La Nation Bénin...
Du
patrimoine culturel à la sécurité dans un contexte de lutte contre le
terrorisme, en passant par la jeunesse, l’environnement et la transition
énergétique, la coopération entre la France et le Bénin se décline sur
plusieurs fronts et se réclame au service du développement partagé. Nadège
Chouat, ambassadrice de France au Bénin, expose les grands chantiers de la
coopération entre les deux pays, en dévoile les priorités et les avancées dans
cet entretien exclusif.
La Nation : Quel regard portez-vous sur le Bénin depuis votre prise de fonction ?
L’ambassadrice
Nadège Chouat: Le Bénin est aujourd’hui un pays stable, en plein développement,
tant sur le plan économique que social, et ce dans toute la sous-région. Je
n'avais donc aucune appréhension avant de venir. Ma première visite remonte à
2004, il y a déjà 21 ans. À l'époque, je participais à une réunion des ministres
de l’Économie et des Finances de la zone franc, dans le cadre de mes fonctions
au ministère français des Affaires étrangères. J’en avais profité pour rester
quelques jours de plus, à titre personnel, afin de découvrir Ouidah et la Route
des pêches. Étant auparavant en poste en Haïti, je tenais à explorer ce lien
historique et culturel profond entre Haïti, les Caraïbes, les Amériques et le
Bénin. Je me souviens qu'à l’époque, il n'y avait pas beaucoup
d’infrastructures routières. Le trajet entre Cotonou et Ouidah avait duré plus
de trois heures. Lorsque je suis revenue en 2022, en accompagnant le président
Emmanuel Macron lors de sa visite, j’ai été frappée par les transformations de
Cotonou : je ne reconnaissais presque plus la ville.
Depuis ma remise de lettres de créance en novembre 2024, j’ai eu l’occasion de visiter un peu le pays. Je suis allée à Parakou, Djougou, Natitingou, Porto-Novo, Grand-Popo, Ouidah… Et il me reste encore plein de lieux à découvrir. Ce qui me marque le plus, c’est le dynamisme du Bénin et son immense potentiel, notamment en matière agricole, que l’on perçoit très nettement en dehors de Cotonou. Cela confirme l’élan de développement économique que j’avais perçu.
Quels souvenirs gardez-vous de vos premiers jours en tant qu’ambassadrice ?
Le
moment le plus marquant pour tout ambassadeur, c’est la remise de ses lettres
de créance. Pour moi, cela s’est fait le 14 novembre 2024 auprès du président
Patrice Talon. C’est un moment solennel, symbolique, qui marque le début officiel
de la mission. Il est chargé d’émotion et de fierté.
Quels sont aujourd’hui les grands axes de la coopération bilatérale entre la France et le Bénin ?
La
coopération franco-béninoise a pris un nouvel essor depuis la restitution, en
novembre 2021, des 26 œuvres du Trésor royal d’Abomey. Ce geste a permis de
renforcer la relation politique, économique et culturelle entre nos deux pays.
La visite du président Macron en juillet 2022 à Cotonou a permis de formaliser
cette dynamique, avec la signature d’une feuille de route priorisant deux
secteurs : la formation professionnelle et la culture. Ces deux domaines
concentrent aujourd’hui l’essentiel de nos moyens d’action et de financement,
en réponse à la demande des autorités béninoises. Nous intervenons également
dans d’autres secteurs comme l’énergie et l’entrepreneuriat.
Dans
le domaine de la formation professionnelle, nous travaillons étroitement avec
Sèmè City, les universités publiques, la Société civile et la Chambre des
métiers de l’artisanat. Un exemple : le 13 mai dernier, nous avons remis des
attestations à plus de 300 jeunes artisans (hommes et femmes) formés dans sept
métiers prioritaires, dont la mécanique automobile et la couture. Ce projet est
mené avec l’appui de la Chambre des métiers et de l’artisanat de France.
Dans
le secteur des infrastructures, je peux citer le Centre hospitalier
international d’Abomey-Calavi (Chic), un hôpital de référence avec plus de 400
lits. Le chantier est piloté par le groupe français Bouygues Bâtiments International.
L’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP International) accompagne
l’ouverture de l’établissement.
Dans
le domaine culturel, la France intervient dans la construction et la
structuration de deux des quatre musées nationaux du Bénin. Il s’agit du Musée
des Rois et des Amazones du Dahomey (Murad), qui accueillera les trésors royaux
d’Abomey, et du Musée d’art contemporain de Cotonou, situé dans le futur
Quartier Culturel et Créatif (Qcc).
L’Agence française de Développement (Afd) finance ces projets et mobilise, aux côtés de l’Anpt, une expertise technique française, notamment à travers Expertise France. Car construire un musée, c’est une chose ; mais lui donner vie, former les équipes, structurer l’offre culturelle, c’est aussi important. Nous intervenons également dans d’autres régions comme à Porto-Novo. Par exemple, l’Afd a financé un projet de développement urbain, incluant la réhabilitation du quartier Vaudoun et l’aménagement de la lagune, en étroite collaboration avec la municipalité et les populations.
Le développement de la coopération autour du musée s’inscrit dans le contexte de la restitution des biens culturels. D’autres restitutions sont-elles envisagées ?
Cette
question revient davantage aux autorités béninoises, car c’est à elles de
formuler les demandes de restitution. C’est ce que le Bénin avait fait dès
2016, en réclamant les objets du trésor royal d’Abomey. À l’époque, la réponse
de la France avait été négative : la législation française ne permettait pas de
restituer des biens classés patrimoine national.
Mais en 2017, avec l’élection du président Emmanuel Macron, les choses ont évolué. Lors de son discours à Ouagadougou, il s’est engagé à ce que des restitutions soient possibles. Un rapport a alors été confié à l’économiste sénégalais Felwine Sarr et à l’historienne de l’art française Bénédicte Savoy. Ce rapport a servi de base à une nouvelle approche. Sur cette base, la France a décidé de restituer les 26 pièces du trésor royal d’Abomey. D’autres demandes peuvent être examinées si elles sont formulées, selon des critères bien définis.
Certaines voix, y compris en Afrique, estimaient que les pays comme le Bénin n’étaient peut-être pas prêts à recevoir ces œuvres restituées. Ces craintes étaient-elles fondées?
Il
est vrai que cette polémique n’était pas seulement en France. J’ai rencontré
des Africains qui disaient préférer que ces objets restent conservés en Europe,
dans de bonnes conditions. Ces inquiétudes ont existé. Mais l’histoire nous a
montré qu’il faut avancer. Aujourd’hui, la dynamique est enclenchée. La France
a pris un rôle de leadership, suivie par d’autres pays européens comme
l’Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni. Ce mouvement est, je pense,
irréversible. Et l’engouement du public béninois lors de l’exposition à la
Marina en 2022 en témoigne. Cette exposition, qui associait patrimoine
historique et art contemporain, a rencontré le même succès ensuite en
Martinique, au Maroc et à Paris. C’est bien la preuve que cette restitution
permet au public, quel que soit le pays, de se réapproprier une partie de
l’Histoire.
Passons à un autre volet de coopération: l’énergie. En quoi consiste le soutien de la France au Bénin dans la transition énergétique ?
L’Agence française de Développement (Afd) est très active dans ce domaine. Elle intervient souvent aux côtés de l’Union européenne pour promouvoir les énergies renouvelables au Bénin. Un exemple concret : l’Afd a financé la construction et l’extension de la première grande centrale solaire du pays. D’une capacité de 500 mégawatts-crête, elle comptera parmi les plus importantes d’Afrique de l’Ouest. Elle couvrira à elle seule environ 10 % des besoins annuels en électricité du Bénin. C’est une contribution significative à l’offre énergétique du pays. Nous avons aussi des entreprises françaises impliquées. Je pense à Eiffage Rmt, qui construit la centrale solaire de Pobè, ou encore à Engie Energy Access, qui a récemment inauguré des projets dans la région de Bohicon. Nous sommes donc très engagés aux côtés du Bénin pour sa transition énergétique.
La jeunesse béninoise est-elle au cœur de la coopération franco-béninoise ?
Absolument.
Tout ce que nous entreprenons a in fine la jeunesse comme bénéficiaire. Le
Bénin, comme l’ensemble du continent africain, connaît une forte croissance
démographique. Tous les projets de développement que nous soutenons
s’inscrivent dans le long terme et doivent répondre aux besoins des jeunes
générations. Prenons un exemple simple : une infrastructure peut prendre dix
ans à se réaliser. Entre le début et la fin d’un projet, un enfant de 10 ans
devient un jeune adulte. Il faut donc anticiper pour répondre à leurs attentes
futures.
Nous avons aussi des projets très ciblés, comme dans le sport. Nous avons soutenu un premier projet dédié au sport féminin. Actuellement, nous déployons un programme intitulé "Vivre ensemble par le sport" dans le nord du pays. Il vise à favoriser la cohésion sociale à travers des disciplines comme le handball, le volley, le roller, le basket ou les sports urbains. Je garde un souvenir marquant de l’inauguration d’un terrain de basket à Parakou en décembre dernier, en partenariat avec l’association Enfants du Bénin debout. L’enthousiasme des jeunes était incroyable, surtout dans un quartier populaire. Nous travaillons également à intégrer davantage les jeunes béninois dès la phase de conception des projets. Il est essentiel de les écouter pour s’assurer que les actions entreprises correspondent à leurs besoins.
Le soutien à l’entrepreneuriat fait-il aussi partie de cette dynamique ?
Oui, c’est une priorité. Le Bénin se distingue par une forte volonté d’entreprendre, notamment chez les jeunes. Nous accompagnons cette dynamique à travers des programmes d’appui à l’entrepreneuriat. Ces projets permettent de renforcer les capacités, d’apporter un soutien financier et d’aider les jeunes à structurer leurs idées pour en faire des entreprises viables.
Quelles sont les initiatives de votre ambassade pour favoriser les échanges entre jeunes Béninois et jeunes Français ?
Le
Bénin attire de plus en plus de jeunes Français. Beaucoup viennent dans le
cadre de stages ou de volontariat. En ce moment, par exemple, nous accueillons
à l’ambassade une stagiaire de l’Insp, l’ex-Ena. Nous avons aussi un programme avec
France Volontaires, qui permet à de nombreux jeunes Français d’intervenir sur
tout le territoire béninois, que ce soit dans des associations ou des
collectivités locales, à Parakou, Djougou, Grand-Popo, Ouidah, Cotonou…
Mais
nous tenons aussi à ce que ces échanges soient réciproques. Le programme de
volontariat de réciprocité porté par France Volontaires au Bénin permet à de
jeunes Béninois d’aller en France. Le Bénin est d’ailleurs le premier pays
d’Afrique en nombre de jeunes envoyés chaque année, soit environ 50 volontaires
pour des séjours de 9 à 12 mois, parfois plus. Le 10 juin prochain,
j’organiserai à la résidence une rencontre avec des jeunes volontaires béninois
qui reviennent de France, afin de partager leurs expériences. C’est souvent une
aventure très transformatrice pour eux.
Nous soutenons également la coopération décentralisée, par exemple entre la ville d’Orléans et Parakou. Lors de ma visite à Parakou, j’ai rencontré une jeune Française en service civique dans la municipalité, dans le cadre de ce jumelage. Enfin, nous accompagnons la mobilité étudiante. Aujourd’hui, environ 5 000 étudiants béninois poursuivent leurs études en France. Via Campus France, nous recevons un nombre croissant de demandes, ce qui nous amène à être de plus en plus exigeants sur la qualité des projets d’études, afin de garantir la réussite de ces jeunes.
Quelle attention portez-vous aux jeunes filles béninoises ?
Le sport, je l’ai dit, fait partie intégrante de notre coopération bilatérale, et cela inclut bien évidemment la promotion du sport féminin. Dans nos projets actuellement déployés dans le nord du Bénin, cet aspect occupe une place importante. Sur tous les projets que nous menons, l’égalité femmes-hommes est une exigence fondamentale. Dans certains cas, nous favorisons même explicitement les critères liés au genre. Le message que je souhaite partager ne s’adresse pas uniquement aux jeunes filles béninoises, mais à toutes les jeunes filles du monde entier : béninoises, africaines, françaises... Dans un monde de plus en plus instable, marqué par une concurrence économique accrue et des tensions géopolitiques, j’ai trois mots pour elles : confiance, audace, courage. Confiance en soi d’abord, ne jamais douter de sa valeur. Ensuite, oser : ouvrir les portes, forcer le destin, entreprendre. Car les femmes, nous le voyons souvent, sont les artisanes de la paix dans les conflits. Elles doivent pleinement occuper leur place dans la société. Trop souvent, elles ont les compétences, mais n’osent pas. Il faut y aller, se lancer. Et en cela, le Bénin me semble être un modèle. D’un point de vue juridique, des avancées majeures ont été réalisées. En janvier dernier, lors de la conférence des ambassadeurs à Paris, j’ai eu à présenter le Bénin comme un exemple de diplomatie féministe. Les lois adoptées en 2021 sont courageuses et placent le pays à l’avant-garde dans la région. Donc, à toutes les jeunes filles béninoises, croyez en vous et engagez-vous pleinement ! Vous êtes dans un pays qui défend vos droits. Profitez-en, foncez !
Comment la France intègre-t-elle les enjeux environnementaux dans ses projets au Bénin ?
Sur
tous les projets d’infrastructures que nous finançons, nous nous assurons
qu’ils respectent les normes environnementales et sociales internationales.
Chaque projet est systématiquement validé par l’Agence béninoise de
l’Environnement. Plus concrètement, dans des villes comme Porto-Novo, Bohicon,
Cotonou ou Sèmè-Podji, nous accompagnons les autorités municipales dans leur
lutte contre les inondations et dans leur adaptation au changement climatique.
Nous finançons également des projets spécifiques pour renforcer leur
résilience. Dans les zones cotonnières du centre et du nord, 17 000
exploitations agricoles familiales sont accompagnées vers des pratiques
agroécologiques, respectueuses de l’environnement, et qui améliorent leurs
rendements.
Par ailleurs, la France accueillera à Nice, du 9 au 13 juin, la 3e Conférence des Nations Unies sur l’océan, un moment diplomatique fort. L’objectif est d’aboutir à un traité international pour une gouvernance globale de la haute mer et la protection de la biodiversité marine. On espère la ratification par une soixantaine de pays. Car la pollution plastique dans les océans freine le développement durable mondial. Tout est lié, tout est interconnecté.
Quels sont les leviers actuels de la diplomatie économique française au Bénin ?
Nous
comptons aujourd’hui une cinquantaine d’entreprises françaises installées au
Bénin, générant environ 8 000 emplois directs. Mais nous voulons aller plus
loin. Ce que nous privilégions, ce sont les entreprises françaises qui
investissent localement, qui créent de l’emploi, forment les jeunes et
s’inscrivent dans les priorités stratégiques définies par les autorités
béninoises. Nous encourageons également les entrepreneurs issus de la diaspora.
La France est le pays d’Europe qui compte la plus forte proportion de citoyens
d’origine africaine. De plus en plus de jeunes Français issus de parents ou
grands-parents africains souhaitent investir sur le continent. C’est d’ailleurs
le cas au Bénin. Nous les accompagnons avec des programmes et initiatives comme
Pass Africa, Meet Africa ou Choose Africa. Choose Africa 1 a permis
d’accompagner 40 000 entreprises en Afrique avec un financement global de 3,5
milliards d’euros. Aujourd’hui, le Bénin bénéficie de l’initiative Choose
Africa. Il s’agit d’un prêt de 30 millions d’euros destiné à soutenir les Pme
béninoises, via des lignes de crédit gérées par la Caisse des dépôts et de
consignation et l’Adpme (Agence de promotion des petites et moyennes
entreprises). Autre projet important, DiasDev, qui vise à réduire le coût des
transferts financiers pour les membres de la diaspora souhaitant investir dans
des projets de développement. Nous soutenons aussi les entrepreneurs du
numérique via le programme Digital Africa, qui appuie les innovations
technologiques à fort impact sur les plans technique, financier et
institutionnel.
Enfin, des acteurs majeurs comme Business France, la Bpi (Banque publique d’investissement) et le Medef organisent régulièrement des missions au Bénin. Nous faisons en sorte d’attirer les investisseurs français dans des secteurs porteurs. Un bon exemple est celui de la filière avicole, en plein essor, que nous aidons à structurer avec des entreprises françaises spécialisées. Voilà notre approche: une diplomatie économique au service du co-développement, de l’emploi local et de la création de valeur partagée.
La Zone industrielle de Glo-Djigbé (Gdiz) fait aujourd’hui la fierté du Bénin. Vous l’avez visitée, quelles ont été vos impressions?
J’ai été impressionnée. J’ai visité le site avec mon collègue Stéphane Mund, ambassadeur de l’Union européenne. Nous sommes arrivés au Bénin à peu près au même moment et nous essayons de mener des actions ensemble, dans l’esprit de la « Team Europe ». L’envergure du projet est frappante. Le grand défi, cependant, c’est qu’il n’y a actuellement ni entreprises françaises, ni entreprises européennes implantées dans la zone. C’est donc l’un de nos objectifs. Convaincre les investisseurs européens et français d’y aller. Nous intensifions nos efforts dans ce sens. Notre conseiller économique travaille en lien direct avec l’APIEx (Agence de promotion des investissments), pour identifier les freins, comprendre pourquoi les entreprises hésitent, et déterminer ce qu’il faut faire, de part et d’autre, pour changer cela. Nous avons bon espoir.
Qu’en est-il aujourd’hui de la coopération militaire entre la France et le Bénin ?
La
France a profondément reconfiguré sa présence militaire en Afrique, notamment
avec la fermeture de ses bases au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon et au
Tchad. Mais nous restons engagés. Simplement, nous avons changé de méthode,
tiré les leçons du Sahel. Nous ne sommes plus là pour faire « à la place de ».
La sécurité est une question de souveraineté. Toutefois, nous continuons à
soutenir les États qui en font la demande, dans la lutte contre le terrorisme
notamment, et le Bénin en fait partie.
Au
Bénin, il n’y a jamais eu de base militaire française, donc la question ne se
pose pas dans les mêmes termes. Aujourd’hui, notre coopération se structure
autour de deux axes : coopération opérationnelle et structurelle. Sur le plan
opérationnel, nous appuyons la formation, par exemple au déminage et
fournissons des équipements. En décembre 2024, j’ai participé, aux côtés du
ministre délégué à la Défense nationale, à la remise de 15 véhicules blindés.
Quinze autres avaient été livrés en septembre. Et à la demande des autorités
béninoises, nous avons récemment étendu cette coopération à la formation au
combat d’unités opérationnelles engagées contre le terrorisme. Sur le plan
structurel, nous soutenons deux écoles nationales à vocation régionale. La
première, le Cpadd (Centre de perfectionnement aux actions post conflictuelles
de déminage et de dépollution), qui est à Ouidah. Il forme des militaires venus
de toute l’Afrique à des techniques de déminage, de dépollution, dans un cadre
civil, militaire et humanitaire. Cette formation est précieuse face aux menaces
des engins explosifs improvisés (Ied) dans les zones touchées par le
terrorisme.
La seconde, plus récente, est l’Académie logistique (Alo), également à Ouidah. Elle formera des mécaniciens militaires, car la logistique est essentielle. Savoir entretenir un véhicule blindé ou réparer une arme, c’est stratégique. Enfin, nous offrons aussi la possibilité à des jeunes Béninois d’intégrer des lycées militaires d’excellence en France. Ils y réussissent d’ailleurs brillamment. Lors de ma visite au Prytanée militaire de Natitingou, j’ai vu l’engagement des jeunes filles. Certaines intégreront probablement ces écoles. C’est aussi une manière de former une élite, hommes et femmes, appelée à contribuer à la défense nationale.
Des critiques émergent parfois sur la qualité ou l’adéquation des équipements militaires livrés par la France. Qu’en dites-vous ?
Je
tiens à être très claire. Tout équipement fourni est d’abord demandé par les
autorités béninoises. Nous ne livrons rien sans validation ni dialogue
préalable. Les 30 véhicules blindés remis en 2024 l’ont été en réponse à une
demande spécifique, établie en amont avec nos partenaires béninois. J’entends
certaines critiques, peut-être faites-vous référence à des équipements que nous
avons fournis sur financement européen ? Mais il faut comprendre que le
matériel militaire a une longévité très différente du matériel civil. Un
véhicule civil est amorti en dix ans ; un véhicule militaire, c’est souvent 50
ou 60 ans. L’important est que les équipements soient opérationnels car
complètement rénovés, notamment au niveau du moteur. Il ne faut donc pas se
fier aux apparences. Nous veillons à ce que le matériel livré réponde aux
besoins et aux spécificités du terrain.
Y a-t-il des sujets qui fâchent entre la France et le Bénin ?
Ce que je constate, c’est qu’aujourd’hui, sous l’impulsion des deux présidents, la relation bilatérale est bonne, franche, directe, construite sur la confiance et sur un pied d’égalité. Il n’y a pas de sujet tabou. Nous échangeons également avec la jeunesse. La France a d’ailleurs fait un effort d’introspection, lors du sommet Afrique-France de Montpellier en 2021. Ce sommet, sans chefs d’État, a donné la parole aux jeunes Africains. Il y a une volonté réelle de repenser notre relation avec l’Afrique, en reconnaissant nos liens historiques, avec leurs grandeurs et leurs blessures. Pour autant, je ne suis pas naïve. Il existe un narratif anti-France, notamment dans les pays sahéliens, qui se diffuse rapidement sur les réseaux sociaux, parfois amplifié par des puissances extérieures. Mais au Bénin, ce discours est beaucoup moins présent. Ici, je sens une relation apaisée et le Bénin défend ses intérêts, et la France défend les siens. Et dans bien des cas, ces intérêts convergent, comme dans les domaines de la culture ou de la formation. Lorsqu’ils divergent, il faut se parler, franchement, sans faux-semblants.
Quels sont les chiffres clés de l'engagement français au Bénin?
Actuellement, l’Afd gère un portefeuille de 853 millions d’euros de financements répartis sur 41 projets et 42 initiatives de la société civile. Les trois principaux domaines d’intervention sont la culture (15 %), la formation professionnelle (23 %) et l’énergie (23 %). Ce sont là les piliers de notre partenariat actuel, que nous voulons concret, structurant et durable.