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Alougbine Dine: « Les jeunes comédiens ont une écoute fabuleuse… »

Culture
Alougbine Dine Alougbine Dine

Que vient faire un metteur en scène comme vous sur le Championnat national scolaire? 

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 26 juin 2025 à 08h42 Durée 3 min.
#Championnat national scolaire #Alougbine Dine

A l'Ecole internationale du théâtre du Bénin, nous avons été invités à réaliser le spectacle d'ouverture du Championnat national scolaire. Ce spectacle, nous l'avons écrit à la demande du ministère des Sports. Il célèbre le sport depuis les années révolutionnaires jusqu'à nos jours. C'est à dessein que nous partons de ce moment-là parce que, disons-le, c'était quand même un moment fast par rapport au sport et à la culture. Nous passons par la période dite démocratique mais qui a bafoué littéralement tout dans ce secteur avant d'atterrir aujourd'hui à la période de la Rupture qui revient, pas avec la coopérative scolaire mais avec les classes sportives et les classes culturelles.

Et donc, c’est ce parcours que retrace votre spectacle !

Nous avons voulu célébrer ces différentes périodes en racontant cette histoire. Pourquoi ? Parce que c'est une mémoire que les enfants doivent garder. Ils ont besoin de savoir ce qui s'est passé avant eux. Qu'ils le sachent pour mieux apprécier la qualité de ce qu'ils vivent aujourd'hui à travers les classes sportives, à travers les classes culturelles. C'est ce que nous avons essayé de faire en 45 minutes d'horloge en guise de spectacle d'ouverture des championnats scolaires.

Quelle est la trame du spectacle?

Nous avons raconté l'histoire d'une jeune fille de 15 ans, Falola, qui a commencé d’abord par être championne en athlétisme pendant la Révolution. Ce qui a guidé aussi sa carrière. Parce que étant championne, quand elle a eu le bac, elle est allée faire une école de sport, l’Institut national de l’éducation physique et du sport (Injeps). Elle est devenue par la suite, professeure de sport pendant la période démocratique. Elle a enfin évolué jusqu'à atterrir à la période de la Rupture, où elle est à la veille de sa retraite, parce qu'elle a 61 ans. À travers elle et son parcours, nous avons essayé de tisser tout ce qui a été nos bonheurs et aussi nos tristesses par rapport à la vie du sport. 

Parlez-nous du casting du spectacle.

Pour le casting, nous avons lancé la sélection des 45 danseurs, puis celle des comédiens en piochant un peu dans le rang de ceux qui sont sous nos mains tous les jours. Mais en veillant à ce que les quelques comédiens que nous connaissons dans la zone de Lokossa puissent être forcément dans le casting. Nous sommes venus aussi faire le casting ici, par rapport à la musique Gogohoun pour sélectionner les chanteurs et quelques jeunes qui font cette danse-là. Le choix de la fanfare dans le spectacle s’est porté aussi sur un groupe de la place, plutôt qu'une fanfare de Cotonou. Ainsi de suite. Nous avons largement joué sur la proximité pour donner des chances aux plus jeunes aussi.

Pourquoi avoir tant misé sur la proximité ?

Nous avons voulu faire la part belle aux talents locaux en les invitant à participer à ce spectacle et ils le font parfaitement bien.

Vous n’êtes certainement pas seul sur la mise en scène, au regard de l’envergure du spectacle.

J'ai écrit le texte et je le mets en scène avec des gens qui m'assistent, des techniciens, des acteurs qui sont passés par l'école, comme ceux qui ne sont pas passés par l'Ecole internationale du théâtre du Bénin, et comme nous avons la chance que quelqu'un que l'école a fait envoyer sur une formation de directeur technique est en vacances, nous l'avons associé. Je vais faire venir les anciens de l'école pour qu'on puisse faire ce travail ensemble. C’est collaboratif et bénéfique.

Ce genre de spectacle est devenu désormais votre marque de fabrique, pourrait-on dire, puisque vous le faites un peu partout sur le continent.

Écoutez, je l'ai appris pendant la révolution. D'abord avec le maître incontournable qui est Lazare Houétin. Je l’ai assisté un jour, quand nous avions animé un stage pour les instituteurs de l'ecole normale à l'époque. Un stage qui les initie à l'animation culturelle dans les lycées et collèges. C’est un spectacle qui a abouti à un grand spectacle de rue, un spectacle de masse, parce qu'ils étaient quand même nombreux, ces instituteurs-là et tous devaient être déployés dans tout le pays. Donc c’est avec Lazare que je me suis fait la main dans ce domaine. Après j'ai continué avec les femmes révolutionnaires, les jeunes dans les quartiers, dans la ville de Cotonou ou de Porto-Novo. L'anecdote c'est que j'avais joué avec 600 femmes au collège Aupiais le 15 janvier 1977. C'est-à-dire que le 16 janvier j'étais devant l’ex-Mison avec un arsenal de projecteurs attendant les taxis qui reviennent de Lomé pour rejoindre Porto-Novo. Je n’étais pas encore arrivé à Porto-Novo avant que l'agression n'advienne. 

Cette expérience, vous la dupliquez un peu partout en Afrique. Parlez-nous en !

J'ai fait le spectacle de la Francophonie au Niger. J'ai aussi fait le spectacle de l'indépendance dans ce même pays avec 600 personnes sur scène. A Lomé, c'était 350 personnes que j'ai dirigées. A Porto-Novo, pour le Festival international Fip, nous avons réalisé les scènes grandeur nature pour quatre ouvertures successives avec 400, 350, 360 avec à la clé, un succès énorme. Enfin, la dernière fois, j'avais monté le spectacle déambulatoire du Festival des masques à Porto-Novo. Aujourd'hui c'est le tour de ce spectacle avec des jeunes, pour des jeunes qui inaugurent les championnats scolaires et universitaires.

La particularité de ce spectacle, c'est qu'il y a beaucoup de jeunes acteurs sur scène.

Effectivement, il y a beaucoup de jeunes acteurs sur scène. Des enfants surtout. Il y a beaucoup qui viennent des classes culturelles. Nous avons sélectionné soixante jeunes des classes culturelles et nous en avons même sept dessus qui flottent parce qu'ils ne veulent pas quitter. Nous avons fait une sorte d’audition pour les sélectionner.

Comment est-ce que vous appréciez le jeu d'acteurs, particulièrement de ces jeunes pousses ?

J'ai fait la remarque à mes comédiens. Ces jeunes-là retiennent les choses de façon fabuleuse. Ils ont l'écoute. Tu leur dis une chose, ils n’oublient pas. Ils le font en temps réel et au moment précis. Ils sont vraiment malléables et favorisent la bonne marche du travail.

Est-ce qu'on peut dire que vous êtes nostalgique de cette période révolutionnaire ?

Absolument. J'aime beaucoup cette période à cause de l'effervescence culturelle qu'il y avait. Je me dis, des choses comme ça, ça n'arrive qu'après un siècle. Je me mets contre ceux qui pensent que cette période n'a été que des choses mauvaises. Moi, je trouve que c'est pendant cette période-là, qu’il y a eu des chanteurs de tous les villages. Il y a eu des groupes de musique. Il y a eu des groupes de football. Les gens prenaient l'initiative de faire quelque chose de leur village, de faire entendre le nom de leur village à travers la culture, à travers le sport. Et c'est émouvant. C'étaient des moments uniques dans l'histoire de notre pays. Par rapport aux arts, par rapport à la culture, par rapport au sport.

Vous revenez incessamment dans le spectacle sur certaines réalisations du programme d'action du gouvernement dans le monde du sport. Vous n'avez pas l'impression d'être un peu laudateur ?

On peut le dire, mais je me plais dans ce griotisme, pour la simple raison que c'est de la réalité. Le sport et la culture ont été mis en errance pendant longtemps. Nous avons crié pendant des années sans être audibles. Ce que nous voyons aujourd'hui est bien précis, dans la mesure où ça va toucher le mal à la racine, parce que la racine, c'est la jeunesse. Si on va s'attaquer à la base avec la jeunesse, je crois que c'est là qu’on est en train vraiment de bâtir le succès de demain. Parce que, mine de rien, c'est ce que la révolution a fait. De tous les remous culturels de la révolution, on a vu les résultats des dizaines d'années après. Ce sont les classes culturelles du temps de la révolution qui ont produit des gens comme Tohon Stan, Angélique Kidjo et beaucoup de musiciens dont on ne parle pas, mais qui font des succès à travers le monde, sans oublier beaucoup d'autres artistes dans les autres disciplines. Donc, pour moi, c'est quelque chose de complètement positif. On ne peut qu'en parler avec joie.