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Blanchiment d’argent: Menaces pour les économies émergentes

Economie
Le blanchiment d’argent, un fléau qui menace l’économie, la  sécurité et la stabilité des États Le blanchiment d’argent, un fléau qui menace l’économie, la sécurité et la stabilité des États

Une récente étude de Konrad Adenauer Stiftung et du Centre de recherche scientifique ouest africaine (Crsoa) sur le blanchiment d’argent dans les économies intermédiaires dévoile l’ampleur d’un phénomène qui, au-delà des circuits criminels, fragilise la stabilité économique et alimente l’insécurité. Entre mécanismes sophistiqués et techniques de dissimulation de plus en plus élaborées, l’analyse met en lumière un système tentaculaire structuré en trois phases clés.

 

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 19 nov. 2025 à 02h59 Durée 3 min.
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Au-delà de sa dimension criminelle, le blanchiment d’argent est devenu l’un des phénomènes les plus destructeurs pour les économies émergentes. Il perturbe les marchés, détourne les ressources publiques et alimente des réseaux clandestins qui fragilisent les Etats. En faussant la concurrence et en privant les secteurs essentiels (santé, éducation, infrastructures) de financements nécessaires, il affaiblit durablement la capacité des gouvernements à investir dans le développement. Sur le plan sécuritaire, ses effets sont tout aussi préoccupants. L’argent blanchi sert souvent de carburant aux groupes criminels et terroristes, contribuant à l’insécurité, à la corruption et à l’érosion de l’autorité publique. Un fléau systémique qui, selon les spécialistes, menace à la fois la stabilité économique et la cohésion sociale. C’est dans ce contexte que l’étude réalisée par Konrad Adenauer Stiftung et le Centre de recherche scientifique ouest africaine (Crsoa) vient rappeler l’urgence de mieux comprendre, détecter et contrer les méthodes utilisées par les blanchisseurs dans les économies intermédiaires.

Selon l’étude, le processus de blanchiment d’argent repose sur trois grandes étapes successives: le placement, l’empilage et l’intégration. Le prélavage ou placement consiste à injecter dans le circuit financier des fonds issus d’activités illégales. L’objectif est de transformer des billets en circulation en monnaie scripturale difficile à tracer. Pour cela, plusieurs techniques sont utilisées. L’étude révèle le fractionnement des dépôts qui consiste à diviser de grosses sommes en petites quantités déposées sur différents comptes pour éviter l’alerte des institutions bancaires. On note également les faux gains de jeux qui consistent à acheter des jetons dans un casino en liquide, puis les reconvertir en gains présumés, accompagnés d’un justificatif. L’étude parle aussi de mélange avec les recettes d’un commerce complice tels les restaurants, les pizzerias, les librairies, les bijouteries ou les hôtels qui servent souvent de couverture, car les paiements en espèces y sont fréquents, facilitant la manipulation comptable. Cette étape, encore très répandue, constitue la porte d’entrée du système.

Impact systémique

Après l’étape du placement, vient celle du lavage ou empilage, qui consiste à complexifier les transactions afin de brouiller toute trace de l’origine illicite des fonds. Concrètement, cette phase passe par différentes manœuvres destinées à perdre les enquêteurs dans un enchevêtrement financier. Elle peut notamment prendre la forme de l’achat de biens matériels de grande valeur, de la conversion de l’argent en divers instruments financiers (obligations, actions ou lettres de crédit) ou encore de transferts successifs entre des banques situées dans plusieurs pays. Chaque opération vise à créer une distance supplémentaire entre les fonds et leur source criminelle, rendant le suivi des flux toujours plus difficile. L’objectif est d’éloigner les fonds de leur source grâce à une “valse” de transactions rapides. Les blanchisseurs exploitent l’opacité de certains systèmes bancaires et les paradis fiscaux, où la réglementation est faible et les contrôles limités.

Dernière étape du processus, l’intégration qui vise à réintroduire l’argent blanchi dans l’économie licite. Elle s’effectue en finançant des entreprises, en achetant des biens immobiliers ou en investissant dans des sociétés existantes, parfois des sociétés-écrans créées uniquement pour ce but. Une fois cette étape franchie, les fonds deviennent quasiment indétectables. L’étude met en lumière les effets dévastateurs du blanchiment d’argent, qui fragilise profondément les économies et les institutions.

Sur le plan économique, il provoque une érosion des recettes fiscales et une désorganisation structurelle en faussant les règles du marché. Le phénomène favorise également la fuite de capitaux et alimente l’instabilité financière. L’afflux massif de fonds illicites peut fausser la valeur des monnaies et entraîner une inflation artificielle. Enfin, les institutions n’en sortent pas indemnes. Corruption, infiltration des circuits économiques et perte de confiance des populations contribuent à affaiblir la gouvernance et à éroder la cohésion sociale. Konrad Adenauer Stiftung et le Centre de recherche scientifique ouest africaine (Crsoa) rappelle que le blanchiment d’argent est un phénomène transnational nécessitant des mécanismes de coopération renforcés, notamment entre régulateurs, banques, organismes de surveillance et autorités judiciaires. La modernisation des systèmes légaux, l'investissement dans les technologies de traçabilité financière et la formation des acteurs nationaux sont identifiés comme des priorités urgentes pour contenir ce fléau qui mine silencieusement les économies émergentes.