La Nation Bénin...
Un
trésor culturel appartenant au roi Béhanzin aurait pu tomber dans on ne sait
quelle main il y a quelques jours, à l’occasion d’une vente privée à Paris.
Mais, alertées, les autorités béninoises ont accompli des diligences pour surseoir à l’opération.
Une
récade en bois du XIXe siècle appartenant au roi Béhanzin était prévue pour
être cédée dans un hôtel parisien à l’occasion d’une vente baptisée « Tribal
Exception ». Selon nos recoupements, la maison de vente Millon avait inscrit,
au titre de son catalogue à l’occasion, la cession de ce sceptre royal mis aux
enchères et dont le prix de réserve était de 8 000 euros. La récade réalisée en
bois dur, en forme de massue, sculptée d'une main fermée sur le foie d’un
ennemi vaincu était l’un des symboles de l’autorité du roi Béhanzin qui a régné
sur le royaume de Danhomey de 1890 à 1894. Selon la description du catalogue,
cet objet du patrimoine culturel du Bénin aurait été offert par le roi lui-même
aux troupes coloniales lors de sa reddition, le 15 janvier 1894 ». Il aurait
ensuite, selon des médias français, été acquis par voie successorale, et
appartiendrait aujourd'hui à un descendant d’Emmeran de Curzon, un officier de
l’infanterie de marine qui avait pris part à la campagne militaire française du
général Alfred Dodds contre le Danhomey.
«
La propriété de notre vendeur n'est toutefois pas remise en cause », précise le
cadre de la maison Millon. La vente prévue pour le 20 décembre dernier se fera
finalement sans le trésor de l’ancien Roi. Le gouvernement béninois, suite à
des alertes, s’est opposé à sa mise en cession.
Selon
Marie-Cécile Zinsou, présidente de la Fondation Zinsou, ce trésor fait partie
des nombreux objets royaux pillés et pour lesquels, une lutte de récupération
est engagée aujourd’hui. C’est d’ailleurs elle qui aurait, selon certains
témoignages, alerté les autorités béninoises. Lesquelles ont managé avec la
partie française, notamment le ministère en charge de la Culture, pour obtenir
de la maison Millon, son engagement à retirer la récade du catalogue de vente.
« Nous avons décidé de suspendre la vente pour ne pas nous engager dans un bras
de fer stérile », a expliqué un cadre de la maison Millon au Monde. La
suspension de la vente de cette pièce s'inscrit dans « une politique culturelle
et muséale cohérente », détaille le ministre Jean-Michel Abimbola, contacté par
certains médias.
«
Ce sceptre royal, qui représente l'âme du peuple béninois, doit à long terme
pouvoir intégrer la collection nationale béninoise », soutient-il.
«
Il est regrettable que cet acte de restitution, si pourtant appréciable, ne
soit pas de portée à nous donner entièrement satisfaction ». Sur le perron de
l’Elysée, alors qu’il venait de rencontrer son homologue français avec qui,
entre autres, il a eu des échanges sur les 26 trésors royaux du Bénin en route
pour revenir au pays, le président Patrice Talon ne s’était pas alors, empêché
d’exprimer son amertume.
«
Comment voulez-vous qu’à mon départ d’ici avec les 26 œuvres, mon enthousiasme
soit total pendant que le dieu Gou, œuvre emblématique représentant le dieu des
métaux et de la forge, la tablette du fâ, œuvre mythique de divination du
célèbre devin Guèdègbé, et beaucoup d’autres, continuent d’être retenus ici en
France, au grand dam de leurs ayants droit ? », s’est demandé le chef de
l’Etat. Il disait aussi garder espoir qu’à l’instar des œuvres en rapatriement
au pays, tous les autres biens finiront par l’être aussi. « L’espoir de leur
retour au pays est désormais permis », avait-il indiqué. Tout en congratulant «
franchement (la France Ndlr) pour ce tout premier épisode », il disait espérer
une suite.
Toute
l’histoire de cette restitution n’est d’ailleurs qu’espoir. Espoir renouvelé
malgré un premier refus de la France de restituer ces objets royaux. En juillet
2016, quatre mois à peine après son investiture, le nouveau président élu du
Bénin, Patrice Talon, formulait une demande de restitution à l’endroit de Paris
au sujet des biens culturels et artefacts royaux saisis lors du sac effectué
par les soldats français dans l’ex-royaume de Danhomey en 1892. Le ministère
des Affaires étrangères du gouvernement de François Hollande lui avait opposé
une fin de non-recevoir, au nom du principe dit "d’inaliénabilité des
collections nationales". Il a fallu attendre « le discours de Ouagadougou
» prononcé le 28 novembre 2017 à l'université Ki-Zerbo, à Ouagadougou, devant
800 étudiants par le président français Emmanuel Macron pour relancer le débat
sur le retour des biens culturels africains■