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Renaissance du ‘‘Agbéhoun’’: « L’Etat a commencé par nous soutenir… », se réjouit Dah Hermas Gbaguidi

Culture
Hermas Gbaguidi Hermas Gbaguidi

Dah Hermas Gbaguidi est poète dramaturge, mais sa pluridisciplinarité fait de lui un touche-à-tout dans l'art. Son côté scénographique l'a conduit vers la danse sur bambous. Dans cette interview, le promoteur de troupe et encadreur du danseur Anagonou Hounsa, décrit, entre autres, la danse sur bambous, parle de ses contraintes et garde espoir qu’elle renaitra peu à peu de ses cendres, avec le soutien des autorités béninoises.

Par   Ariel GBAGUIDI, le 02 juil. 2025 à 09h04 Durée 3 min.
#danse sur bambous

La Nation : Dah Hermas Gbaguidi, comment décrivez-vous la danse sur bambous ?

Dah Hermas Gbaguidi : La danse sur bambous est l’une des danses qui représentent valablement le côté circassien de l'art africain. C'est une danse qui est différente et supérieure au rond chinois. Le rond chinois est une barre de fer et quelqu’un monte là-dessus.

Maintenant, quand j'ai appris la danse sur bambous, je me suis dit, par la suite, qu'il fallait la rénover complètement. Au lieu que cela soit juste un ou deux bambous comme d’habitude, j’y ai introduit cinq bambous. La vision est d’aller à 40 bambous pour cinq monteurs (danseurs) au lieu d’un seul actuellement. De plus, j'ai augmenté la longueur des tiges. Traditionnellement, le bambou est à 8 mètres, mais je l’ai amené à 14 mètres. Le plus court est à 12 mètres et il y a deux de 13 mètres. L’ensemble est à 60, 70 mètres sous terre sans caillou.

Le ‘‘Agbéhoun’’ est différent de la danse de l'échassier. La danse des échassiers, c'est ce qu'on maîtrise le mieux dans le centre du Bénin.

Le ‘‘Dawétin’’ est en déclin. Qu'est-ce qui s'est passé entre-temps ? Beaucoup se posent la question…

C'est une danse de bravoure, de provocation… C'est une danse où il y a tous les risques possibles ; il y a les attaques. Donc, beaucoup de danseurs sont tombés parce qu'ils ont été attaqués. Du coup, les gens préfèrent ne plus prendre de risques. Mais moi, depuis 1995 que j'ai connu cette danse, je l'ai aimée. J'ai commencé à jouer à partir de 2000, et au fur et à mesure, j'y apporte quelque chose de nouveau.

En 2011, j'ai commencé par étudier le principe géophysique de la danse. Ce qui m'a permis de multiplier et de rallonger le bambou. Il y a deux ans, nous n’étions qu'à trois bambous. Chaque année, j’ajoute une difficulté à mon monteur. Et depuis l'année passée, on est passé à cinq bambous.

L’une des qualités du monteur est qu’il doit avoir le compas dans l’œil et de la précision dans ses gestes…

Oui ! Le monteur est un acrobate averti parce que c'est une danse acrobatique. Et par rapport à comment grimper la tige, j'ai mis au point trois techniques pour la montée du danseur. Premièrement, il y a la montée ‘‘griffes du chat’’. C'est ce qu'il a fait lors de l’inauguration de l’arène. Deuxièmement, nous avons la montée du coupeur de noix de palme. Et pour finir, il y a la montée normale.

Les deux dernières techniques de montée prennent du temps, et la montée ‘‘griffes du chat’’ permet de grimper beaucoup plus vite.

La programmation du ‘‘Agbéhoun’’ en marge des Vodun days vous donne-t-elle espoir pour la renaissance d'une performance artistique aujourd'hui en baisse totale de régime ?

Nous avons commencé petitement, mais ça grandit. Nous sommes trois groupes aujourd'hui. Et l’Etat a commencé par nous soutenir. Cela fait la deuxième fois qu’on nous invite sur des manifestations. La première fois, c'était au Festival des masques de Porto-Novo. Nous avons donné deux représentations sur le Festival. Cette fois-ci, c’est à l’inauguration de l’arène de Ouidah dans le cadre des Vodun days.

Beaucoup sont arrivés pour voir cette danse de performance. Même pour les organisateurs, c'était compliqué un peu pour eux, parce qu'ils ne comprenaient pas comment ça se passe. Vous l’avez sans doute remarqué, ils ont amené des matelas par crainte de chute du danseur. Et les matelas sont censés protéger le danseur dans sa chute. C’est bien d’y avoir pensé, mais je dis non, on n'a pas vraiment besoin de matelas. Moi aujourd'hui, grâce à Dieu, aucune attaque n'arrive ni à m'atteindre, moi qui suis l’encadreur, ni à atteindre le danseur.

Le secret, c'est le travail en tout temps. Le secret, c'est l'éthique. Un danseur qui boit avant de monter, s'il tombe, on ne dira pas que c'est la danse qui l'a fait tomber. Quelqu'un qui prend un produit dopant avant de monter, s'il tombe, on ne dira pas que c'est la danse. Mieux, il faut qu’il travaille à maîtriser les techniques pour grimper ; le bambou n'est pas un arbre qui se casse aussi facilement.

Donc, la danse sur bambous, c’est une provocation qu'on fait. Aller contre la pesanteur, c'est déjà une provocation par rapport à la nature. De plus, nous avons rajouté des mètres, et l’autre chose est que le bambou balance. Du coup, si tu n'es pas un véritable acrobate, si tu n'es pas un équilibriste, tu ne peux pas.