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Protection du patrimoine culturel: Le Bénin s’oppose à la vente d’une récade du roi Béhanzin

Culture
Le ministre en charge de la Culture Le ministre en charge de la Culture

Un trésor culturel appartenant au roi Béhanzin aurait pu tomber dans on ne sait quelle main il y a quelques jours, à l’occasion d’une vente privée à Paris. Mais, alertées, les autorités béninoises ont accompli des diligences pour  surseoir à l’opération.

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 27 déc. 2024 à 07h28 Durée 3 min.
#Protection du patrimoine culturel

Une récade en bois du XIXe siècle appartenant au roi Béhanzin était prévue pour être cédée dans un hôtel parisien à l’occasion d’une vente baptisée « Tribal Exception ». Selon nos recoupements, la maison de vente Millon avait inscrit, au titre de son catalogue à l’occasion, la cession de ce sceptre royal mis aux enchères et dont le prix de réserve était de 8 000 euros. La récade réalisée en bois dur, en forme de massue, sculptée d'une main fermée sur le foie d’un ennemi vaincu était l’un des symboles de l’autorité du roi Béhanzin qui a régné sur le royaume de Danhomey de 1890 à 1894. Selon la description du catalogue, cet objet du patrimoine culturel du Bénin aurait été offert par le roi lui-même aux troupes coloniales lors de sa reddition, le 15 janvier 1894 ». Il aurait ensuite, selon des médias français, été acquis par voie successorale, et appartiendrait aujourd'hui à un descendant d’Emmeran de Curzon, un officier de l’infanterie de marine qui avait pris part à la campagne militaire française du général Alfred Dodds contre le Danhomey.

« La propriété de notre vendeur n'est toutefois pas remise en cause », précise le cadre de la maison Millon. La vente prévue pour le 20 décembre dernier se fera finalement sans le trésor de l’ancien Roi. Le gouvernement béninois, suite à des alertes, s’est opposé à sa mise en cession.

Selon Marie-Cécile Zinsou, présidente de la Fondation Zinsou, ce trésor fait partie des nombreux objets royaux pillés et pour lesquels, une lutte de récupération est engagée aujourd’hui. C’est d’ailleurs elle qui aurait, selon certains témoignages, alerté les autorités béninoises. Lesquelles ont managé avec la partie française, notamment le ministère en charge de la Culture, pour obtenir de la maison Millon, son engagement à retirer la récade du catalogue de vente. « Nous avons décidé de suspendre la vente pour ne pas nous engager dans un bras de fer stérile », a expliqué un cadre de la maison Millon au Monde. La suspension de la vente de cette pièce s'inscrit dans « une politique culturelle et muséale cohérente », détaille le ministre Jean-Michel Abimbola, contacté par certains médias.

« Ce sceptre royal, qui représente l'âme du peuple béninois, doit à long terme pouvoir intégrer la collection nationale béninoise », soutient-il.

« Il est regrettable que cet acte de restitution, si pourtant appréciable, ne soit pas de portée à nous donner entièrement satisfaction ». Sur le perron de l’Elysée, alors qu’il venait de rencontrer son homologue français avec qui, entre autres, il a eu des échanges sur les 26 trésors royaux du Bénin en route pour revenir au pays, le président Patrice Talon ne s’était pas alors, empêché d’exprimer son amertume.

« Comment voulez-vous qu’à mon départ d’ici avec les 26 œuvres, mon enthousiasme soit total pendant que le dieu Gou, œuvre emblématique représentant le dieu des métaux et de la forge, la tablette du fâ, œuvre mythique de divination du célèbre devin Guèdègbé, et beaucoup d’autres, continuent d’être retenus ici en France, au grand dam de leurs ayants droit ? », s’est demandé le chef de l’Etat. Il disait aussi garder espoir qu’à l’instar des œuvres en rapatriement au pays, tous les autres biens finiront par l’être aussi. « L’espoir de leur retour au pays est désormais permis », avait-il indiqué. Tout en congratulant « franchement (la France Ndlr) pour ce tout premier épisode », il disait espérer une suite.

Toute l’histoire de cette restitution n’est d’ailleurs qu’espoir. Espoir renouvelé malgré un premier refus de la France de restituer ces objets royaux. En juillet 2016, quatre mois à peine après son investiture, le nouveau président élu du Bénin, Patrice Talon, formulait une demande de restitution à l’endroit de Paris au sujet des biens culturels et artefacts royaux saisis lors du sac effectué par les soldats français dans l’ex-royaume de Danhomey en 1892. Le ministère des Affaires étrangères du gouvernement de François Hollande lui avait opposé une fin de non-recevoir, au nom du principe dit "d’inaliénabilité des collections nationales". Il a fallu attendre « le discours de Ouagadougou » prononcé le 28 novembre 2017 à l'université Ki-Zerbo, à Ouagadougou, devant 800 étudiants par le président français Emmanuel Macron pour relancer le débat sur le retour des biens culturels africains■