La Nation Bénin...
Malgré
des signes apparents de résilience, les économies de la Cedeao restent exposées
à de fortes vulnérabilités financières, selon une récente étude universitaire.
L’analyse met en lumière des faiblesses structurelles persistantes et appelle à
des réformes urgentes.
Les
systèmes financiers des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique
de l’Ouest (Cedeao) demeurent fragiles, malgré une résilience apparente. C’est
le constat alarmant d’une étude récemment publiée dans la Revue d’analyse des
politiques économiques et financières (Rapef, volume 7, numéro 1, juin 2024).
Réalisée par Mamadou Nouhou Diallo, Seydou Nourou Ndiaye et Abdou Diouf Soumah
du Centre de recherches économiques appliquées (Crea) de l’Université Cheikh
Anta Diop de Dakar, cette recherche propose un indicateur composite de
stabilité financière inédit, adapté aux réalités économiques et financières des
pays de la région, pour mieux appréhender la complexité de ces vulnérabilités.
Fondé
sur l’Analyse en composantes principales (Acp), cet indicateur se décline en
trois sous-indices : solidité financière, structure financière et indicateurs
macroéconomiques. Il permet de capter les chocs internes et externes, tout en
identifiant les périodes de vulnérabilité systémique sur la période 2000-2017.
Dans la perspective du projet d’intégration monétaire de la Cedeao, cet outil statistique innovant pourrait jouer un rôle clé, estiment les auteurs. Il offrirait aux autorités monétaires une base analytique solide pour mieux coordonner les politiques et prévenir les crises. Toutefois, les auteurs reconnaissent une limite importante : les données analysées s’arrêtent à 2017, ne prenant donc pas en compte les bouleversements liés à la pandémie de Covid-19.
Prêts non performants
L’étude
révèle que la stabilité financière dépend étroitement des agrégats
macroéconomiques, de la solidité des bilans bancaires et de la profondeur du
système financier. Entre 2010 et 2017, période post-crise financière mondiale,
on observe un ralentissement du développement financier, avec une exposition
accrue du secteur bancaire aux chocs économiques.
L’un
des constats les plus préoccupants porte sur la prévalence des prêts non
performants, qui atteignent en moyenne 16,94 %, bien au-delà du seuil de 10 %
communément admis. Ces créances douteuses pèsent sur la rentabilité et la
liquidité des banques, provoquant un stress financier persistant. Selon les
auteurs, cette situation fragilise l’ensemble du système bancaire et accroît le
risque d’instabilité financière, surtout en période de turbulence économique.
Autre
signe de faiblesse structurelle, l’accès restreint au crédit bancaire. Le ratio
de prêts par rapport au produit intérieur brut (Pib) tourne autour de 20 % dans
la région, contre plus de 50 % dans les pays développés. Ce faible niveau de
financement freine la croissance des petites et moyennes entreprises,
essentielle à l’économie régionale. Ce manque de crédit est en grande partie dû
à une intermédiation financière peu développée et à un environnement perçu
comme risqué par les établissements bancaires, selon les chercheurs.
Dette : une trajectoire préoccupante
L’étude
souligne également une surexposition croissante à la dette publique dans
plusieurs pays en Afrique de l’Ouest. Si le taux d’endettement global demeure
en deçà du seuil de 70 % fixé dans les critères de convergence macroéconomique,
la tendance actuelle inquiète. Le surendettement devient critique lorsque le
taux de croissance économique est inférieur au taux d’intérêt de la dette,
entraînant un effet boule de neige sur les finances publiques. Ce déséquilibre
nourrit un cercle vicieux marqué par la stagnation, la panique bancaire et la
raréfaction des financements.
Par
ailleurs, les chercheurs attirent l’attention sur les événements imprévus, les fameux « cygnes noirs » comme les chocs
climatiques ou l’instabilité politique, lesquels peuvent amplifier les déséquilibres
existants. Ils plaident pour un renforcement de la gouvernance économique et de
la qualité des institutions, jugées déterminantes pour préserver la stabilité
financière régionale.
Forts de ces constats, les auteurs appellent à une réforme en profondeur du cadre macroprudentiel dans l’espace Cedeao. Ils recommandent une meilleure coordination des politiques de prévention, une surveillance accrue et une articulation renforcée entre politiques monétaire et budgétaire. La mise en place d’un système d’alerte précoce, fondé sur des indicateurs financiers, macroéconomiques et institutionnels, apparaît désormais comme une priorité stratégique.