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Restitution de patrimoine culturel: Les coulisses de la diplomatie entre le Bénin et la France

Culture
Angelo Dan dévoile les coulisses d’une longue bataille politique et culturelle Angelo Dan dévoile les coulisses d’une longue bataille politique et culturelle

Le processus de restitution des 26 trésors royaux du Danxomè, rapatriés du musée du Quai Branly vers le Bénin a été jalonné de négociations diplomatiques complexes. Angelo Dan, en poste à l’ambassade du Bénin en France, a présenté son ouvrage sur le sujet, le 21 mai 2025 dernier à l’Institut français de Cotonou, dévoilant ainsi les coulisses d’une longue bataille politique et culturelle.

Par   Alice Perret (Stag.), le 27 mai 2025 à 06h53 Durée 3 min.
#Diplomatie #Restitution de trésor royal

C’est par un courrier en date du 26 août 2016 que tout commence. Dans cette missive adressée à son homologue français, l’ancien ministre béninois des Affaires étrangères, Aurélien Agbénonci, réclame officiellement la restitution des trésors culturels du Danxomè, spoliés en 1892 par les troupes coloniales françaises. La démarche paraît audacieuse, presque utopique, tant les précédentes demandes africaines avaient échoué. Pourtant, elle marque le début d’un processus diplomatique prometteur.

De 2017 à 2020, en tant qu’ambassadeur, Angelo Dan fut l’un des principaux artisans de cette opération historique. «J’ai senti le besoin de témoigner lorsque j’ai vu ces œuvres fouler à nouveau le sol du Bénin le 10 novembre 2021. La ferveur populaire était immense, mais peu de gens mesuraient le chemin parcouru », explique-t-il à Jérôme Tossavi, modérateur de la rencontre.

Un bras de fer diplomatique

Le principal obstacle résidait dans le principe d’inaliénabilité du patrimoine en vigueur en France, qui interdit la cession des biens conservés dans les collections publiques. Le discours prononcé par Emmanuel Macron à Ouagadougou, le 28 novembre 2017, affirmant sa volonté de restituer « temporairement ou définitivement » les œuvres africaines, constitue alors un tournant décisif. Il offre une impulsion politique forte au dossier béninois.

Les négociations entre les deux pays s’intensifient, appuyées par le rapport Savoy-Sarr publié en novembre 2018. Commandité par l’Élysée, ce document signé par l’intellectuel sénégalais Felwine Sarr et l’historienne de l’art Bénédicte Savoy — qui signent également la préface du livre d’Angelo Dan — dresse l’inventaire des œuvres africaines conservées en France et propose un cadre juridique et culturel pour leur restitution.

Le Bénin, fer de lance d’un mouvement panafricain

Malgré les critiques de certains milieux français qui redoutaient une « disparition » des œuvres si elles étaient rendues à l’Afrique, le Bénin a su rassurer ses partenaires. Une loi a été votée en 2021 pour renforcer les mécanismes de conservation et de valorisation de son patrimoine culturel. Cet engagement fort de l’État béninois a achevé de convaincre la partie française.

La restitution des 26 œuvres royales a ainsi marqué une étape fondatrice. Elle a servi de modèle pour d’autres pays africains, comme la Côte d’Ivoire, qui a réclamé le retour de son tambour parleur, Djidji Ayôkwê, conservé au musée du Quai Branly.

Une victoire diplomatique à portée universelle

Le Bénin a, par son audace, ouvert une brèche dans un système figé depuis des décennies. Cette restitution n’est pas seulement un acte symbolique ; elle constitue une réappropriation de mémoire, un acte de justice culturelle et un précédent diplomatique. L’ouvrage d’Angelo Dan vient documenter cette victoire en dévoilant les ressorts politiques, juridiques et humains de cette entreprise collective.