La Nation Bénin...

Le Parlement a levé, tour à tour, ce mardi 24 juillet, l’immunité parlementaire des députés Idrissou Bako, Valentin Djènontin et Mohamed Atao Taofick Hinnouho pour les mettre à la disposition de la justice qui les réclame pour la manifestation de la vérité dans les dossiers dans lesquels ils sont cités.
Les députés Idrissou Bako, Valentin Djènontin et Mohamed Taofick Hinnouho alias Atao ont perdu leur immunité parlementaire. La décision a été prise, ce mardi 24 juillet, par leurs collègues qui ont acté, tour à tour, leur mise à la disposition de la justice qui veut les écouter par rapport à certains soupçons qui pèsent sur eux.
L’immunité d’Idrissou Bako a été levée par 59 voix pour, 18 contre et 01 abstention ; celles de Valentin Djénontin par 58 voix pour, 18 contre et 00 abstention et de Mohamed Taofick Hinnouho par 60 voix pour, 17 contre et 01 abstention. Les trois députés, à l’exception de Mohamed Taofick Hinnouho déjà en prison, sont désormais livrés à la justice.
Idrissou Bako est poursuivi pour les infractions présumées de corruption, d’abus de pouvoir, d’enrichissement illicite et de blanchiment de capitaux, faits prévus et punis par les articles 41 alinéas 1 et 2 ; 53 et 55 alinéa 2 de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin et l'article 37 de la loi n°2006-14 du 3 octobre 2006 portant lutte contre le blanchiment de capitaux en République du Bénin.
Quant à Valentin Djénontin, il est attendu devant la justice pour répondre des infractions présumées de détournement, de corruption, d’abus de pouvoir et de fonction, de délit d’initié, lesquelles infractions sont prévues et punies par la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin en ses dispositions 45 à 49 et suivants, 53 et 57, 107 et suivants.
Idrissou Bako et Valentin Djénontin sont tous deux poursuivis dans le dossier de gestion de la filière et des intrants coton pour les campagnes cotonnières de 2013 à 2016. Le premier a été à un moment donné directeur général de la Société nationale de promotion agricole (Sonapra) et le second, président de la commission interministérielle chargée de la gestion de la filière coton, cumulativement avec ses fonctions de ministre chargé de la Justice, au moment des faits querellés. Les deux mis en cause désormais sans immunité peuvent être écoutés par la justice pour la manifestation de la vérité.
Pour ce qui concerne Mohamed Atao Taofick Hinnouho actuellement en prison dans une procédure de flagrant délit, son immunité a été levée pour les infractions d’exercice illégal en pharmacie, vente de médicaments falsifiés et offre de fournitures. Il pourra se justifier devant la justice.
Me Séverin Quenum clarifie
Les trois demandes de levées d’immunité parlementaire ont été formulées par le parquet général près la Cour d’appel de Cotonou par le biais du ministre chargé de la Justice qui a saisi en février dernier le Parlement. A la suite de cette saisine, l’Assemblée nationale a mis sur pied une commission parlementaire spéciale, conformément à la procédure en la matière. Cette commission présidée par le deuxième président de l’Assemblée nationale, Robert Gbian, a écouté les mis en cause et a déposé son rapport. Lequel rapport a reçu l’avis de la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale vendredi 20 juillet dernier. La plénière des députés a statué, hier, sur les conclusions du rapport de la commission spéciale. Elle a décidé de livrer les trois mis en cause, même si la commission spéciale dit n’avoir trouvé aucune charge contre ces derniers. Elle dit s’en remettre à la décision de la plénière, faute de consensus s’il faut lever ou non l'immunité des trois députés. Comme au sein de la commission spéciale, les avis étaient partagés, hier, à l’hémicycle. Il y a eu d’un côté les députés du Bloc de la majorité parlementaire qui soutiennent la levée de l’immunité parlementaire. Car, l’Assemblée nationale ne saurait faire obstruction à la justice qui réclame les trois députés pour les écouter chacun, soulignent-ils. Selon eux, il ne revient pas à l’Assemblée nationale d’empêcher la manifestation de la vérité. Le Parlement n’est pas un tribunal qui juge. Il faut permettre aux trois mis en cause, si tant est qu’ils ne se reprochent rien, d’aller laver leur honneur. A ce sujet, Rachidi Gbadamassi a pris son propre exemple pour montrer qu’il a affronté la justice pendant plusieurs années mais il s’en est sorti blanchi. D’autres exemples sont cités dont celui de l’ancien ministre Alain Adihou dont le Parlement a autorisé la poursuite devant la Haute cour de Justice mais qui a été mis hors de cause par la justice au finish. Mieux, la levée de l’immunité parlementaire des intéressés ne veut pas dire qu’ils sont coupables ou perdent leur titre de député. C’est juste pour donner carte blanche au juge de fond de les écouter pour faire jaillir la vérité dans les différentes affaires pendantes et les concernant.
Mais cette assurance des députés du Bmp n’est pas partagée par les leurs collègues de la minorité. Ceux-ci crient à un dossier politique monté de toutes pièces sur fond de vengeance. Idrissou Bako et Valentin Djènontin ont clamé tous deux leur innocence comme l’a mentionné le rapport de la commission spéciale. Ils estiment que leur malheur est la conséquence de leur vote, le 4 avril 2017, contre la prise en considération du projet de révision de la Constitution transmis au Parlement par le chef de l’Etat. La traque politique a été réactivée surtout contre lui, précise Valentin Djènontin, après son élection comme secrétaire exécutif national des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), parti de l’Opposition, et son vote défavorable, le 5 juillet dernier, contre la proposition d’amendement de la Constitution du 11 décembre 1990 par voie parlementaire. Sinon, poursuit le député de la 24e circonscription électorale, il ne voit pas ce qui lui est reproché dans ce dossier. Valentin Djènontin dit n’avoir pas été écouté par la commission qui a audité la gestion de la filière coton sur une période où il n’a fait qu’un an et demi. Il n’a été président de cette commission interministérielle que lors des campagnes 2014-2015 et 2015-2016 où il a géré la moitié, puisqu’il a été élu député à l’Assemblée nationale en mai 2015. Il accuse les auditeurs de ne l’avoir pas écouté au nom du principe du contradictoire. Mieux, ce rapport d’audit n’a pas été versé au dossier transmis au Parlement pour permettre à l’Assemblée nationale d’en prendre connaissance et de faire sa propre religion. Au regard de tout ceci, Idrissou Bako, Valentin Djénontin, Guy Mitokpè, Nourénou Atchadé, Basile Ahossi et Garba Yaya dénoncent un certain « acharnement du pouvoir contre la minorité parlementaire ». Cette affirmation de l’Opposition a été balayée du revers de la main par le ministre chargé de la Justice, Me Séverin Quenum. Selon lui, les trois dossiers de demande de levées d’immunité parlementaire émanent de la justice et non du gouvernement qui tient à la séparation des pouvoirs. Le sort des trois députés est désormais dans les mains de la justice qui a réclamé leur comparution.