La Nation Bénin...
Ratifiée par une grande majorité des pays africains, la
Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) incarne un espoir pour le
commerce intra-africain et l’industrialisation du continent. Mais à l’épreuve
de la mise en œuvre, des écarts persistent entre les ambitions affichées et les
réalités sur le terrain.
Le projet de Zone de libre-échange continentale africaine
(Zlecaf) est sans aucun doute l’un des plus ambitieux de l’histoire
contemporaine du continent. En août 2024, ce sont 48 des 55 États membres de
l’Union africaine qui ont ratifié l’accord, marquant une volonté politique
claire de bâtir un marché commun de 1,3 milliard d’habitants. Une avancée
saluée comme un pas décisif vers la réalisation de la Communauté économique
africaine inscrite dans les traités fondateurs de l’Union africaine.
Selon le dernier rapport sur l’état de l’intégration régionale en Afrique (Aria XI), la dynamique de la Zlecaf ne faiblit pas. Les protocoles des phases 1 et 2 sont en grande partie finalisés, notamment la soumission d’offres tarifaires par 45 pays et la conclusion de 22 engagements spécifiques dans des secteurs prioritaires du commerce des services. Des avancées notables ont également été enregistrées en matière de protocoles relatifs à l’investissement, aux droits de propriété intellectuelle et à la politique de concurrence, adoptés par l’Assemblée de l’Union africaine en février 2023. Au-delà des aspects purement commerciaux, la Zlecaf a élargi son champ d’action pour inclure des initiatives spécifiques en faveur des femmes, des jeunes et du commerce numérique. Une orientation salutaire quand on sait que les femmes représentent près de 70 % du commerce transfrontalier informel en Afrique. Toutefois, la concrétisation des bénéfices de la Zlecaf suppose de sauter plusieurs verrous structurels. Parmi eux, la création d’un environnement véritablement libéralisé pour le transport aérien via le Marché unique du transport aérien africain (Mutaa) et la ratification du protocole sur la libre circulation des personnes, du droit de résidence et du droit d’établissement. Ces volets sont essentiels pour fluidifier les échanges et stimuler les investissements intra-africains.
Obstacles structurels
Si la ratification politique est massive, la mise en
œuvre concrète révèle tout autre réalité. L’Initiative de commerce guidée (Gti)
qui visait à donner vie à la Zlecaf grâce à des échanges pilotes entre pays
volontaires, a permis de tester les mécanismes sur le terrain. Initialement
limitée à huit pays, elle s’est étendue à 35, couvrant l’ensemble des produits.
Mais les données recueillies mettent en évidence des défis persistants tels que
la compréhension limitée des procédures commerciales, les fausses idées sur les
droits de douane, les difficultés logistiques; autant d’écueils qui freinent
l’essor du commerce intra-africain. S’y ajoutent des disparités marquées en
termes de revenus, de productivité et de niveaux d’industrialisation entre
pays. Ces écarts, conjugués aux carences d’infrastructures et aux barrières non
tarifaires (Bnt) toujours nombreuses, entretiennent la fragmentation des
marchés africains. La facilitation des échanges reste donc une priorité pour
donner corps aux promesses de la Zlecaf.
Face à ces défis, l’Aria XI trace une feuille de route
pour dynamiser l’intégration. D’abord, les États membres sont appelés à
respecter strictement les calendriers de libéralisation tarifaire et à
accélérer les réductions convenues. L’alignement des politiques nationales sur
les engagements de la Zlecaf apparaît également incontournable. Pour cela, les
gouvernements doivent mobiliser des ressources suffisantes, renforcer leurs
capacités institutionnelles et collaborer pour partager les meilleures
pratiques. Le rapport insiste aussi sur la nécessité de rendre pleinement
opérationnel le fonds d’ajustement de la Zlecaf, destiné à compenser les pertes
de recettes tarifaires et à soutenir les secteurs impactés par la
libéralisation. À cette fin, son financement doit être assuré de manière
pérenne pour éviter de créer de nouvelles sources de tensions entre États
membres.
Un autre levier clé réside dans la facilitation de la
libre circulation des personnes. La ratification et la mise en œuvre effective
du protocole y afférent permettraient de débloquer un potentiel considérable
d’opportunités économiques, tout en facilitant la conduite des affaires et des
investissements sur le continent.
Enfin, l’Aria XI souligne l’importance de renforcer les institutions nationales et régionales. Des structures efficaces et bien coordonnées sont indispensables pour lever les barrières non tarifaires, améliorer la coopération douanière et garantir le respect des engagements pris. Cela contribuera à réduire l’écart persistant entre une intégration de jure et une intégration de facto, et à répartir plus équitablement les bénéfices de l’intégration régionale.