La Nation Bénin...
À
cinq ans de l’échéance de 2030 fixée pour l’atteinte des Objectifs de
développement durable (Odd), le bilan en Afrique demeure préoccupant. Sur les
169 cibles mondiales mesurables, seules quatre sont en bonne voie de
réalisation.
Le
continent africain est à un point d’inflexion majeure dans son développement
économique et sociale. Alors que l’échéance de 2030 approche à grands pas,
l’Afrique reste confrontée à une accumulation de défis qui entravent
sérieusement ses efforts vers la réalisation des Objectifs de développement
durable (Odd). Entre chocs climatiques, instabilité géopolitique,
surendettement croissant et fragmentation du système financier mondial, le
climat est peu propice à des avancées rapides et durables. Les coordonnateurs
résidents des Nations Unies en Afrique ont dressé un tableau peu reluisant de
la situation actuelle lors d’un séminaire tenu à Luanda le 17 mai dernier. « À cinq
ans de l’échéance de 2030, la marge de manœuvre dont nous disposons s’est
fortement réduite », a déclaré Claver Gatete, secrétaire exécutif de la
Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (Cea), qui souligne
l’urgence d’un changement de cap.
La dette publique africaine a atteint 1 860 milliards de dollars en 2024, avec un ratio dette/Pib moyen passé de 44,4 % en 2015 à 66,7 % aujourd’hui. Cette pression financière prive les États de ressources essentielles pour investir dans l’éducation, la santé, les infrastructures ou encore l’énergie. À ce jour, seules 4 des 169 cibles précises des Objectifs de développement durable mesurables sont en bonne voie d’être atteintes. Pour 70 d’entre elles, les progrès sont jugés trop lents, tandis que 29 sont carrément en régression. Dans les faits, plus de 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité. Et 476 millions vivent dans la pauvreté, dont 149 millions qui y ont été récemment précipités à cause des dérèglements économiques et climatiques. Pour combler le fossé entre les ambitions et les moyens, l’Afrique aurait besoin d’environ 1 300 milliards de dollars par an. Or, l’aide publique au développement est en recul et les flux financiers vers le continent sont fragilisés. Le rythme actuel de croissance du Pib africain, estimé à 3,8 % en 2025 et 4,1 % en 2026, reste en deçà des 7 % nécessaires pour atteindre l’Odd n°8 (travail décent et croissance économique) et réduire significativement la pauvreté.
Solutions structurelles
Malgré
ce constat préoccupant, l’Afrique n’est pas dépourvue de leviers d’action.
Claver Gatete a évoqué cinq priorités stratégiques qui pourraient remettre le
continent sur la voie du développement durable. La première consiste à réformer
l’architecture financière mondiale, jugée défavorable aux pays africains. Dans
ce sens, des institutions militent pour un accès élargi à des financements à
long terme et à faible coût, une amélioration des notations souveraines et une
gouvernance budgétaire renforcée. Deuxièmement, il s’agit de mobiliser
efficacement les ressources domestiques. Cela implique d’élargir l’assiette
fiscale, de lutter contre les flux financiers illicites et de digitaliser les
systèmes de collecte de recettes. L’activation des fonds souverains et de
pension en faveur des projets de développement est aussi une piste envisagée.
La troisième priorité porte sur l’intégration des politiques de dette, de
développement et de lutte contre le changement climatique. Pour la Cea, ces
dimensions sont interdépendantes. Réformer le financement climatique, créer une
agence africaine de notation et investir dans les énergies renouvelables sont
des actions clés pour renforcer la résilience. Quatrièmement, la consolidation
des systèmes statistiques s’impose. Le manque de données fiables freine la
planification et l’évaluation des politiques. Enfin, le secrétaire exécutif de
la Commission économique pour l’Afrique insiste sur la nécessité pour l’Afrique
de se positionner en bloc dans les grandes négociations internationales à venir
: Cop30, Conférence sur le financement du développement, Forum politique de
haut niveau en 2025. « En adoptant des positions cohérentes, fondées sur des
données et orientées vers l’action, l’Afrique peut influer sur le programme de
développement mondial », a-t-il estimé.
La situation est critique, mais pas irréversible. Le continent dispose d’atouts majeurs dont une population jeune, des ressources naturelles abondantes, une volonté politique croissante et des cadres de référence solides comme l’Agenda 2063 de l’Union africaine. La Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) reste également un puissant levier pour stimuler l’industrialisation et renforcer les chaînes de valeur. Il est encore temps de réorienter les politiques, de mutualiser les efforts et de redéfinir les priorités. Le compte à rebours pour 2030 est lancé, et avec lui, l’avenir de plus d’un milliard d’Africains.