La Nation Bénin...
Alors
que les besoins de financement des pays en développement explosent, les
prévisions 2025 de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le
développement (Cnuced) sonnent l’alarme. La baisse drastique de l’aide publique
au développement ainsi que des conditions financières hostiles menacent les
économies les plus vulnérables, qui doivent désormais s’orienter résolument
vers les financements locaux.
Le
tableau dressé en mars 2025 par la Conférence des Nations Unies sur le commerce
et le développement (Cnuced) sur l’évolution des flux financiers vers les pays
en développement n’est guère rassurant. Alors que les besoins d’investissements
pour atteindre les Objectifs de développement durable (Odd) restent colossaux,
deux signaux négatifs émergent. Une aide publique au développement (Apd) en
nette baisse et des flux privés incertains, sur fond de tensions monétaires et
de frilosité des marchés. Face à cette contraction des ressources, certains
États africains, dont le Bénin, multiplient les stratégies de financement
endogène pour préserver leur trajectoire de développement.
Selon
les estimations, les principaux donateurs du Comité d’aide au développement
auraient réduit leur contribution de près de 18 % entre 2023 et 2025. Une
tendance qui pénalise fortement les pays vulnérables, notamment en Afrique
subsaharienne, où ces aides soutiennent des secteurs vitaux comme la santé,
l’éducation, les infrastructures et la lutte contre l’insécurité alimentaire.
En 2023, l’aide publique au développement dédiée à la gestion de la dette des
pays en développement s’effondrait à 0,2 milliard de dollars, contre près de 6
milliards dix ans plus tôt. L’aide à l’infrastructure économique stagnait à 28
milliards, tandis que l’humanitaire bondissait à 31 milliards. Cette
réorientation révèle un paradoxe : les aides d’urgence progressent, mais les
ressources pour construire la résilience économique dégringolent.
Dans ce contexte morose, plusieurs pays africains tentent de prendre leur destin en main. Le Bénin, par exemple, a intensifié ses efforts pour mobiliser l’épargne nationale et attirer les financements domestiques. Depuis 2022, le gouvernement a multiplié les émissions de bons et obligations du Trésor sur le marché financier régional de l’Uemoa, avec des résultats notables. En 2024, près de 80 % du financement du budget d’investissement provenait de ressources locales. Outre les émissions obligataires, le gouvernement encourage l’épargne populaire à travers des produits d’investissement simplifiés, accessibles aux ménages et Pme. La Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm) devient ainsi un levier stratégique pour la mobilisation de capitaux internes, réduisant la dépendance aux aides extérieures.
Des modèles similaires
Le
Sénégal a adopté une démarche comparable, en créant des Fonds souverains
d’investissements, alimentés par des recettes fiscales et des partenariats
public-privé. L’objectif est de financer l’industrie, l’agriculture et les
infrastructures de manière autonome. Le Rwanda mise sur la bancarisation de
masse et la microfinance pour transformer l’épargne locale en outil de
financement du développement. La politique fiscale progressive mise en place
favorise également la collecte de recettes internes. Même au Nigeria, en proie
à une dette publique croissante, les autorités ont lancé des programmes
d’obligations vertes pour financer la transition énergétique, avec une
mobilisation croissante du secteur privé national.
En
parallèle, les flux privés internationaux vers les pays en développement
restent volatils. L’anticipation d’un renforcement du dollar américain et les
incertitudes sur la politique commerciale des États-Unis ont généré une forte
instabilité monétaire. En avril 2025, la fuite vers des actifs sûrs a provoqué
d’importantes sorties de capitaux de plusieurs marchés émergents. La Chine a
connu d’importantes retraits d’investissements non-résidents fin 2024, avant un
timide retour début 2025. Le Brésil a, de son côté, bénéficié d’un regain de
confiance, tout comme l’Inde, grâce à une stabilité macroéconomique mieux
maîtrisée. Mais pour de nombreux pays africains, les spreads obligataires
restent élevés, et les coûts d’emprunt dépassent souvent les 8 %, notamment
pour les économies dites de marché “frontières”.
Dans un monde où la solidarité internationale se fragilise, les pays en développement ne peuvent plus se baser uniquement sur les ressources extérieures. La Cnuced appelle à repenser les modalités de l’aide, à réorienter l’aide publique au développement vers des projets productifs, et à renforcer la voix des pays bénéficiaires dans la planification de l’aide. Mais au-delà des réformes globales, l’initiative locale devient cruciale. Les stratégies du Bénin, du Sénégal ou du Rwanda montrent que l’innovation financière et la mobilisation des ressources internes peuvent pallier, partiellement, le désengagement des bailleurs. Une voie exigeante, mais indispensable pour préserver l’ambition de développement durable sur le continent africain.