La Nation Bénin...
Malgré une croissance réelle en hausse en 2024, l’Afrique
subsaharienne reste confrontée à de profonds défis structurels. Entre
résurgence des coups d’État, inégalités tenaces, pauvreté persistante et
fardeau de la dette, le dernier rapport de la Banque mondiale sur l’Évaluation
des politiques et des institutions nationales (Cpia) dresse un état des lieux
contrasté et appelle à des réformes urgentes pour libérer le potentiel de la
région.
Alors que la région subsaharienne semble renouer avec une
croissance économique modeste, les inégalités structurelles et l’instabilité
politique continuent de miner ses perspectives. Dans son rapport 2025 sur
l’Évaluation des politiques et des institutions en Afrique, la Banque mondiale
estime que l’amélioration du Pib ne se traduit pas par une réduction
significative de la pauvreté. Selon le rapport, l’Afrique subsaharienne a
enregistré une croissance réelle de 3,3 % en 2024, contre 2,1 % en 2023.
Exprimée par habitant, cette progression reste timide. Une hausse de 0,7 %
seulement après un recul de 0,5 % l’année précédente. Les pays les plus
pauvres, bénéficiaires de l’Association internationale de développement (Ida),
ont légèrement mieux tiré leur épingle du jeu, avec une croissance par habitant
de 1,3 %. Mais ce regain d’activité économique masque une réalité plus sombre.
La région n’est pas parvenue à redistribuer efficacement les fruits de la
croissance. Une hausse de 1 % du Pib par habitant ne réduit la pauvreté que
d’1 % contre une baisse moyenne de 2,5 % dans le reste du monde. Le
résultat est que la pauvreté reste tenace, avec une allocation inefficace des
ressources humaines et un manque criant d’opportunités pour les plus
vulnérables. Plus inquiétant encore, cette fracture économique nourrit
l’instabilité politique. La capacité de l’État à garantir la sécurité a été
fortement mise à mal ces dernières années. Le rapport indique que les victimes
des affrontements entre les forces étatiques et les groupes armés ont presque
triplé entre 2014 et 2024. Cette insécurité persistante alimente un
mécontentement grandissant envers les gouvernements civils, offrant un terrain
fertile aux putschistes. Depuis 2020, neuf coups d’État militaires ont été
recensés, souvent soutenus par une frange de la population lassée de
l’inefficacité des régimes civils à répondre aux besoins de base.
Paradoxalement, cette montée de l’instabilité s’accompagne d’indicateurs
économiques à court terme plutôt encourageants. L’inflation médiane, qui avait
atteint un pic de 9,3 % en 2022, est retombée à 4,5 % en 2024. Cette décrue a
permis aux banques centrales d’assouplir leurs politiques monétaires, stimulant
l’investissement médian dans les pays Ida, passé de 24 % à 25,1 % du Pib. Pour
autant, cet optimisme reste fragile.
Pressions
En effet, à moyen terme, le bilan est beaucoup moins reluisant. Depuis le pic de 2014, la production par habitant a reculé de 1,8 % dans l’ensemble de la région. Dans les pays riches en ressources naturelles, le constat est encore plus sévère. Le Pib réel par habitant reste inférieur de 12 % à son niveau de 2015. La faible dynamique des investissements privés avec des incertitudes géopolitiques et des marchés de capitaux plus coûteux, ne laisse entrevoir aucune capacité de rattrapage. Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’Afrique subsaharienne est appelée à porter l’essentiel de la croissance démographique mondiale d’ici 2050. Sa population active devrait dépasser celle de la Chine et de l’Inde réunies. Mais faute d’investissements massifs dans l’éducation, les infrastructures et de marchés de l’emploi dynamiques, la jeunesse africaine risque de rester prisonnière d’emplois précaires et informels, freinant la transformation structurelle tant attendue. Autre facteur de vulnérabilité est l’endettement public. En dix ans, la dette publique médiane des pays éligibles à l’Ida a bondi de 36 % à 57 % du Pib. Bien que certains pays dont le Bénin aient amorcé une discipline budgétaire, la moitié des pays de la région reste exposée à un risque élevé de surendettement. L’essentiel des ressources est absorbé par le service de la dette, rognant les capacités des États à investir dans des services essentiels tels que la santé, l’éducation ou la sécurité. Face à ce constat, la Banque mondiale plaide pour un recentrage des politiques publiques sur la prudence budgétaire, l’efficacité des dépenses et la mobilisation accrue des ressources domestiques. Les pistes de solutions passent aussi par un soutien renforcé aux réformes structurelles, l’accélération de l’intégration régionale et une utilisation stratégique de la transition numérique pour améliorer la prestation des services publics. La dynamique démographique de la région, souvent perçue comme un risque, pourrait devenir un atout à condition d’investir massivement dans le capital humain.