En 2016, l’Uemoa lançait sa première stratégie régionale d’inclusion financière, avec pour ambition de permettre à une majorité de citoyens d’accéder aux services financiers de base. Huit ans plus tard, le bilan est notable.
Selon un communiqué de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (Bceao), le taux d’inclusion est passé de 47 % à 72,3 %, avec près de 200 millions de nouveaux comptes ouverts dans les banques, la microfinance ou en monnaie électronique. Mais ce progrès quantitatif, bien que important, a mis en lumière de nouvelles exigences qualitatives. Avec la stratégie 2025-2030, les décideurs veulent aller au-delà des chiffres bruts. L’enjeu désormais est de garantir une inclusion véritablement utile, équitable et durable, reposant sur une offre de services adaptée, des mécanismes de régulation renforcés et une meilleure éducation des populations cibles. Le document-cadre se distingue par une volonté affirmée de corriger les déséquilibres qui persistent dans l’accès aux services financiers. Les femmes, les jeunes, les populations rurales, les personnes déplacées, les personnes en situation de handicap, mais aussi les Pme/Pmi sont spécifiquement ciblés. Ce repositionnement stratégique entend combler le fossé qui sépare les couches privilégiées des segments les plus vulnérables. Cette approche différenciée repose sur une meilleure compréhension des besoins. Par exemple, les femmes rurales ont besoin de produits de micro-assurance souples et accessibles, tandis que les jeunes peuvent bénéficier de comptes d’épargne digitaux et de crédits éducatifs adaptés à leurs cycles de formation ou d’insertion professionnelle. L’éducation financière est l’un des grands tournants de cette nouvelle stratégie. L’Uemoa veut faire passer l’inclusion financière du stade de l’accès à celui de l’utilisation éclairée. Beaucoup de citoyens, notamment ceux récemment bancarisés n’ont pas les connaissances nécessaires pour utiliser efficacement les outils financiers mis à leur disposition. Désormais, des programmes d’éducation financière seront déployés à large échelle, avec des supports adaptés aux niveaux d’instruction et aux langues locales. Des modules de sensibilisation seront intégrés dans les cursus scolaires et des campagnes médiatiques cibleront les zones rurales afin de renforcer l’autonomie des usagers et éviter les pièges de l’endettement ou des produits mal compris.
Innovation et technologie
La stratégie 2025-2030 mise fortement sur l’innovation financière. Les nouvelles technologies offrent une opportunité unique de réduire les coûts, d’élargir la couverture géographique et de proposer des services sur mesure. Le développement des fintechs, l’essor des paiements mobiles, les plateformes numériques de microfinance ou d’assurance sont autant de solutions à encourager. La Bceao et les États membres entendent accompagner ce mouvement en assouplissant certains cadres réglementaires, tout en garantissant la sécurité des transactions. Il s’agit de stimuler l’offre sans compromettre la confiance, essentielle pour des populations parfois méfiantes vis-à-vis des circuits formels.
Autre changement majeur, le renforcement du cadre légal et de supervision. La stratégie prévoit une actualisation des textes régissant la microfinance, les services de paiement et les institutions de crédit, afin de les adapter aux réalités technologiques et aux attentes des consommateurs. La protection du consommateur est placée au cœur du dispositif. Cela inclut la clarté des conditions contractuelles, la transparence sur les tarifs, la gestion efficace des litiges et la surveillance accrue des pratiques commerciales. Une inclusion durable ne peut se construire que sur la confiance entre usagers et prestataires de services financiers. Dans un contexte où les réalités sont parfois mal perçues, la donnée devient une ressource stratégique. La nouvelle stratégie mise sur l’exploitation des données disponibles pour mieux cerner les besoins, évaluer l’impact des politiques et anticiper les évolutions du marché.
De même, un système régional de collecte, de traitement et de partage d’informations sur l’inclusion financière sera mis en place, mobilisant les régulateurs, les fournisseurs de services financiers et les partenaires techniques. L’objectif étant d’alimenter des prises de décision fondées sur des faits. La stratégie prévoit également un système de suivi-évaluation robuste, avec des indicateurs précis, des revues périodiques et une remontée d’informations continue sur les avancées et les obstacles rencontrés.
À l’horizon 2030, l’Uemoa veut parvenir à une inclusion financière massive, mais surtout équitable, centrée sur les besoins réels des populations. Le pari est de toucher 9 adultes sur 10, en leur fournissant des services sûrs, utiles et responsables. En toile de fond, c’est toute la résilience sociale, la réduction de la pauvreté et la croissance inclusive de la région qui sont en jeu