Alexandre Adjinan, secrétaire général du Syndicat national des enseignants du secondaire, technique et de la formation professionnelle du Bénin (Snestfp-Bénin), se prononce sur les diligences faites pour une bonne reprise des classes. Il exprime à l'occasion quelques doléances des enseignants.
La Nation : A cette rentrée scolaire, quel est l’état d’esprit du corps enseignant ?
Alexandre Adjinan : Au niveau des enseignements maternel et primaire ainsi qu'au niveau des enseignements secondaire, technique et de la formation professionnelle, les enseignants sont prêts. Ils sont prêts parce qu’ils aiment leur métier, parce qu’ils savent qu’ils ont un rôle très important à jouer dans le développement de notre pays, parce que l’éducation est le socle du développement. Ils sont prêts parce qu’ils sont des patriotes et ils se sont toujours sacrifiés pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Pour ce qui concerne le secondaire, presque tous les enseignants sont déjà entrés en possession de leurs emplois du temps. Mais ils ne sont pas satisfaits parce que les problèmes auxquels ils sont confrontés ne sont pas réglés.
Que peut-on retenir des négociations gouvernement-centrales syndicales en prélude à cette reprise ?
Il faut dire que nous avons eu à dénoncer cette méthode du gouvernement qui consiste à appeler les représentants des travailleurs non pas pour négocier, mais pour les informer tout simplement des diligences faites, c'est-à-dire des dispositions prises dans le cadre de la rentrée. C’est vrai que l’éducation est la priorité des priorités, mais les travailleurs des autres secteurs ont également des problèmes. On ne devrait pas bloquer les négociateurs jusqu’à la veille de la rentrée. Cela dit, qu’est-ce qu’on peut retenir essentiellement ? Nous pouvons dire qu’il y a eu des annonces.
Quid de l’annonce d’une avance sur salaire au profit des Aspirants au métier d’enseignant (Ame) ?
C’est au cours de la rencontre avec les partenaires sociaux que le gouvernement a annoncé qu’il paiera une avance d’un mois de salaire aux Ame. C’est un pas dans la bonne direction. Mais en principe, nous estimons qu’à défaut de leur payer les primes de rentrée, il serait mieux que le gouvernement appelle cela une allocation destinée aux Ame pour effectuer la rentrée. Nous aurions souhaité qu’on ne considère pas cela comme une avance, mais une allocation qui s’apparente à la prime de rentrée que les autres catégories d’enseignants prennent. Et cela va constituer un véritable motif de soulagement et de satisfaction.
Quelles sont les autres décisions attendues pour une année scolaire apaisée ?
Pour que l’année scolaire soit fructueuse, le gouvernement doit poser quelques actes. Il s’agit de retourner au quota horaire hebdomadaire aux Ame, soit 20 heures par semaine, au lieu des 28, voire 30 heures attribuées depuis trois ans, qui dépassent leurs potentialités. Ensuite, il faut augmenter leurs salaires. Donc, la revalorisation des salaires annoncée doit aussi concerner les Ame et les payer 12 mois sur 12. En dehors de la situation des Ame, il y a également d’autres problèmes à régler. Prenons le cas des Agents contractuels de droit public de l’Etat (Acdpe) de la promotion 2016. C’est vrai que la ministre du Travail et de la Fonction publique l’a annoncé lors des négociations. Les contrats à durée indéterminée (Cdi) attendus par ces contractuels de 2016 et 2014 ont commencé à être disponibles. Notre souhait est qu’il y ait de la célérité dans le traitement de ces dossiers afin que les Cdi deviennent disponibles et qu’on pense également à les envoyer en formation pour l’obtention des diplômes professionnels. En dehors de cela, il y a la formation initiale des Acdpe des promotions 2012 et 2014 qui tarde à venir. Le ministre des Enseignements secondaire, technique et de la Formation professionnelle a promis que cette formation va démarrer au plus tard en décembre 2022. Nous espérons que cette date ne va pas connaître un autre report. Ce qui est aussi important, c’est la formation des professeurs adjoints, contractuels de l’Etat et agents contractuels de droit public de l’Etat. Parce qu’il y a de ces professeurs qui ont été formés, recrutés dans les années 2000 à 2005, et également des Acdpe recrutés en 2008 et 2009, ajoutés à ces professeurs de l’Etat; il y a un gros effectif de professeurs adjoints qui attendent d’être envoyés en formation pour l’obtention des diplômes professionnels.
On doit les envoyer en formation parce que les professeurs adjoints sont plus nombreux et font pratiquement 95 % de l’effectif des enseignants qui interviennent dans les lycées et collèges du Bénin. Nous le disons parce que nous avons près de 14 000 fonctionnaires de l’Etat et Acdpe. Mais sur cet effectif, il y a seulement 1 181 élèves professeurs certifiés et professeurs certifiés. Cela veut dire que les élèves professeurs certifiés sont ceux qui attendent d’être formés pour devenir professeurs certifiés. Ils ne sont pas encore des professeurs certifiés parce qu’ils ont la maîtrise. Et parmi les 1 181, il y a également les membres de l’administration scolaire à savoir les proviseurs, les chefs d’établissements, les censeurs et les directeurs des collèges à second cycle, ainsi que les cadres à divers niveaux du secteur de l’éducation. Donc, lorsqu’on fait le point, sur l’effectif des enseignants qui interviennent dans les lycées et collèges, surtout dans les classes de second cycle, il y a seulement 5 % de professeurs certifiés sur près de 14 000 fonctionnaires de l’Etat et agents contractuels de droit public. Donc, il est urgent que les professeurs adjoints des différentes promotions soient envoyés en formation pour être qualifiés à intervenir dans les classes de second cycle, et l’offre éducative sera ainsi améliorée.
Il y a aussi les problèmes des formations qui ne sont pas terminées. Il s’agit de la situation des enseignants qui ont des problèmes dans les écoles normales. Des recalés qui attendent une dernière chance au niveau de l’Ecole normale supérieure de Natitingou et des problèmes à régler au niveau de l’Ecole normale supérieure de Porto-Novo. C’est sans oublier le cas des enseignants en situation de reversement. Ces problèmes doivent être réglés. Quand le gouvernement va poser ces actes, les enseignants auront le moral au top pour faire de cette année scolaire une année réussie.
La question de la formation résolue, peut-on s’assurer de meilleurs résultats au terme de cette année scolaire ?
Au-delà de tout cela, il y a une préoccupation très sensible que nous n’occultons jamais. Il s’agit de la situation des 305 enseignants de la maternelle, du primaire et du secondaire dont les contrats ont été résiliés pour n’avoir pas participé à l’évaluation organisée par le gouvernement les 24 août et 7 septembre 2019. L’appel que nous lançons au chef de l’Etat qui a le dernier mot par rapport à cette situation est de voir les conséquences de cette décision sur les concernés et leurs familles d’une part et sur le système éducatif béninois d'autre part. Et puisque les conséquences sont nombreuses, nous voudrions prier le chef de l’Etat de bien vouloir réintégrer ses collègues-là pour le bonheur de leurs familles et du système éducatif béninois.
En dehors de ceux-là, il y a également les pré-insérés qui ont vu leurs contrats résiliés aussi parce qu’ils ont protesté contre les 28 h et 30 h et ont refusé de surveiller une évaluation. Cela a suffi pour qu’on résilie également leurs contrats au cours de l’année écoulée. Nous voudrions prier également le chef de l’Etat de bien vouloir réintégrer ces Ame aussi, parce que le système éducatif béninois en a besoin. Les 305 sont des enseignants qualifiés. Les Ame sont également des gens qui sont reçus au test organisé par le gouvernement. Nous ne pouvons pas les oublier. Les 305 appartiennent à une promotion à travers laquelle, je m’identifie. Il faudrait qu’on les intègre.
Quel est votre mot de la fin ?
Je voudrais dire aux élèves de savoir que la reprise est effective et que l’avenir se prépare. Chacun doit prendre le travail au sérieux. Les parents doivent donner les moyens à leurs enfants et faire le suivi, parce qu’il y a certains qui ne passent pas dans les établissements pour s’enquérir du niveau d’évolution, et c’est à la fin du premier trimestre ou semestre qu’ils se réveillent. Ce n’est pas normal. Que les parents n’abandonnent pas les enfants aux enseignants dans les lycées et collèges. A l’endroit des collègues enseignants, je dis beaucoup de courage?