La Nation Bénin...
A quoi sert l’éducation sanitaire à l’école ? Pourquoi
est-elle essentielle pour les élèves ? Comment enseignants et parents
peuvent-ils s’impliquer ? Dans cette interview, Tychique Kiné décrypte les
priorités sanitaires à intégrer dès le primaire, et appelle à une mobilisation
collective pour former une génération mieux protégée et mieux informée.
Quelle place occupe aujourd’hui l’éducation sanitaire dans le système scolaire béninois ?
L’éducation sanitaire occupe une place importante aujourd’hui dans notre système scolaire. Elle est essentielle, car tout développement est arrimé à la santé publique, qui en est le socle. Or l’éducation en est le moteur. C’est dire que l’éducation sanitaire est non seulement obligatoire, mais surtout capitale pour nos écoles. Elle constitue un pilier pour préparer les jeunes générations à faire face aux défis de santé qui les attendent.
Quels sont les principaux enjeux liés à l’introduction ou au renforcement de l’éducation sanitaire ?
L’un des enjeux majeurs, c’est l’appropriation des concepts de santé publique par toutes les parties prenantes : décideurs, enseignants, pédagogues, mais aussi les apprenants. Ensuite, l’objectif est le changement de comportement à terme. L’éducation sanitaire vise la prévention des affections transmissibles et non transmissibles, la capacité à gérer des cas et à participer à la riposte lors d’épidémies émergentes.
Quelles thématiques sanitaires devraient être prioritaires dans un programme scolaire ?
La priorité, c’est la prévention. Il faut mettre l’accent
sur la lutte contre les maladies transmissibles courantes, qu’elles soient
virales (Vih, hépatites), parasitaires (paludisme) ou bactériennes
(tuberculose). Ces pathologies constituent les premiers défis sanitaires pour
nos jeunes. À cela s’ajoutent des thématiques comme l’hygiène, la santé
sexuelle et reproductive, la nutrition, les menstruations, et la santé mentale.
Les enseignants sont-ils bien formés à cette mission ?
Les enseignants ont un rôle fondamental de guidance, d’explication et de transmission du savoir et du savoir-faire face aux problèmes de santé. Toutefois, je pense qu’il faut que les vrais sachants, c’est-à-dire les professionnels de la santé publique, soient davantage impliqués dans cette transmission. Il est temps de faire la promotion de cours spécifiques en santé publique, introduits dans les classes et dispensés par des professionnels. Car la santé est une priorité nationale qui mérite des ressources humaines qualifiées à tous les niveaux.
Comment impliquer efficacement les parents d’élèves ?
Il faut mettre les parents à l’épreuve, les responsabiliser et les impliquer directement dans les programmes. Cela passe par une motivation intrinsèque à s’intéresser à la santé de leurs enfants. Je propose la mise en place d’un programme tripartite associant enseignants, parents et apprenants, pour assurer une réelle transmission et appropriation des messages sanitaires. Cette synergie est la clé du succès.
Quelles sont les conséquences d’une absence d’éducation sanitaire à l’école ?
Elles sont très graves. L’absence d’information chez les
jeunes les expose à tous les vents, à toutes sortes de pathologies, en
particulier celles transmissibles. Dans le monde d’aujourd’hui, chercher
l’information, la maîtriser et se l’approprier est une question de survie.
L’inverse serait suicidaire pour la nation : ce serait une perte tragique de
notre capital humain.
Existe-t-il des programmes ou projets pilotes au Bénin et quels sont leurs résultats ?
Oui, plusieurs programmes existent, même si je ne peux en citer un en particulier ici. Mais ils se déroulent bien et impactent réellement les adolescents scolarisés. C’est à mettre à l’actif du gouvernement, des décideurs et des acteurs du secteur éducatif. Les évaluations sont fréquentes, et les résultats sont visibles. Un exemple frappant : aujourd’hui, quelle jeune fille dans un Ceg n’a jamais entendu parler des méthodes modernes de contraception ? Cela témoigne de l’efficacité des actions en cours.
Quels sont les obstacles structurels ou socioculturels à la mise en œuvre de l'éducation sanitaire ?
Les freins viennent en grande partie des valeurs et croyances liées au contexte socioculturel dans lequel évoluent les élèves. Certains sujets, comme la santé sexuelle ou les menstruations, restent tabous dans nos sociétés. Notre environnement social est encore fortement modelé par des règles, mœurs et traditions qui ont du mal à s’adapter aux évolutions contemporaines. Il est donc urgent de faire évoluer les mentalités.
Quel rôle jouent les Ong, les collectivités locales et les professionnels de santé ?
Ils ont un rôle déterminant dans la conception, la mise en œuvre, la supervision et le conseil. Ils doivent accompagner les écoles, proposer des outils pédagogiques adaptés, mais aussi contribuer à former les enseignants et à sensibiliser les familles. Leur appui est crucial pour faire le pont entre les institutions sanitaires et éducatives.
Quels mécanismes recommandez-vous pour une intégration durable dans les curricula scolaires ?
Il faut renforcer la promotion de l’éducation sanitaire en milieu scolaire et intégrer durablement tous les acteurs, notamment à la base : décideurs politiques, cadres des ministères de l’éducation, experts de santé publique, enseignants, parents et apprenants. Une gouvernance partagée et synchronisée est nécessaire pour faire de l’éducation sanitaire un véritable pilier du système éducatif béninois.