La Nation Bénin...
Musique, danse, acrobatie… et magie de la mise en scène !
C’est le cocktail que le metteur en scène Alougbine Dine offre avec son dernier
spectacle de 45 minutes, ‘’Sonagnon’’. Une création artistique intense et
plurielle.
Le spectacle ‘’Sonagnon’’ est un bijou scénique fait de
danses, musique et acrobatie, chants, théâtre… Le metteur en scène Alougbine
Dine y raconte le parcours tragique de Falola, une jeune athlète au destin
brisé par une politique sportive nationale défaillante. Falola, jeune prodige
du sport, vit pour courir, sauter et briller. La jeune athlète a tout pour une
belle et prometteuse carrière. Elle rêve d’atteindre les sommets et le Ifa la prédestine
à un bel avenir. ‘’Djogbé’’, a indiqué l’oracle à sa mère pendant la
consultation. Pour ses amies et sa famille, une étoile béninoise faisait déjà
son ascension vers le ciel de la gloire athlétique. Mais la jeune athlète voit
son rêve se briser face aux failles du système sportif national. À travers
elle, c’est toute une génération sacrifiée que met en lumière le spectacle,
dénonçant les occasions perdues, les carrières avortées et les espoirs
étouffés. Le metteur en scène se fait le défenseur de l’ère révolutionnaire de
l’histoire politique du Bénin qu’il peint d’un blanc éclatant et lumineux. «
Tout n’a pas été mauvais durant cette période », rétorque Alougbine Dine,
nostalgique des talents sportifs qui ont vu le jour un peu partout dans le pays.
Le spectacle ‘’Sonagnon’’ dresse le portrait d’une
jeunesse sacrifiée sur l’autel des politiques hasardeuses, d’un pays qui oublie
ses forces vives. Les acteurs se sont voulus sur scène, les interprètes
parfaits des errances de l’ère démocratique qui ont mis le sport en berne et
les talents à genoux. Pour Chacun d’eux, Falola peine devant l’élan freiné.
Dans la trame du spectacle, elle accompagne chacun des temps de la vie sportive
nationale. Les acrobaties traduisent les efforts surhumains, les rêves suspendus,
la chute. Les autres arts qui s’invitent sur scène l’accompagnent aussi. A la
faste et prometteuse période révolutionnaire, ses airs musicaux enjoués et
dansants, les rires des acteurs, la voix retentissante des jeunes enfants
exaltant le sport et glorifiant le couronnement de l’effort. Puis, la période
fade et terne que vit le sport en souffrance vint avec des airs peu gais, pour
rappeler la période d’après. Son parcours se vit sous les projecteurs. A la
veille de sa retraite administrative, Falola plus souriante que jamais, compte
non seulement ses plus de soixante printemps, mais aussi conte et contemple «
les réformes audacieuses dans le sport ».
Quand la scène redonne foi en demain
Ce spectacle est un cri de douleur et d’espoir. Celui d’une
jeunesse qui refuse de courber l’échine. Avec 45 minutes d’une rare intensité,
Alougbine Dine réussit un pari artistique et politique, donnant au théâtre son
rôle premier, celui d’éveiller les consciences par la beauté du discours et la
vérité. Plus qu’un spectacle, ce moment a été vécu comme une immersion. Le
spectateur n’est pas un simple observateur. Le metteur en scène et ses acteurs
l’invitent à ressentir, vibrer, bouger. La technique prend aussi sa part à
l’œuvre. « Je veux donner à voir aux enfants, à rêver aussi à travers ce
spectacle et c’est assumé », répond le metteur en scène. L’éclairage et la
scénographie, sobres mais puissants, renforcent le lien intime entre le public
et la scène. Cette mise en scène de Alougbine Dine est la preuve que l’intensité
artistique ne se mesure pas à la durée. Avec l’implication de ses trois
assistants, chaque seconde devient un moment unique. Un bijou scénique qui
laisse des traces bien après que les lumières se sont éteintes, surtout que la
scène de fin s’accompagne de feux d’artifices.
45 minutes pour pleurer, espérer, se relever
« Je me mets contre ceux qui pensent que cette période
n'a été que des choses mauvaises. Je trouve que, c'est pendant cette période
qu’il y a eu des chanteurs de tous les villages. Il y a eu des groupes de
musique. Il y a eu des groupes de football», reprend-il. Les gens prenaient
l'initiative de faire quelque chose de leur village, de faire entendre le nom
de leur village à travers la culture, à travers le sport. Et c'est émouvant.
C'étaient des moments uniques dans l'histoire de notre pays. Par rapport aux
arts, par rapport à la culture, par rapport au sport, se souvient-il,
nostalgique. Une nostalgie qui transparait tout au long du spectacle avec un
défilé de travaux, de propos, de citations et quelques scènes rares.
En dehors de sa grosse logistique, le spectacle lui-même
est déjà lourd, apprécie le metteur en scène. 217 acteurs de divers profils et
provenant de Cotonou, d’Abomey-Calavi, de Porto-Novo, Aplahoué, Lokossa, y officient.
On y retrouve aussi un nombre important de très jeunes acteurs issus des
classes culturelles. Ceci pour, dira Alougbine Dine, leur donner à rêver, aérer
leur tête de ces choses de la vie qui participent réellement à leur
citoyenneté, à la construction de leur citoyenneté. Pour y parvenir, il a fallu
un mois de préparation et de répétition. «Les jeux olympiques en France, c'est
trois heures de spectacle, mais six ans de préparation. Il faut qu'on commence
à avoir de bonnes habitudes », plaide-t-il. La dimension collective du projet
lui plait bien. Trois jeunes assistants impliqués dans la création scénique et
rythmique avec qui il orchestre une partition visuelle et scénique plutôt rare.
Il y a aussi une horde de techniciens, d’anciens étudiants de son école de
théâtre… Alougbine Dine insiste sur la dimension collaborative du projet. «
J’ai donné des indications précises. Je sais exactement ce que je veux. Mais
lorsque dans l'exécution, les gens apportent d'autres souffles, c'est leur
participation. Donc c'est presque une création collective que je dirige »,
explique-t-il.
Le public a été transporté dans un univers sensoriel où
se mêlent rythmes, mouvements chorégraphiques et acrobaties spectaculaires.
Plus qu’une ode au sport, sinon aux classes sportives sous l’ère Patrice Talon,
il faut voir aussi cette scène comme un hommage à la richesse des arts du
spectacle vivant, parce que le show conjugue tradition et modernité, avec une
mise en scène précise, signée d’une main de maître, celle d’Alougbine Dine. Il
a su faire dialoguer les disciplines dans une cohérence qui ne sacrifie ni
l’émotion, ni le spectaculaire. Le spectacle laisse parler les acteurs et
s’adosse à une musique tantôt percussive, tantôt mélodique. Les différentes
séquences vantent « ce grain de folie qu'il y a eu pendant la Révolution, avec
le sport et la culture ».
« Nous avons stigmatisé tout ce qu'il y a eu pendant la
période dite démocratique qui n’a pas favorisé et permis l'éclosion réelle du
sport, l'organisation de la chose artistique et culturelle », déplore-t-il par
ailleurs.
Avec ‘’Sonagnon’’ qui signifie « Demain sera meilleur » en langue locale Fon, le metteur en scène Alougbine Dine signe un acte de foi en la jeunesse, en la résilience, en la possibilité de réparer, reconstruire, réinventer.