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Ouverture des visas en Afrique: Des avancées réelles, des réformes encore inachevées

Economie

Le Rapport 2025 sur l’ouverture des visas en Afrique dresse un bilan contrasté de la mobilité sur le continent. Si des progrès notables sont enregistrés en une décennie, des disparités persistent et la volonté politique demeure le principal levier d’accélération.

Par   Arnaud DOUMANHOUN, le 22 déc. 2025 à 01h41 Durée 3 min.
#visas en Afrique

« La mobilité est le moteur de l’intégration africaine ». C’est sur ce fort message qu’a été lancé le Rapport 2025 sur l’ouverture des visas en Afrique. Commerce, circulation des compétences, investissements, tourisme ou encore opportunités éducatives : la libre circulation des personnes apparaît de plus en plus comme une condition essentielle à la réalisation de l’agenda d’intégration du continent.

Selon les données du rapport, le score moyen continental d’ouverture des visas s’établit en 2025 à 0,448, traduisant une progression modérée mais réelle. Les dix pays africains les plus ouverts parmi lesquels figure le Bénin, atteignent une moyenne élevée de 0,890, tandis que les vingt premiers culminent à 0,781. Ces écarts illustrent à la fois le potentiel de réforme existant et l’urgence pour les États les moins performants de rattraper leur retard. Sur la période 2016-2025, les voyages sans visa en Afrique sont passés de 20 % à 28 %, permettant à des millions d’Africains de se déplacer plus librement pour des raisons professionnelles, familiales, touristiques ou académiques. Parallèlement, la numérisation des procédures a profondément transformé les politiques migratoires. Le nombre de pays proposant des visas électroniques (e-visa) est passé de neuf en 2016 à 31 en 2025, témoignant d’une modernisation progressive de la gestion des frontières. Toutefois, cette évolution technologique n’est pas sans effets ambivalents. Le rapport souligne une baisse notable de l’accès aux visas à l’arrivée, passé de 28 % en 2020 à 20 % en 2025, tandis que les exigences de visa avant le voyage n’ont reculé que légèrement, de 55 % à 51 %. Dans certains cas, les outils numériques ont déplacé les contraintes administratives du pays de destination vers le pays de départ, affectant les scores d’ouverture.

Outil de référence

L’année 2025 marque également la dixième année consécutive de suivi des politiques de visas par l’Indice d’ouverture des visas en Afrique (Africa Visa Openness Index : Avoi). Sa méthodologie qui est de demeurer constante sur une décennie, permet une comparaison rigoureuse des politiques migratoires entre pays africains. Un score maximal de 1 est attribué lorsque aucun visa n’est exigé entre deux pays. Le visa à l’arrivée obtient 0,8 point, valorisant l’absence de formalités préalables, tandis que l’obligation de visa avant le voyage, qu’elle soit papier ou numérique, n’accorde aucun point. En 2025, l’Avoi affiche un score global combiné de 0,445, inférieur à celui des trois années précédentes et comparable à celui de 2021, confirmant une phase de stagnation relative après plusieurs années de progression.

Cette année encore, le Rwanda et la Gambie conservent leur position de leaders continentaux, ayant atteint une ouverture quasi totale. Le Kenya se hisse à la troisième place, grâce à la réforme de son système d’Autorisation électronique de voyage (Eta), qui exonère désormais les ressortissants de 52 pays africains de ces formalités. Le Bénin reste dans les starting-blocks mais s'affiche à la quatrième place, conséquence de l’introduction récente de visas pour les citoyens de cinq pays africains. Au total, 20 pays ont modifié leur régime de visas en 2025 dont 11 ont amélioré leur score, neuf ont enregistré un recul, tandis que 34 pays ont maintenu le statu quo.

La volonté politique

Malgré ces fluctuations, le nombre de scénarios de voyage sans visa continue d’augmenter, passant de 803 en 2024 à 814 en 2025, soit 28,2 % des déplacements intra-africains, un niveau record depuis la création de l’indice.

Pour Nnenna Nwabufo, vice-présidente du Groupe de la Banque africaine de développement chargée du Développement régional et de l’Intégration, les politiques d’ouverture des visas constituent un véritable choix stratégique. « Plus d’une décennie d’expérience démontre que l’ouverture des visas peut être un levier de développement délibéré. Elle stimule le commerce, le tourisme, les investissements et renforce la confiance régionale », a-t-elle déclaré, appelant les gouvernements à traduire leurs engagements en actions concrètes.

Les débats ont également mis en lumière le rôle déterminant de la volonté politique. Si les préoccupations sécuritaires et les contraintes de capacités nationales sont reconnues comme légitimes, elles servent souvent de justification au report des réformes. Ce décalage persistant entre les ambitions d’intégration affichées par l’Afrique et l’expérience quotidienne des voyageurs rappelle que la mobilité ne repose pas uniquement sur des procédures, mais aussi sur la confiance entre États.