractère spécial sur l’échiquier national, la Cour spéciale des affaires foncières a été créée aux termes de la loi n°2022-16 du 17 octobre 2022. Elle a pour mission de « mettre fin à l’insécurité foncière en passe de devenir, selon Séverin Quenum, une menace à la paix sociale » au Bénin. Cette Cour spéciale a un double degré de juridiction, et est territorialement compétente dans les communes du Grand Nokoué à savoir : Abo-mey-Calavi, Allada, Ouidah, Cotonou, Tori-Bossito, Sèmè-Podji et Porto-Novo.

Une Cour à point nommé

Il était grand temps qu’il soit mis fin au flot de conflits fonciers et domaniaux ayant provoqué un climat de méfiance dans le secteur, et impacté négativement le climat des affaires au Bénin depuis des décennies. Lors de l’audience solennelle, Séverin Quenum, Garde des Sceaux et ministre de la Justice, décrit davantage ce sombre tableau. « Il existe dans notre pays un véritable fléau de l’insécurité foncière qui prend ses racines dans l’absence d’un régime juridique foncier cohérent, à même d’assurer dans la durée, la patrimonialité des droits fonciers. Ce fléau s’est par la suite nourri des opérations calamiteuses de lotissement et de remembrement procédant de l’écurie et du laxisme des autorités administratives. Aujourd’hui, elle se présente à nous sous la forme d’une mafia. Chaque jour tentaculaire, elle est l’œuvre de justiciables peu scrupuleux, d’intermédiaires et démarcheurs douteux et de tout poil, d’auxiliaires de justice en rupture de ban, mais aussi et fatalement de magistrats, ceux-là mêmes investis par la loi pour assurer la protection des droits privés et patrimoniaux », a déclaré le ministre de la Justice. Séverin Quenum rappelle que c’est en prenant la mesure de la situation et en marge de la réforme foncière en vue de parer au plus pressé à la gangrène, que le gouvernement, en sa session du Conseil des ministres du mercredi 24 juin 2020, a ordonné la suspension de toutes les opérations de lotissement en cours sur le territoire national, et leur audit, avant d’initier la loi portant création de la Cour spéciale des affaires foncières. « La raison d’être de votre Cour est de tourner véritablement la page, celle des contentieux vieux de décennies qui trainent encore devant les cours et tribunaux…», rappelle Victor Dassi Adossou à l’endroit du président de la Cour spéciale. Au sujet du périmètre d'intervention de la Cour, plusieurs acteurs ont déploré le fait que la réforme n’ait ciblé que les sept communes du Grand Nokoué alors que tout le pays est concerné par la question. Mais l’autorité ministérielle rassure à ce propos. « Je veux ici rassurer les uns et les autres qu’elle n’en a pas moins une envergure nationale… », a-t-il affirmé, rappelant que les sept communes en question sont le siège d’une insécurité foncière élevée, stimulée par leur position dans le plan de développement du Bénin. A l’en croire, le gouvernement tient à gagner la bataille du Grand Nokoué afin de prendre une option sérieuse sur l’objectif à atteindre qu’est la sécurité foncière au Bénin.

Obligation de résultats

Avec l’installation de son premier président, la Cour spéciale des affaires foncières démarre ainsi ses activités. S’adressant à Victor Fatindé, le président de la Cour suprême lui rappelle que le contentieux auquel il va désormais se consacrer est un contentieux de masse et qu’il n’y aura pas de round d’observation. « Vous n’aurez droit à aucune période d’acclimatation, dans la mesure où, selon la loi, toutes les affaires pendantes devant les juridictions ordinaires du premier degré et d’appel relevant des sept communes, vous seront immédiatement transférées…», prévient-il. La tâche du président de la Cour spéciale dans le contexte actuel, s’apparente aux douze travaux d’Hercule, selon Victor Dassi Adossou. Il dit faire ce rapprochement, car le président de la nouvelle Cour doit assurer la mission de pionnier dans l’animation de cette juridiction spéciale, et répondre aux objectifs de règlement avec célérité et professionnalisme. « Vous êtes désormais astreint (…) à l’obligation de résultats…», insiste la première autorité de la Cour suprême appuyée par le ministre de la Justice. Ce dernier ajoute que la Cour spéciale a une obligation de résultats parce qu’elle porte « les espoirs de millions de Béninois ». Les deux autorités tracent, en outre, le chemin que doit emprunter Victor Fatindé pour réussir sa mission. « Soyez dans le discernement, travaillez à l’évidence avec vos juges, évitez la navigation à vue, dotez rapidement la juridiction d’une boussole, sachez lire les signaux de votre tableau de bord, surveillez les rôles, administrez la juridiction (…), faites de la nouvelle Cour celle des défis de notre temps ; le temps de la justice qui n’est pas celui du juge mais celui du justiciable qui aspire à une justice efficace… Faites de cette Cour une juridiction d’espérance, de confiance retrouvée en la justice, pilier essentiel de l’Etat de droit dans notre cher pays le Bénin», lui a recommandé Victor Dassi Adossou. Au-delà des questions de procédures qui doivent être respectées, le ministre de la Justice fait savoir que les populations exigent des animateurs de cette Cour spéciale une grande probité procédant d’un sens élevé des règles éthiques et morales, une grande célérité des procédures mais surtout une impartialité à toute épreuve. «C’est vous dire combien vos décisions seront scrutées, qu’elles doivent et se doivent d’être des modèles de pertinence, de cohérence et même de prévisibilité, le tout en accord avec la politique foncière de l’Etat portée par l’Andf… », rappelle Me Séverin Quenum à l’endroit du président de la Cour spéciale. Parlant de décisions modèles, le président de la Cour suprême attire l’attention de Victor Fatindé sur le fait qu’il a observé depuis plusieurs mois, au niveau de la haute juridiction, une augmentation exponentielle des pouvois en cassation en matière foncière devant la chambre judiciaire. Au regard de ceci et des autres faits relevés, Victor Dassi Adossou invite le président de la Cour spéciale et ses pairs à être attentifs à la stricte conformité de leurs décisions à la règle de droit, faire des diverses publications des arrêts de la Cour suprême en matière foncière, un bréviaire qui leur permettra davantage d’être au fait de la jurisprudence en matière foncière. Si Victor Fatindé a été désigné pour présider la Cour spéciale, c’est bien parce qu’il a le bagage intellectuel, l’expérience professionnelle et les compétences managériales qu’il faut pour accomplir la mission assignée à la Cour spéciale. Le président de la Cour suprême et le ministre de la Justice ne doutent pas que la juridiction que préside désormais Victor Fatindé est le début d’une nouvelle ère dans le domaine du foncier et de la justice. Le parquet spécial près la Criet est en charge de la lutte contre les infractions foncières. A l’occasion, le ministre de la Justice l’a exhorté à une « plus grande fermeté dans la lutte contre la mafia foncière » afin d’en finir avec celle-ci pour la sécurité foncière au Bénin, gage de quiétude sociale, d’amélioration du climat des affaires et de développement.