La Nation Bénin...
À
travers Sahari, un long métrage plusieurs fois récompensé au plan
international, le réalisateur marocain Moulaye Tayeb nous entraîne dans
l’histoire de trois frères séparés suite au départ du colonisateur espagnol du
Sahara. Ce film, à la fois poétique et réaliste, aborde des thèmes profonds
tels que l’identité et la liberté. Dans cette interview, il partage son
processus créatif, les défis rencontrés et la résonance internationale de son
œuvre.
Sahari est inspiré de l'histoire de ma propre famille. Il ne raconte pas l'histoire de ma famille, mais s’en inspire. Plus exactement, l'histoire de la séparation de mon père et de ses frères en 1975. Comme vous le savez, le Maroc n'a pas été épargné par la colonisation occidentale et a été divisé en plusieurs régions colonisées par la France et l'Espagne. En 1975, comme dans beaucoup d'autres pays africains, nous avons hérité de frontières coloniales qui ont engendré plus de problèmes notamment la dispersion d'une même tribu dans deux pays différents. Au final, plusieurs ont choisi de se rebeller, d'être des séparatistes avec un État indépendant. Ce qui a déclenché une guerre entre le Maroc et les rebelles et qui a eu pour conséquence, la séparation de nombreuses familles. Et justement la trame de l’histoire tourne autour de la séparation de trois frères et les initiatives prises pour enfin se retrouver.
La partie la plus difficile dans la production d'un film est bien sûr de trouver les fonds. Quand on en est à son premier long métrage, il n'est pas évident de trouver le financement nécessaire, surtout quand on touche à une thématique aussi complexe. Une thématique de guerre et de conflit qui est toujours en cours d’ailleurs. C'était vraiment très difficile mais nous avons eu la chance d’être financés en partie par le Centre cinématographique marocain. L'autre partie du financement a été gérée par la boîte de production.
La
deuxième plus grande difficulté qu'on a eue dans ce film et ça, ce n'est pas
une difficulté que nous avons eue seuls mais que le monde entier a eue, c'est
l'arrivée du coronavirus. Et donc, après des années de préparation, dès qu'on a
commencé le tournage, quelques jours plus tard, nous nous sommes retrouvés
contraints de l’arrêter. Il fallait réunir encore l'équipe de nouveau
avant la reprise. En gros, Sahari nous a pris six années de travail. C'était le
plus grand défi. Nous avons commencé l'écriture en 2017 et avons commencé le
tournage en 2020 pour reprendre en 2021. Et puis après, il a fallu faire la
post-production. Et nous avons pu finir le film et le présenter pour la
première fois, en janvier 2023.
La troisième difficulté, et pas des moindres, a été de trouver les décors convenables pour raconter une histoire qui se passe entre 1970 et 1990.
Il y a dans le film, de grandes stars marocaines très connues, telles que Sidi Mohamed Khouyi, la grande actrice Sarraouya, Nadia Kounda, Anas El baz. Et je les remercie parce qu'ils m'ont fait confiance bien que ce soit mon premier long métrage. Et ce n'est pas évident pour un grand acteur de faire confiance à un réalisateur qui débute. Il y a aussi une autre partie des acteurs qui sont des provinces du sud du Maroc, qui sont célèbres dans cette région, mais qui ne sont pas connus partout au Maroc. Nous avons donc dû faire un grand casting dans le sud du Maroc. Il nous a fallu réunir plusieurs acteurs qui sont venus de toutes les régions du Sahara marocain.
La thématique principale, c’est la séparation. Bien sûr, il y a une histoire d'amour aussi dans le film mais la trame principale, c’est la séparation de trois frères qui ont fait trois choix différents. Il y a un qui est nationaliste, qui défend son pays. Il y a la sœur, un peu brainwashed (lavage de cerveau), attirée par les idées révolutionnaires des séparatistes. Puis, il y a l’autre frère qui est neutre et qui va vivre loin dans le désert mauritanien. Mais surtout, le plus important, c'est comment ces frères essayent de se réunir à nouveau. Ce qui fait appel à la thématique des retrouvailles. Mais j'ai vraiment travaillé ce film dans un esprit social. Il faut dire que dans la vraie vie, les gens qui étaient partis ont été un peu brainwashed. Ils croient qu’en revenant au Maroc, ils vont être tués parce qu'on leur apprend ça dès leur enfance dans les camps en Algérie. Bien sûr que ces propos ne sont absolument pas vrais puisque beaucoup sont revenus à leur patrie.
Le roi Hassan II, dans les années 90, avait dit que la patrie est miséricordieuse. Donc, même les militaires rebelles, pas seulement les civils ont été invités à revenir et à être amnistiés.
Les Recico ont été pour moi, l’occasion de connaître d'autres réalisateurs, d'autres techniciens et d'autres acteurs avec qui nous avons pu partager nos expériences. Je découvre ainsi le Bénin pour la première fois grâce à mon film et je trouve que c’est un peuple très chaleureux■
Le prix du meilleur scénario en janvier 2023 par le Festival de Jaipur, en Inde ;
Le
prix du meilleur décor en janvier 2023 par le Festival de Jaipur, en
Inde ;
Le
prix du jury au Festival Dakla, au Maroc ;
Le
prix du meilleur acteur au Festival international du film de Bruxelles en
Belgique ;
Le
prix du meilleur acteur au Festival Ciné-plage de Harhoura au Maroc ;
Le
prix du meilleur film arabe au Festival d'Alexandrie en Égypte ;
Le
grand prix au Festival du cinéma de Moussandam au Sultanat d'Oman ;
Le
prix du public au Festival du cinéma de la femme à Salé.
Le
Grand Prix des Rencontres cinématographiques de Cotonou