Serge N’Dah au sujet de l’impôt sur les revenus fonciers : « Le locataire doit s’assurer que les 12 % sont versés… »
Economie
Par
Arnaud DOUMANHOUN, le 18 janv. 2022
à
09h10
Serge N’Dah, attaché des services financiers et chef service du budget à la Direction générale du matériel et de la Logistique au ministère des Finances, apprécie quelques innovations contenues dans le nouveau Code des impôts.
La Nation : Le nouveau Code des impôts a suscité une vague de polémique. Que peut-on retenir des dispositions querellées ?
Serge N’Dah : Il faut d’abord observer qu’il n’y a eu qu’une amélioration des dispositions de l’ancien texte, qui au fond n’a pas totalement disparu, car plusieurs articles sont reconduits dans le nouveau code. Parlant de dispositions querellées, il s’agit de celles relatives à l’impôt sur les revenus fonciers et sur les traitements et salaires. L’impôt sur le revenu des personnes physiques dans la catégorie revenu foncier a changé de dénomination et est devenu impôt sur les revenus fonciers avec une baisse du taux d’imposition. Ce taux variait selon le loyer que percevait le propriétaire ou le bailleur. Il fallait que 10 ou 20 % soient retenus à la source comme impôt sur les revenus fonciers (Irf). Selon l’ancien code, c’était 10 % pour les revenus inférieurs à 3 millions F Cfa et 20 % pour les autres revenus. Lorsque l’Etat prend en bail des bâtiments pour installer ses services, il faisait également face à cette obligation vis-à-vis du privé. Il faut dire que cela crée une injustice, parce que nous sommes dans un même environnement économique, et on ne peut pas appliquer 10 % à certains et 20 % à d’autres. C’est pour pallier cette situation que les députés ont décidé de ramener l’impôt sur le revenu foncier à un taux unique de 12 %. Mais il faut que les gens sachent que même s’ils sont locataires, ils doivent s’assurer que le propriétaire ou le bailleur a versé les 12 %. Si vous n’avez pas l’assurance que le propriétaire ira verser l’impôt sur le revenu foncier, vous pouvez prélever les 12 %, que vous irez verser au Trésor au titre d’Irf, parce que vous devez collaborer avec l’administration fiscale. Pour vérifier si le propriétaire verse l’impôt, le locataire se rend à la fin du trimestre au Centre des impôts de sa localité. Si le bailleur n’est pas à jour vis-à-vis du fisc, il reçoit un numéro, et désormais, en voulant payer le loyer, il récupère les 12 %. Le code lui donne le droit de prélever l’Irf à la source et d’aller verser aux impôts contre quittance, ou d’aller directement verser au Trésor. Lorsque l’Etat loue un bâtiment chez un privé par exemple, c’est systématique. L’Etat prend le soin de récupérer ces pourcentages à la source et c’est le loyer net qui est versé au propriétaire. Mais lorsque
le locataire ne joue pas sa partition, et la dette fiscale va atteindre un certaint montant, le fisc peut décider de sortir le locataire après des sommations, des avis d’imposition, parce que ça devient une responsabilité solidaire. Le fisc va estimer que ce locataire est de connivence avec son propriétaire. C’est là qu’interviennent les saisies.
Imaginez que le locataire a loué les lieux pour une activité, il sera non seulement mis dehors, mais ses équipements seront également saisis.
Qu’en est-il de l’impôt sur les traitements et salaires ?
Nous avons la disposition qui concerne l’impôt sur les traitements et salaires qu’on appelait Impôt progressif sur le traitement des salaires (Ipts) devenu Impôt sur les traitements et salaires (Its). Cet impôt a également connu
quelques aménagements. L’Ipts frappait les salaires à partir de 50 000 F, mais aujourd’hui, au regard de la morosité et étant donné que les salaires seront revus d’ici peu, notamment le Smig qui va monter, les députés ont anticipé et ont souhaité que l’impôt sur les traitements et salaires soit désormais appliqué au-delà de 60 000 F Cfa. L’avantage ici est qu’il s’agit d’un impôt qui favorise la gent féminine, qui respecte le principe de l’égalité entre les sexes. La loi est générale, obligatoire et coercitive, c’està-dire susceptible d’entrainer une sanction contraignante en cas de non-respect, et elle doit être la même pour tout le monde. L’Ipts était favorable aux hommes en ce sens où, lorsque celui-ci avait des enfants, on lui réduisait le taux de l’Ipts compte tenu du nombre d’enfants à charge, alors que la femme n’a droit à rien, puisque lorsque votre mari est fonctionnaire et bénéficie
de l’allocation familiale, vous femme n’y avez plus droit mais vous bénéficiez à votre retraite d’une bonification sur enfant. Maintenant, il arrive que certains hommes délèguent l’allocation familiale à leurs femmes, et pour cela, il faut une décision du juge. Ainsi, l’Etat a voulu que l’homme et la femme soient traités de façon équitable, donc qu’on ne tienne plus compte du nombre d’enfants à charge pour réduire l’Impôt sur les traitements et salaires. C’est pour dire que la loi vise l’équité.
Quel est le contexte qui a prévalu au vote du nouveau Code des impôts ?
Je dirai que le gouvernement avait le souci d’alléger le poids fiscal aux populations. Vous savez que nous sommes dans une conjoncture régionale, voire internationale notamment avec la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. Il est demandé aux Etats de prendre des mesures pour ne pas lourdement faire ressentir les répercussions surtout d’ordre financier aux populations. Et comme il a été déjà dit, il est aussi question de simplifier la structure et de corriger les incohérences dans les règles d’imposition qui étaient une source d’évasion et d’optimisation exagérée, d’actualiser les dispositions désuètes, redondantes ou sans objet, d’introduire dans le dispositif fiscal des mesures incitatives pour les Pme-Pmi en général et celles du secteur numérique en particulier, et d’équilibrer les relations entre l’administration et les contribuables avec des dispositions procédurales claires.
Est-ce que ce code ne génère pas trop de contraintes fiscales ?
Les lois de façon générale et celle fiscale portent forcément des contraintes. Et en réalité, la contrainte vient lorsque vous ne payez pas vos impôts. C’est lorsque vous ne payez pas qu’on vous oblige à répondre aux exigences de la loi. Vous connaissez l’adage : « Qui paie sa dette s’enrichit ».