La Nation Bénin...
Malgré des ressources abondantes, l’Afrique peine à
offrir des conditions de vie décentes à ses populations. L’édition 2025 de la
Revue annuelle sur l’efficacité du développement de la Banque africaine de
développement (Bad) relève un constat préoccupant sur l’accès à l’eau, à
l’éducation, à la santé et à l’emploi.
L’Afrique regorge de richesses naturelles, humaines et
culturelles qui devraient logiquement soutenir un développement rapide et
inclusif. Pourtant, comme le souligne la Revue annuelle 2025 de la Banque
africaine de développement (Bad) sur l’efficacité du développement, les
avancées vers une amélioration réelle de la qualité de vie restent timides et
souvent inégales. Les défis sont multiples et touchent des secteurs vitaux.
En matière d’accès à l’eau, à l’assainissement et à
l’hygiène, les chiffres sont particulièrement inquiétants. La revue note que
418 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’eau potable, tandis que
839 millions sont privés de services d’hygiène de base. En dépit de légers
progrès entre 2020 et 2022, l’Afrique reste très éloignée des Objectifs de
développement durable (Odd). La Bad estime qu’il faudra multiplier par 42 les
efforts pour garantir des services d’hygiène de base à tous. Ces difficultés
sont exacerbées dans les zones rurales, où trois quarts de la population n’ont
pas accès à l’eau potable et aux services d’assainissement sûrs. Pour y
remédier, la Banque met en œuvre sa Stratégie décennale (2024–2033), avec des
investissements orientés vers des infrastructures durables, résilientes au
climat, et une meilleure gouvernance de l’eau. Sa politique de l’eau, adoptée
en 2021, insiste sur la gestion intégrée des ressources hydriques et le
développement de l’hydroélectricité.
Le secteur de la santé connaît lui aussi des avancées
notables mais encore insuffisantes. L’espérance de vie progresse, les décès dus
aux maladies transmissibles reculent, et la couverture des services essentiels
s’améliore légèrement. Toutefois, les infrastructures de santé restent
inadéquates, et le sous-financement chronique freine l’accès à des soins de
qualité. La revue fait savoir que l’Afrique conserve l’espérance de vie la plus
faible au monde et enregistre les taux de mortalité maternelle et infantile les
plus élevés. À cela s’ajoute une forte dépendance à l’aide extérieure, mise à
mal par la baisse des financements internationaux. La pauvreté, quant à elle,
demeure endémique. En 2023, 31,6 % des Africains vivaient encore sous le seuil
de pauvreté. Certes, l’indice de Gini a légèrement baissé, témoignant d’un
recul modeste des inégalités. Mais cette amélioration relative induite par
certains pays notamment, ne se traduit pas par une croissance inclusive
suffisante pour réduire la précarité, notamment dans les zones rurales,
toujours plus vulnérables.
Action concertée
Le véritable défi du continent réside dans l’exploitation
de son capital humain, en particulier les jeunes. Près de 73,3 % des Africains
ont moins de 35 ans. Pourtant, 26,1 % de ces jeunes sont inactifs, sans emploi,
sans éducation ni formation. Parmi eux, trois sur cinq sont des femmes. Alors
que la population active atteindra deux milliards de personnes d’ici 2063, la
Bad appelle à intensifier l’accès à l’éducation et à la formation
professionnelle, afin de tirer parti de ce dividende démographique.
Des signes d’amélioration existent néanmoins. Entre 2020 et 2023, le ratio emploi/population a légèrement progressé, atteignant 64,6 %. Le taux d’emploi chez les jeunes est passé de 46,9 % à 53 %. Mais ces chiffres masquent une réalité plus dure : la majorité de ces emplois (83,1 %) sont informels, précaires et peu productifs. La Banque attire donc l’attention sur la crise de l’apprentissage. Sur 85 millions d’enfants non scolarisés, une écrasante majorité n’arrive pas à lire un texte simple à l’âge de 10 ans. Le taux d’inscription dans l’enseignement supérieur est de 9 %, contre 38 % au niveau mondial. De plus, les investissements en recherche et développement sont notoirement bas (0,6 % du Pib contre 1,79 % en moyenne mondiale), limitant les innovations capables de transformer les économies. Face à ces constats, la Bad appelle à une action concertée avec des politiques publiques audacieuses, des investissements massifs dans les infrastructures sociales, une volonté politique forte et une mobilisation du secteur privé. Sa stratégie décennale entend construire des communautés résilientes, accroître la productivité et créer des emplois décents. En somme, il s’agit d’un changement de paradigme pour faire de la croissance économique un levier tangible d’amélioration des conditions de vie. Dans un contexte mondial marqué par l’instabilité climatique, la géopolitique incertaine et les pressions démographiques, la quête d’un mieux-vivre pour les Africains est plus qu’un impératif moral. C’est une urgence stratégique pour la stabilité, la paix et la prospérité du continent.