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Emploi et développement en Afrique: L’urgence de repenser le modèle de croissance

Economie
L’avenir de l’emploi dépendra de la capacité des Etats à bâtir des économies  plus productives, inclusives et résilientes L’avenir de l’emploi dépendra de la capacité des Etats à bâtir des économies plus productives, inclusives et résilientes

Le modèle actuel de croissance en Afrique, encore trop peu inclusif et peu productif, ne suffit plus à absorber l’explosion démographique. Le continent doit s’engager résolument dans un nouveau paradigme économique, fondé sur la productivité, les infrastructures et la transformation structurelle.

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 09 oct. 2025 à 08h25 Durée 3 min.
#Développement en Afrique

L’Afrique subsaharienne connaît actuellement la transformation démographique la plus rapide de son histoire. D’ici 2050, plus de 620 millions de personnes supplémentaires rejoindront le marché du travail, soit plus des trois quarts de la croissance mondiale de la population active dans les économies en développement, selon les projections de la Banque mondiale. Cette dynamique, porteuse de promesses, s’accompagne aussi d’immenses défis dans un contexte marqué par des vulnérabilités persistantes : conflits, changement climatique, endettement et fragilité institutionnelle. Aujourd’hui, la région affiche l’un des taux d’activité les plus élevés au monde, soit 75 % pour les hommes et 65 % pour les femmes. Mais cette vitalité se heurte à une réalité implacable : la majorité des nouveaux emplois se trouvent dans le secteur informel, caractérisé par une faible productivité et peu de perspectives d’évolution. Seuls 24 % des emplois sont salariés, et cette proportion chute encore si l’on exclut les pays de l’Afrique australe. Selon la Banque mondiale, le modèle actuel de croissance ne crée pas assez d’emplois productifs. Une hausse de 1 % du Pib ne se traduit que par une augmentation de 0,04 % de l’emploi salarié. Pour relever ce défi, la région doit donc changer de trajectoire et s’appuyer sur un tissu économique plus structuré, dominé par des entreprises de taille moyenne et grande, capables de générer des emplois mieux rémunérés et durables. La Banque mondiale estime que la première exigence est de réduire les coûts structurels qui freinent le développement des entreprises. L’environnement des affaires en Afrique reste contraint par des obstacles multiples dont les infrastructures insuffisantes, l’instabilité énergétique, le faible accès au financement et la lenteur administrative. L’électricité par exemple, demeure un talon d’Achille pour les économies africaines. Les coupures fréquentes augmentent les coûts d’exploitation et réduisent les taux d’emploi de 5 à 14 points selon les pays. Des initiatives comme Mission 300, portée par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, visent à connecter 300 millions de personnes à l’électricité d’ici 2030, un levier essentiel pour stimuler la productivité.

 

Catalyseur de transformation

L’essor de l’économie numérique représente une autre voie prometteuse. L’arrivée des câbles sous-marins à fibre optique a transformé l’accès à internet dans plusieurs pays, provoquant une hausse de l’emploi de 5 à 7 % au Bénin, au Ghana, au Kenya ou encore au Nigeria. Pour amplifier cet impact, la Banque mondiale recommande de réduire les barrières financières à l’adoption des technologies numériques et de renforcer les infrastructures de données. Le développement de pôles numériques, d’incubateurs et de formations ciblées pourrait permettre aux jeunes Africains d’accéder à des emplois qualifiés dans des secteurs en expansion tels que les services numériques, le e-commerce, l’agro-industrie connectée, ou encore l’intelligence artificielle appliquée à la production agricole.

La Banque mondiale souligne également l’importance de moderniser les infrastructures de transport. En Afrique, le transport routier représente jusqu’à 90 % des échanges de marchandises, mais les réseaux demeurent insuffisants. Les coûts logistiques peuvent atteindre 20 % du coût total des importations dans les pays enclavés, freinant la compétitivité et la mobilité de la main-d’œuvre. Une planification intégrée des routes, ports et voies ferrées apparaît donc indispensable. Autre priorité est le renforcement du capital humain. La Banque mondiale insiste sur la création d’un écosystème de formation mieux aligné sur les besoins des secteurs productifs. Cela passe par une modernisation de l’enseignement technique et professionnel, et par l’acquisition de compétences fondamentales et comportementales dont l’adaptabilité, le leadership, le travail d’équipe, l’esprit critique. Ces qualités sont devenues indispensables à l’employabilité dans les secteurs à forte valeur ajoutée tels que l’agro-industrie, les énergies renouvelables ou la pharmaceutique. Enfin, la création d’emplois massifs et durables repose sur des institutions solides et transparentes. Dans plusieurs pays, la faiblesse de la gouvernance, la corruption et l’instabilité réglementaire dissuadent les investisseurs. Environ une entreprise sur quatre déclare être confrontée à des demandes de pots-de-vin pour accéder aux marchés publics. Pour la Banque mondiale, il est urgent d’adopter des politiques favorisant la concurrence, d’harmoniser les cadres réglementaires et de rendre les régimes fiscaux plus stables. L’intégration économique régionale, notamment à travers la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) offre une occasion unique de créer un marché unifié, capable de stimuler l’investissement et l’innovation. L’Afrique subsaharienne doit repenser son modèle de développement. Miser sur la productivité, la diversification, les infrastructures et le capital humain est une nécessité.