Fonction parlementaire: Ce qu’il faut retenir des charges et privilèges associés
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Par
Anselme Pascal AGUEHOUNDE, le 10 févr. 2023
à
08h23
Ils sont communément appelés "honorables", car la fonction parlementaire est un honneur, un privilège mais surtout une lourde responsabilité. Les 109 députés de la neuvième législature seront officiellement installés dimanche 12 février pour un mandat de trois ans. Mesurent-ils tous la portée d’une telle fonction ?Un mandat transitoire, dirait-on, mais un mandat avec la plénitude des charges et avantages qui incombent à tout député. Ce dimanche, la neuvième législature s’installe officiellement à l’hémicycle. Députés pour toute la nation ! C’est ce qu’ils sont conformément à la lettre et à l’esprit de l’article 80 de la Loi fondamentale qui stipule : « Chaque député est le représentant de la Nation toute entière et tout mandat impératif est nul ». Certes, les trois partis politiques représentés à l’Assemblée nationale ont, chacun, organisé des formations à l’intention de leurs élus pour leur permettre de mieux cerner la fonction parlementaire. Chaque parti défend des idéaux mais l’intérêt général doit rester le point de mire, la boussole qui oriente les prises de positions, les interventions et les actions de tout député. Si les attentes et convictions partisanes ne sont pas les mêmes, tous les députés partagent les mêmes missions. Ces missions sont explicitement décrites dans la Constitution béninoise et le Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle. En la matière, l’article 79 de la Constitution renseigne : « Le Parlement est constitué par une assemblée unique dite Assemblée nationale, dont les membres portent le titre de député. Il exerce le pouvoir législatif et contrôle l'action du gouvernement ». Il s'en dégage les deux missions classiques du Parlement que sont : le vote des lois et le contrôle de l’action gouvernementale.
Légiférer
Pour ce qui est du vote des lois, l'initiative des lois appartient concurremment au président de la République et aux membres de l'Assemblée nationale. Lorsqu’elle émane du président de la République, on parle de projet de loi, et lorsqu’elle émane des membres de l’Assemblée nationale, on parle de proposition de loi. La loi est votée par l'Assemblée nationale à la majorité simple. Cependant, une loi organique au sens de la Constitution, ne peut être adoptée qu'à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée; et ne peut être promulguée qu'après déclaration de sa conformité à la Constitution par la Cour constitutionnelle. Les matières qui relèvent du domaine de la loi sont prévues à l’article 98 de la Constitution. L’on retient entre autres les questions liées à la citoyenneté ; aux droits civiques et aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques; à la nationalité, l'état et la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, successions et libéralités ; à la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; à l'amnistie ; à l'organisation des juridictions de tous ordres et la procédure suivie devant ces juridictions, à la création de nouveaux ordres de juridiction, au statut de la magistrature, des offices ministériels et des auxiliaires de justice ; à l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ; au régime électoral du président de la République, des membres de l'Assemblée nationale et des Assemblées locales ; à la création des catégories d'établissements publics ; au Statut général de la Fonction publique ; au Statut des Personnels militaires, des Forces de sécurité publique et assimilées ; à l'organisation territoriale ; au régime de la propriété ; à la protection de l'environnement… Une panoplie de domaines dans lesquels les députés peuvent légiférer en ayant comme boussole l’intérêt général, le bien-être du peuple béninois. Avant délibération en séance plénière, les projets et propositions de loi sont envoyés à la commission des lois pour examen. Toutefois, le projet du budget de l'Assemblée nationale ne peut être examiné en commission ou en séance plénière sans avoir été au préalable soumis au Bureau de l’Assemblée. Par ailleurs, tel que prévu à l’article 108 de la Constitution, les députés peuvent, par un vote à la majorité des trois quarts, décider de soumettre toute question au référendum.
Contrôler
S’agissant du contrôle de l’action gouvernementale, l’Exécutif est tenu de fournir à l'Assemblée nationale toutes explications qui lui seront demandées sur sa gestion et sur ses activités. Les moyens d'information et de contrôle de l'Assemblée nationale sur l'action gouvernementale énoncés dans l’article 113 de la Constitution sont : l'interpellation ; la question écrite ; la question orale avec ou sans débat, non suivie de vote ; la commission parlementaire d'enquête. Ces moyens s'exercent dans les conditions déterminées par le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale. Ce contrôle peut être également opéré sur la gestion du président de l’Assemblée nationale. Selon l’article 84 de la Constitution, le président de l'Assemblée nationale doit rendre compte à l'Assemblée de sa gestion et de ses activités et lui fournir toutes explications qui lui seront demandées. Tout député peut lui adresser des questions écrites ou orales sur ses activités et sa gestion. L'Assemblée nationale peut constituer une commission d'enquête chargée de lui faire un rapport circonstancié. « Aux termes de ce rapport, l'Assemblée nationale peut demander la démission de son président à la majorité des deux tiers de ses membres. Si un quorum est atteint, le président de l'Assemblée nationale est automatiquement démis de ses fonctions, tout en conservant son titre de député. L'Assemblée nationale procède dans un délai de quinze jours à l'élection d'un nouveau président », indique le Constituant.
Présence aux sessions
Le Palais des gouverneurs est le principal lieu de travail du député. Ainsi, se présenter aux sessions est un impératif pour tout député. Ce n’est pas anodin si le Constituant édicte que les séances de l'Assemblée, sauf cas de force majeure dûment constaté par la Cour constitutionnelle, ne sont valables que si elles se déroulent au lieu ordinaire de ses sessions, notamment au Palais des gouverneurs à Porto-Novo. Et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale prévoit les dispositions pratiques pour faciliter la présence des députés aux sessions. Par an, l’Assemblée nationale tient, de plein droit, deux sessions ordinaires. « La première session s'ouvre dans le cours de la première quinzaine du mois d'avril. La deuxième session s'ouvre dans le cours de la seconde quinzaine du mois d'octobre. Chacune des sessions ne peut excéder trois mois », précise l’article 87 de la Constitution. Toutefois, à la demande du président de la République ou à la majorité des députés tel que prévu par l’article 88 de la Loi fondamentale, l'Assemblée nationale peut être convoquée en session extraordinaire par son président, sur un ordre du jour déterminé. La durée d'une session extraordinaire ne peut excéder quinze jours et l'Assemblée nationale se sépare sitôt l'ordre du jour épuisé. Mais pour qu’elle siège, l’Assemblée nationale doit être réunie à la majorité absolue de ses membres. Le constituant nuance : « Si, à l'ouverture d'une session, le quorum de la moitié plus un des membres composant l'Assemblée nationale n'est pas atteint, la séance est renvoyée au troisième jour qui suit. Les délibérations sont alors valables, quel que soit le quorum ». Le compte rendu intégral des débats de l'Assemblée nationale est publié au Journal Officiel.
Privilégié mais pas intouchable
Après les indemnités parlementaires fixées par la loi, le régime de l’immunité est l’un des grands privilèges d’un député. En période de session parlementaire, il faut l’accord de toute l’Assemblée pour poursuivre ou arrêter un député. Et même hors session, il faut l’accord du bureau de l’Assemblée nationale. A ce sujet, l’article 90 de la Constitution édicte : « Les membres de l'Assemblée nationale jouissent de l'immunité parlementaire. En conséquence, aucun député ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions ». Le même article stipule qu’aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de l'Assemblée nationale, sauf les cas de flagrant délit. En outre, aucun député ne peut, hors session, être arrêté qu'avec l'autorisation du Bureau de l'Assemblée nationale, sauf les cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive. Il en ressort que le député, outre les cas où il est pris en pleine infraction, ne peut être poursuivi sans accord préalable de ses pairs. Mieux, le caractère péremptoire de l’autorisation du Parlement est renforcé par le dernier alinéa de l’article 90 qui prévoit que la détention ou la poursuite d'un député peut être suspendue si l'Assemblée nationale le requiert par un vote à la majorité des deux tiers. Toutes choses qui pourraient laisser croire à une superpuissance du député. Mais tel n’est pas le cas. Pris en flagrant délit, le député doit répondre de ses actes. Et même dans les cas où l’autorisation du Parlement est requise, la lutte contre l’impunité au Bénin est un facteur qui peut lever des obstacles que l’on pourrait penser insurmontables. Aux députés de la neuvième législature : probité, prudence et patriotisme pour une mandature d’impact !