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Filière riz au Bénin: Un fort potentiel encore sous-exploité

Economie
Le Bénin serait en position d’autosuffisance alimentaire de riz à  partir de 2022 Le Bénin serait en position d’autosuffisance alimentaire de riz à partir de 2022

La filière riz s’affirme comme un levier incontournable de souveraineté alimentaire, de transformation industrielle et de création d’emplois au Bénin, dans un contexte où la consommation nationale dépasse largement la production locale, obligeant le pays à recourir à des importations massives.

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 05 août 2025 à 08h19 Durée 3 min.
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Acquis pour un montant de 428,5 milliards de francs Cfa représentant 1 813 032,6 tonnes, le riz est resté en 2024 le principal produit importé au Bénin. Il représente à lui seul 20,1 % des importations totales de marchandises, avec une hausse de 8,2 % par rapport à 2023, selon les données de l’Institut national de la statistique et de la démographie (Instad).

Malgré les efforts de production réalisés ces dernières années, le Bénin continue de faire face à un déficit structurel en matière de riz. La tendance s’est confirmée au début de l’année 2025, le produit le plus acquis à l’extérieur au premier trimestre restant le riz semi-blanchi, qu’il soit poli, glacé, étuvé ou en brisures. Les volumes ont connu une progression de 14,5 points de pourcentage par rapport au dernier trimestre de 2024 et de 28,8 points en glissement annuel.

Pendant ce temps, la production nationale de riz paddy a chuté à 492 626 tonnes en 2023, en recul de 6,2 % par rapport à la campagne précédente qui avait enregistré un record de 525 014 tonnes, selon la direction des statistiques agricoles du ministère de l’Agriculture (Dsa/Maep)..

Pourtant, la Stratégie nationale de développement de la riziculture de deuxième génération (Sndr II), couvrant la période 2019 à 2025, ambitionnait de porter la production à 1 000 000 tonnes dès 2022, puis à 1 331 000 tonnes en 2025, soit l’équivalent de 865 150 tonnes de riz blanc.

Rendement faible et insécurité

Pour atteindre cet objectif, le gouvernement misait sur l’emblavement de 215 000 hectares, soit 57 % du potentiel rizicole national, et sur une augmentation du rendement moyen de 3,5 à 5,5 tonnes à l’hectare. Dans cette dynamique, un mémorandum d’entente a été signé en 2021 avec l’Association des producteurs de riz du Nigeria (Rifan), en vue de mutualiser les expertises et booster la production nationale par transfert de technologie et de bonnes pratiques.

Aujourd’hui, l’ambition de produire un million de tonnes de riz tout en assurant sa transformation et sa commercialisation reste en grande partie à concrétiser. Cette lente progression est en partie liée à la baisse des rendements qui sont passés à 3,73 tonnes par hectare en 2023, contre une moyenne de 3,85 tonnes sur la période 2018–2022. Elle s’explique également par la réduction des superficies emblavées, affectées par l’insécurité dans certaines zones du nord du pays.

Le développement de la filière repose actuellement sur sept pôles de développement agricole. Les zones rizicoles les plus productives sont localisées dans l’Alibori avec 55 % de la production nationale, suivi de l’Atacora et des Collines qui en assurent respectivement 15 %. Les bassins rizicoles majeurs se situent à Malanville-Karimama, dans l’Atacora Ouest, à Glazoué-Dassa et dans les régions des fleuves Ouémé, Mono et Couffo. La superficie emblavée a plafonné à 134 840 hectares durant la campagne 2022–2023. Ce déficit de production traduit les limites de la transformation locale et la faible structuration des maillons intermédiaires de la chaîne de valeur.

Opportunités à fort effet multiplicateur

Autrefois aliment de luxe essentiellement consommé les jours de fête, le riz s’impose aujourd’hui comme la deuxième céréale la plus consommée au Bénin après le maïs. Il occupe une place de plus en plus importante dans l’alimentation quotidienne des populations, avec une consommation moyenne estimée entre 25 à 30 kg par habitant par an, soit au total entre 175 000 et 210 000 tonnes. Plus de 80 % de ces besoins sont couverts par les importations.

Le riz contribue à hauteur de 532 kilocalories par personne et par jour dans l’alimentation béninoise, sur une ration quotidienne optimale estimée à 3 000 kilocalories. La filière présente donc un fort effet de levier sur la sécurité alimentaire, les revenus ruraux et la balance commerciale.

Le riz cultivé au Bénin alimente une grande diversité de produits transformés : riz blanc, riz étuvé, farine, atassi, bouillie, pâte (sodji), riz soufflé, ablo, lait, vinaigre, sirop, bière ou encore papier de riz. Le sous-produit appelé “balle de paddy” est également valorisé pour la production d’énergie, d’engrais organiques ou de matériaux isolants. Ces chaînes de valeur recèlent de nombreuses opportunités de création de valeur et de rentabilité. Encore faut-il que les investissements soient davantage orientés vers l’irrigation, la mécanisation, les infrastructures de transformation et l’organisation commerciale.

Le principal frein au développement reste la faiblesse des unités de transformation modernes. La majorité des opérateurs évolue dans l’informel et manque d’équipements adaptés, de financements et d’accès à des marchés structurés. Par ailleurs, l’encadrement agricole reste insuffisant, tout comme la gouvernance de la filière qui peine à harmoniser les interventions des producteurs, transformateurs, commerçants et institutions.

Une richesse de produits dérivés

Le secteur de la transformation est fortement dominé par les femmes qui représentent 94 % des transformateurs, selon l’Observatoire du Commerce, de l’Industrie et des Services (Ocis) de la Chambre de Commerce et d’Industrie (Cci) du Bénin qui a consacré une Analyse d’opportunités à la filière riz (Ocis, octobre 2024). Majoritairement non scolarisées (73 %), ces actrices animent des micro-unités souvent informelles, centrées sur l’étuvage, le décorticage et la mise en marché.

L’étude souligne le rôle clé des modèles intégrés comme les Entreprises de services et organisations de producteurs (Esop), ces sociétés à responsabilité limitée qui allient transformation, contractualisation avec les producteurs, accompagnement technique et incitation à la qualité. A titre d’exemple, les organisations paysannes de Tchetti et Kpataba ont exporté avec succès 48 tonnes de riz équitable vers la Belgique, en partenariat avec le distributeur Colruyt.

Des unités semi-industrielles comme Songhaï, Soderiz, Cafrop ou encore la Rizerie du Crr-Mx, offrent également des références solides pour structurer le segment transformation et stimuler la compétitivité locale.