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Transformation structurelle en Afrique: Rythme d’industrialisation lent, perspectives prometteuses

Economie
Croissance du financement du commerce (2020–2024) : 3,3 milliards d’Usd pour stimuler l’industrialisation et le commerce régional Croissance du financement du commerce (2020–2024) : 3,3 milliards d’Usd pour stimuler l’industrialisation et le commerce régional

L’Afrique dispose d’un fort potentiel pour bâtir une industrie compétitive, résiliente et créatrice d’emplois. Mais le rythme d’industrialisation reste lent. Les actions doivent être multipliées pour accélérer la transformation structurelle à travers le renforcement des chaînes de valeur, l’accès au financement et le développement de secteurs clés comme l’agro-industrie, les minerais stratégiques ou la pharmacie.

 

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 16 juin 2025 à 07h29 Durée 3 min.
#Transformation structurelle #Afrique

L’industrialisation est plus que jamais perçue comme le levier fondamental de la transformation économique de l’Afrique. Avec une population jeune, une main-d’œuvre abondante, un marché intérieur en croissance et d’immenses ressources naturelles, le continent réunit les conditions pour bâtir une industrie forte. Pourtant, selon la Revue annuelle 2025 sur l’efficacité du développement publiée par la Banque africaine de développement (Bad), les progrès demeurent en deçà des attentes. L’industrialisation reste lente, freinée par des obstacles structurels, un manque de financement et une faible transformation locale des matières premières.

En 2024, l’accent a été mis sur le renforcement des chaînes de valeur, notamment dans l’agriculture, la transformation des minerais critiques et la production manufacturière. On note avec la revue 2025 que le secteur manufacturier africain a fait preuve d’une certaine résilience face aux chocs mondiaux. La valeur ajoutée manufacturière est passée de 282 milliards de dollars en 2020 à 302 milliards en 2023. Cependant, cette dynamique est menacée par une baisse notable des investissements. La formation brute de capital a chuté de 1,6 % à 0,9 % du Pib entre 2023 et 2024, signalant un ralentissement inquiétant. Les Investissements directs étrangers (Ide) ont aussi reculé de 3,4 % en 2023, dans un contexte de fragmentation géoéconomique et de réorientation des chaînes d’approvisionnement. Malgré ces difficultés, l’Afrique a mieux résisté que d’autres régions en développement, qui ont enregistré une baisse moyenne de

7 % des Investissements directs étrangers.

L’un des grands atouts du continent réside dans son potentiel en minerais stratégiques. Les revenus mondiaux attendus du cuivre, du cobalt, du nickel et du lithium sont estimés à 16 000 milliards de dollars sur les 25 prochaines années. L’Afrique pourrait capter plus de 10 % de cette manne si elle parvient à intégrer ces ressources dans des chaînes de valeur à haute valeur ajoutée. L’enjeu est de passer de l’extraction brute à la transformation locale, en ciblant des secteurs comme l’automobile, les technologies vertes, la téléphonie ou encore les dispositifs médicaux. Des exemples comme le Maroc, devenu premier producteur automobile du continent, montrent que des politiques industrielles volontaristes, accompagnées d’investissements stratégiques dans les infrastructures, peuvent porter leurs fruits.

Appel à l’action

L’industrialisation passe aussi par une meilleure autonomie sanitaire. En 2024, la Bad a intensifié ses efforts pour développer l’industrie pharmaceutique africaine. Alors que la production locale de vaccins reste inférieure à 1 %, la Banque a lancé la Fondation africaine pour la technologie pharmaceutique et financé des projets majeurs comme Vaxsen au Sénégal, qui vise à produire jusqu’à 300 millions de doses de vaccins par an. L’objectif est de réduire la dépendance aux importations, stimuler l’innovation et renforcer la résilience face aux futures pandémies.

Malgré la progression du secteur financier africain notamment avec l’essor des services numériques, l’accès au financement de long terme reste une contrainte majeure pour les micro, petites et moyennes entreprises (Mpme). Le déficit de financement des Mpme est estimé à 331 milliards de dollars. La concentration du crédit vers le secteur public limite l’investissement privé. De plus, les marchés de capitaux africains, souvent peu liquides et fragmentés, peinent à mobiliser les ressources nécessaires. Pour y remédier, la Bad appuie les réformes réglementaires à travers son Fonds fiduciaire pour le développement des marchés de capitaux, avec un accent mis sur l’Afrique de l’ouest.

L’industrialisation suppose également des infrastructures modernes et efficaces. Or, le continent fait face à un déficit de financement annuel estimé entre 68 et 108 milliards de dollars. La Banque promeut les Partenariats public-privé (Ppp) comme solution stratégique, via un cadre mis en œuvre sur la période 2021–2031. Elle soutient activement la mise en place de projets bancables dans les domaines du transport, de l’énergie et de l’eau, essentiels à l’essor industriel. À travers une approche intégrée alliant réformes, investissements ciblés et soutien aux secteurs porteurs, un environnement propice à une industrialisation durable et inclusive est créé sur le continent. Pour autant, la réussite de cette ambition dépend aussi de l’engagement des États, de la mobilisation du secteur privé et d’une coopération régionale renforcée. L’Afrique a les moyens d’industrialiser son économie. Encore faut-il passer de la vision à l’action, dans un esprit de partenariat et de résilience face aux turbulences mondiales. Certains pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Rwanda et le Sénégal l’ont compris en prenant des initiatives majeures pour leur industrialisation.