La Nation Bénin...
La
question de la coopération économique mondiale était au cœur du débat de
l’Institut des artisans de Justice et de paix (Iajp). Jeudi 16 mai dernier à
son siège à Cotonou, l’Iajp a convié les anciens ministres Lazare Sèhouéto et
Ganiou Soglo, ainsi que le professeur Jean-Claude Hounyovi, autour de la
thématique. Les invités ont identifié des secteurs clés dont il faudra
s’occuper autrement.
L’Afrique
vit à un rythme économique parfois désynchronisé par rapport au temps mondial.
Au cours du débat initié, jeudi dernier, par l’Institut des artisans de Justice
et de paix (Iajp), Jean-Claude Hounyovi, Lazare Sèhouéto et Ganiou Soglo, ont
partagé avec le parterre d’invités venus des institutions de la République, des
organisations non gouvernementales et des centres universitaires, leur lecture
de la situation.
Le
diagnostic posé révèle que, malgré des signes de reprise, des Etats africains
restent largement à l’écart de la dynamique de certains pays émergents, et même
de la dynamique mondiale. « La mondialisation telle qu’elle est montée est
faite au détriment des pays sous-développés », affirme le Pr Jean-Claude
Hounyovi pour lancer le débat. L’universitaire estime que la mondialisation
n’est qu’un gadget servi aux pays sous-développés par les grandes puissances
mondiales, pour continuer à les dominer. Ce qui fait que leurs efforts se
heurtent aux alliances néolibérales qui ont érigé les nouveaux droits ou
valeurs morales, comme des critères de durabilité de l’Ocde. Pour le ministre
Ganiou Soglo, économiste-financier et entrepreneur agricole, « la
mondialisation devrait être une opportunité pour les pays africains.» Mais, à
l'en croire, les bases de négociations et d’échanges sont largement en défaveur
de l’Afrique. Pour lui, les institutions de Bretton Woods, telles que la Banque
mondiale et le Fonds monétaire international, ne sont qu’au service des grandes
puissances. Voilà pourquoi, il conseille d’aller moins vers les emprunts et les
dettes, car estime-t-il « la dette mal gérée est un poison ». Plus radical, le
ministre Lazare Sèhouéto dira que « le Bénin n’existe pas vraiment, parce que
ne proposant pas grand-chose au rendez-vous de la mondialisation ». Dans son
analyse, il fait remarquer que le Bénin, à l’instar de l’Afrique, est comme une
terre d’expérimentation de toutes les coopérations depuis 1990, avant d’ajouter
que le pays n’attire pas vraiment de capitaux étrangers, même si des efforts
sont faits depuis peu. Et c’est ici que le Pr Hounyovi insiste sur « le modèle
économique qui est très peu productif», selon lui.
Changer de paradigme
Reconstituer les écosystèmes régional et sous-régional, et forger des Etats forts et responsables. C’est ce que propose l’ancien ministre Lazare Sèhouéto. Pour parvenir à exister économiquement et réellement amorcer la marche vers le développement, l’acteur politique pense que c’est un passage obligé. Député à l’Assemblée nationale, l’homme pense que l’autre chantier capital dont il faudra forcément tenir compte, c’est de former l’élite politique. Car, pour lui « le premier problème des Etats africains, c’est la qualité du personnel politique».
La
question de la formation de l’individu et du citoyen est aussi le premier point
soulevé par le ministre Ganiou Soglo. «Aucun pays ne s’est développé en
omettant les fondamentaux, notamment l’éducation et la formation », lance
-t-il. Il rappelle l’exemple du Vietnam (dont les exportations de marchandises
représentaient 91 % du Produit intérieur brut en 2022) qui s’y est consacré
après les affres de la Guerre mondiale pour réussir à se hisser au rang des
nations qui ont une économie qui pèse aujourd’hui dans l’économie mondiale. A
cette proposition, il ajoute la question des libertés fondamentales, qui
doivent permettre aux citoyens d’être libres et de pouvoir entreprendre et
réaliser, dans un environnement qui apaise et rassure. Revenant sur la question
des dettes extérieures, son vœu, c’est qu’il faut mettre l’accent sur la
mobilisation de l’épargne locale.
Le
professeur Jean-Claude Hounyovi, enseignant des universités du Bénin pense
d’ailleurs que le modèle économique actuel béninois ne peut pas assurer le
développement national. Car, ajoute-t-il, une économie de cueillette n’a jamais
développé un pays. Il faut migrer vers l’industrialisation et la
transformation, pour créer de l’emploi et proposer des produits finis sur les
marchés sous-régionaux et internationaux. Et il se veut plus précis : «
Exporter les matières premières, c’est exporter l’emploi. ».