La Nation Bénin...
L’Afrique dispose d’un fort potentiel pour bâtir une
industrie compétitive, résiliente et créatrice d’emplois. Mais le rythme
d’industrialisation reste lent. Les actions doivent être multipliées pour
accélérer la transformation structurelle à travers le renforcement des chaînes
de valeur, l’accès au financement et le développement de secteurs clés comme
l’agro-industrie, les minerais stratégiques ou la pharmacie.
L’industrialisation est plus que jamais perçue comme le
levier fondamental de la transformation économique de l’Afrique. Avec une
population jeune, une main-d’œuvre abondante, un marché intérieur en croissance
et d’immenses ressources naturelles, le continent réunit les conditions pour
bâtir une industrie forte. Pourtant, selon la Revue annuelle 2025 sur
l’efficacité du développement publiée par la Banque africaine de développement
(Bad), les progrès demeurent en deçà des attentes. L’industrialisation reste
lente, freinée par des obstacles structurels, un manque de financement et une
faible transformation locale des matières premières.
En 2024, l’accent a été mis sur le renforcement des
chaînes de valeur, notamment dans l’agriculture, la transformation des minerais
critiques et la production manufacturière. On note avec la revue 2025 que le
secteur manufacturier africain a fait preuve d’une certaine résilience face aux
chocs mondiaux. La valeur ajoutée manufacturière est passée de 282 milliards de
dollars en 2020 à 302 milliards en 2023. Cependant, cette dynamique est menacée
par une baisse notable des investissements. La formation brute de capital a
chuté de 1,6 % à 0,9 % du Pib entre 2023 et 2024, signalant un ralentissement
inquiétant. Les Investissements directs étrangers (Ide) ont aussi reculé de 3,4
% en 2023, dans un contexte de fragmentation géoéconomique et de réorientation
des chaînes d’approvisionnement. Malgré ces difficultés, l’Afrique a mieux
résisté que d’autres régions en développement, qui ont enregistré une baisse
moyenne de
7 % des Investissements directs étrangers.
L’un des grands atouts du continent réside dans son
potentiel en minerais stratégiques. Les revenus mondiaux attendus du cuivre, du
cobalt, du nickel et du lithium sont estimés à 16 000 milliards de dollars sur
les 25 prochaines années. L’Afrique pourrait capter plus de 10 % de cette manne
si elle parvient à intégrer ces ressources dans des chaînes de valeur à haute
valeur ajoutée. L’enjeu est de passer de l’extraction brute à la transformation
locale, en ciblant des secteurs comme l’automobile, les technologies vertes, la
téléphonie ou encore les dispositifs médicaux. Des exemples comme le Maroc,
devenu premier producteur automobile du continent, montrent que des politiques
industrielles volontaristes, accompagnées d’investissements stratégiques dans
les infrastructures, peuvent porter leurs fruits.
Appel à l’action
L’industrialisation passe aussi par une meilleure
autonomie sanitaire. En 2024, la Bad a intensifié ses efforts pour développer
l’industrie pharmaceutique africaine. Alors que la production locale de vaccins
reste inférieure à 1 %, la Banque a lancé la Fondation africaine pour la
technologie pharmaceutique et financé des projets majeurs comme Vaxsen au
Sénégal, qui vise à produire jusqu’à 300 millions de doses de vaccins par an.
L’objectif est de réduire la dépendance aux importations, stimuler l’innovation
et renforcer la résilience face aux futures pandémies.
Malgré la progression du secteur financier africain
notamment avec l’essor des services numériques, l’accès au financement de long
terme reste une contrainte majeure pour les micro, petites et moyennes
entreprises (Mpme). Le déficit de financement des Mpme est estimé à 331
milliards de dollars. La concentration du crédit vers le secteur public limite
l’investissement privé. De plus, les marchés de capitaux africains, souvent peu
liquides et fragmentés, peinent à mobiliser les ressources nécessaires. Pour y
remédier, la Bad appuie les réformes réglementaires à travers son Fonds
fiduciaire pour le développement des marchés de capitaux, avec un accent mis
sur l’Afrique de l’ouest.
L’industrialisation suppose également des infrastructures modernes et efficaces. Or, le continent fait face à un déficit de financement annuel estimé entre 68 et 108 milliards de dollars. La Banque promeut les Partenariats public-privé (Ppp) comme solution stratégique, via un cadre mis en œuvre sur la période 2021–2031. Elle soutient activement la mise en place de projets bancables dans les domaines du transport, de l’énergie et de l’eau, essentiels à l’essor industriel. À travers une approche intégrée alliant réformes, investissements ciblés et soutien aux secteurs porteurs, un environnement propice à une industrialisation durable et inclusive est créé sur le continent. Pour autant, la réussite de cette ambition dépend aussi de l’engagement des États, de la mobilisation du secteur privé et d’une coopération régionale renforcée. L’Afrique a les moyens d’industrialiser son économie. Encore faut-il passer de la vision à l’action, dans un esprit de partenariat et de résilience face aux turbulences mondiales. Certains pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Rwanda et le Sénégal l’ont compris en prenant des initiatives majeures pour leur industrialisation.