La Nation Bénin...
L’Agence américaine pour le développement international
(Usaid) a officiellement cessé d’exister, ce mardi 1er juillet, après plus de
six décennies d’engagement dans plus de 100 pays. En Afrique subsaharienne où
plusieurs pays dont le Bénin figuraient parmi les principaux bénéficiaires,
cette dissolution rebat les cartes de la coopération et se présente comme un
départ pour d’autres systèmes de financement innovants.
C’est un véritable tournant dans l’histoire de la
coopération internationale. Ce mardi 1er juillet, l’Agence américaine pour le
développement international (Usaid), pilier de la diplomatie humanitaire
américaine depuis 1961, a été officiellement dissoute, conformément à une
décision prise en mars dernier par le Congrès américain et entérinée par la
Maison-Blanche. Cela marque la fin d’un modèle de l’aide au développement tel
qu’il s’est construit au XXe siècle.
D’après les données de l’Organisation de coopération et
de développement économiques (Ocde), l’Afrique subsaharienne absorbait près de
40 % du budget annuel de l’Usaid. Des pays comme le Bénin, le Togo, le Burkina
Faso, le Sénégal ou encore le Nigeria figuraient parmi les principaux
bénéficiaires. Au Bénin, l’Usaid finançait des projets structurants pour
l’accès à l’eau potable, la lutte contre le paludisme et le renforcement des
systèmes de santé communautaire. Au Togo, Burkina Faso, Nigeria et Sénégal,
plusieurs programmes ont transformé le quotidien de milliers de petits
exploitants agricoles et contribué à l’électrification rurale. L’appui a permis
d’améliorer l’éducation des jeunes filles, la résilience climatique et la
gouvernance locale.
Selon la Maison-Blanche, les missions de l’Usaid seront
désormais intégrées directement au sein d’une Direction générale de la
coopération et du développement, rattachée au Département d’État américain.
Officiellement, il s’agit de rationaliser la structure, limiter les doublons
administratifs et renforcer l’alignement entre l’aide au développement et les
priorités diplomatiques des États-Unis. Mais cette réorganisation interroge sur
sa mise en œuvre concrète.
Les ambassades américaines dans chaque pays devront
négocier de nouveaux accords de continuité avec les gouvernements et les
acteurs locaux, pour éviter une interruption brutale de services essentiels.
Des millions de personnes dans le monde bénéficiaient chaque année des programmes de l’Usaid, dont près d’un quart en Afrique de l’Ouest. La Banque mondiale rappelle que l’agence figurait parmi les cinq premiers bailleurs bilatéraux pour les Objectifs de développement durable (Odd) liés à la santé, à l’éducation et à l’égalité des genres. Dans la pratique, certaines conventions tripartites ont déjà été prolongées jusqu’en 2026, notamment dans les domaines jugés stratégiques comme la santé communautaire, l’éducation et la sécurité alimentaire. Si l’institution devrait reprendre les activités, la nouvelle direction générale pourrait mettre 12 à 18 mois pour devenir pleinement opérationnelle.
Motivations
Côté américain, la dissolution est présentée comme une
mesure de bonne gestion des deniers publics. Un rapport du Government
Accountability Office (Gao) souligne que l’Usaid gérait plus de 1 300 projets
dans 80 missions à l’étranger, avec parfois des doublons entre agences
fédérales. L’administration américaine défend un recentrage sur les priorités
diplomatiques majeures, dans un contexte de rivalité accrue avec la Chine sur
les investissements en Afrique et en Asie. Pourtant, plusieurs responsables
américains trouvent que la force de l’Usaid résidait précisément dans son
autonomie opérationnelle et son expertise technique. Selon eux, l’expertise
technique accumulée au fil des décennies par les équipes de l’Usaid pourrait
être diluée, voire perdue dans un ensemble diplomatique plus large où l’aide
risque de devenir un simple outil d’influence géopolitique.
Après 63 ans d’existence, l’Usaid laisse derrière elle un héritage fait de succès, dont les actions sont appréciées par les populations. Sa dissolution marque la fin d’un modèle, au moment où la coopération internationale doit s’adapter à de nouveaux défis globaux comme la crise climatique, les pandémies ou les migrations massives. Pour beaucoup, l’histoire jugera si cette réorganisation renforce vraiment la présence américaine dans le monde… ou si elle affaiblit au contraire, sa capacité à transformer des vies grâce à une aide humanitaire crédible et efficace.
Repenser
La disparition de l’Usaid conforte l’idée, de plus en
plus partagée sur le continent, que l’heure est venue de miser davantage sur
les ressources locales pour financer le développement. «L’aide ne peut plus
être considérée comme une solution fiable, ni durable. Le temps presse. Nous
devons agir maintenant, avec vous, nos chefs d’État, qui menez des réformes,
créez un environnement favorable et mobilisez les ressources nationales.
Ensemble, nous pouvons réaliser la promesse de l’Agenda 2063 et des Odd »,
affirmait récemment Claver Gatete, secrétaire exécutif de la Commission
économique pour l’Afrique, à l’occasion de la onzième session du Forum régional
africain pour le développement durable tenue à Kampala en Ouganda.
Au Bénin, en Côte d’Ivoire ou au Sénégal, des voix s’élèvent pour rappeler qu’il faut renforcer la mobilisation des recettes fiscales, lutter contre l’évasion fiscale et développer des partenariats public-privé robustes. « Il faut faire des efforts de diversification des sources de financement en se tournant vers les marchés financiers régionaux et internationaux et vers les financements innovants. Les ressources les plus prévisibles et les plus durables sont les ressources publiques internes», indique Epiphane Gilderic Adjovi, statisticien-économiste, spécialiste en gestion de la politique économique.
Pour plusieurs dirigeants africains, la multiplication des crises mondiales rend l’aide extérieure de plus en plus incertaine. La fin de l’Usaid pourrait être un déclic pour bâtir des systèmes plus résilients, adaptés aux réalités locales, tout en continuant à coopérer avec les bailleurs internationaux, mais sur des bases plus équilibrées.