La Nation Bénin...
En
Afrique, les ambitions de développement se heurtent à une architecture
financière mondiale souvent inadaptée aux réalités du continent. Face à cela,
les institutions africaines tracent de nouvelles voies pour bâtir un système
plus autonome, plus équitable et mieux arrimé aux priorités régionales.
L’Afrique,
longtemps perçue comme un simple bénéficiaire de fonds étrangers, se redessine
aujourd’hui comme un acteur autonome et ambitieux de son destin économique. Ce
changement s’inscrit dans une dynamique profonde qui va au-delà des simples
chiffres. C’est une quête de souveraineté financière, garante d’une
indépendance durable face aux turbulences mondiales. Cette aspiration a été au
cœur des Assemblées annuelles 2025 du Groupe de la Banque africaine de
développement (Bad) ouvertes à Abidjan le 26 mai. A la fin de son mandat,
Akinwumi Adesina, président sortant de l’institution, a dressé son bilan et un
horizon d’espoir pour le continent. « La direction peut changer, mais notre
mission reste la même. La Banque garde le cap, ses voiles sont solides et son
engagement en faveur du développement de l’Afrique est inébranlable », a-t-il
déclaré. Ces mots résonnent comme un engagement à poursuivre une transformation
qui a déjà porté ses fruits, mais surtout à consolider un système financier
plus intégré et souverain. Depuis une décennie, la Banque africaine de
développement a joué un rôle moteur dans ce mouvement, illustrant le passage
d’un simple bailleur de fonds à une institution pivot dans la mobilisation de
ressources internes et externes adaptées aux réalités africaines. Grâce à une
augmentation spectaculaire de son capital qui est passé de 93 à 318 milliards
de dollars, elle a accru sa capacité à soutenir les ambitions du continent.
Mais la souveraineté financière ne se limite pas seulement à la capacité
financière des institutions. Elle passe par l’émergence d’une finance africaine
capable de générer, mobiliser et déployer des capitaux endogènes, en lien
étroit avec les dynamiques économiques locales. À travers ses « High 5 », la
Banque a contribué à bâtir des infrastructures fondamentales en énergie,
agriculture, intégration régionale, santé, transports, indispensables pour
attirer des investissements durables. Les chiffres sont éloquents : plus de 565
millions d’Africains ont bénéficié directement de ces initiatives. Au-delà des
statistiques, c’est la transformation concrète des vies et des territoires qui
confirme l’impact d’une finance tournée vers l’humain, ancrée dans les réalités
africaines.
Impératif politique
La souveraineté financière est aussi un défi politique et stratégique. Elle nécessite une meilleure gouvernance, une mobilisation accrue des ressources domestiques, une intégration régionale plus forte et une capacité d’innovation dans les instruments financiers. L’expérience pionnière de la Bad avec les instruments hybrides et la titrisation synthétique en est un exemple. Alors que le continent fait face à un contexte international incertain marqué par des crises alimentaires, énergétiques et climatiques, le développement d’un système financier souverain permet à l’Afrique d’affirmer son rôle sur la scène mondiale, en limitant sa dépendance aux aléas extérieurs et en favorisant un modèle de croissance inclusif. C’est pourquoi le thème retenu pour ces Assemblées annuelles 2025 est à la fois un défi et une promesse : « Tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement». Il s’agit de repenser les mécanismes financiers, d’adopter des stratégies innovantes pour mobiliser les ressources nationales et internationales, et d’instaurer un cadre propice à la transformation économique durable. Alors que le président sortant du Groupe de la Banque africaine de développement, s’apprête à passer le relais, il laisse un héritage symbolique qui est celui d’une institution transformée, ambitieuse et résiliente, prête à accompagner un continent déterminé à tracer sa propre voie vers l’émergence. « Nous sommes à la pointe de l'innovation financière mondiale. Nous approfondissons l'intégration régionale. Et nous préparons l'Afrique à jouer un rôle de premier plan dans les domaines de la sécurité alimentaire, de l'accès à l'énergie, de la transformation numérique et de la résilience climatique », a-t-il souligné. L’enjeu est clair: pour que le continent africain devienne enfin maître de son avenir, la construction d’un système financier souverain, innovant et robuste est non seulement une nécessité économique, mais un impératif politique. Une transformation à l’image d’un continent qui, tout en puisant dans ses ressources et ses talents, sait aussi se projeter dans un monde en mutation pour y faire entendre sa voix.