La Nation Bénin...
Le professeur Paulin Hountondji n’est pas mort. Il vit encore, non seulement à travers son immense production scientifique, sa contribution à l’œuvre scientifique et universitaire, mais aussi à travers l’engagement de la Société béninoise de philosophie de perpétuer son œuvre. L’acte 1 y relatif a été posé, jeudi 5 juin dernier à la mairie de Cotonou.
Que faire de l’immense production intellectuelle de Paulin Hountondji ? Comment poursuivre la réflexion philosophique à sa suite, hériter sans vouloir l’égaler de ses réflexions et continuer d’analyser le monde contemporain à l’aune des débats et enjeux philosophiques ? C’est en quête de réponses à ces interrogations que la Société béninoise de philosophie (Sobephi) a publié aux Editions Savanes du continent, l’ouvrage ‘’Paulin Hountondji ou l’impossible fin’’. Désiré Médégnon, Vincent Ayena et Gad Abel Dideh, tous membres de ladite société ont en effet pris le lead de la réalisation de cette œuvre pour dire combien il était important de faire vivre l’illustre philosophe après sa fin terrestre. Jeudi 5 juin dernier, à la salle de conférence de la mairie de Cotonou, enseignants, universitaires, académiciens, philosophes, et même chefs de collectivité ont été les témoins du dévoilement de cet ouvrage qui n’est qu’un coup d’essai. La Sodephi n’entend en effet pas s’arrêter là et pense bien aller au-delà en présentant plus de productions sur Hountondji et son œuvre.
L’œuvre de celui qui était jusqu’à sa mort le président de la Sobephi a traversé le temps, les continents et répond à bien des interrogations du passé, du présent et du futur. « Nous sommes les héritiers de l'espoir qu'il avait chevillé au corps et à l'esprit, et dont sa vérité résonne constamment », énonce Désiré Médégnon au nom de ses pairs. Pour lui, l’œuvre de Hountondji est à « valoriser de manière lucide et critique ». Témoignant sur les derniers instants de vie de son « maître », il explique qu’ils étaient ceux d’un regain d’activités avec une plus grande effervescence intellectuelle. En l’espace de deux mois, une communication mémorable, une production magistrale, comme il en a le secret, des textes et présentations aux allures d'un testament… Ces derniers moments ont été aussi ceux d'une grande proximité avec sa famille, biologique, spirituelle et intellectuelle. Resté actif au-delà de ses quatre-vingts ans, malgré une vie dont on peut dire qu'elle est bien accomplie, Paulin Hountondji
«
était convaincu que, malgré un âge avancé, il devait rester utile pour les
siens ». Ce qui explique, reprend Désiré Médégnon, cet engagement, à la limite
de l’abandon de soi dont il faisait montre. Appelé à parrainer la cérémonie, le
professeur Maxime da Cruz, ancien recteur, ne cachera pas son admiration pour
le grand homme qu’a été cet enseignant. Le vice-recteur chargé des Affaires
académiques, Patrick Houessou, n’en dira pas moins.
Quid de l’œuvre ?
« L’ouvrage que nous présentons ce jour pose très modestement les jalons d’un vaste et ambitieux projet de valorisation critique. Il est le produit d'une volonté et d'un engagement que les membres du bureau exécutif national de la Sobephi ont manifesté quelques jours seulement après l’inhumation de celui qui était le tout premier président de cette société », soutiennent les initiateurs. Il comprend essentiellement deux parties. La première regroupe douze essais et la seconde une demi-douzaine de témoignages. A cela s’ajoute, selon les explications du professeur Gad Abel Dideh, une troisième partie. Il s’agit d’un appendice bibliographique qui dresse un répertoire de la production scientifique de Paulin Hountondji. Lequel, précise-t-il, donne « une idée du travail de réappropriation critique qui nous attend ». Ces témoignages offrent aux lecteurs de découvrir, outre les qualités humaines qui ont fait tant admirer l'illustre philosophe, des détails savoureux et insoupçonnés sur sa personnalité. On y lit entre autres, un témoignage, c’est d’ailleurs celui-là qui ouvre le livre, d’Erwan Dianteill, grand ami et admirateur de Paulin Hountondji, dont le titre « l'Oracle et le temple : de la géomancie médiévale à l'église d'Ifa (Nigeria, Bénin) », publié par Labor et Fides, a reçu récemment le Prix d’histoire des religions. Témoignage d’autant plus élogieux qu’il est la synthèse de quinze bonnes années de compagnonnage que ni la couleur de peau, ni l'écart d'âge, ni la distance géographique n'ont jamais altéré. « Paulin Hountondji est l’anthropologie sociale… Quiconque connaît son œuvre sait combien il a été influencé par la philosophie husserlienne... », selon lui.
Comme Erwan, bien d’autres comme l’ancien ministre Lazare Sèhouéto et d’illustres noms du monde universitaire se sont prêtés à l’exercice. « Le professeur s'en est allé… L'évocation du nom Paulin Hountondji provoque l'éveil des pupilles et l'intérêt des esprits », écrit-il pour sa part. Désormais, en feuilletant les 319 pages de cet ouvrage qui n’est que le prélude d’une longue série sur l’œuvre du fondateur de la phénoménologie qui entendait établir la philosophie comme une science équivalente aux mathématiques et aux sciences naturelles, on pourrait bien se dire, comme ses disciples, Paulin Hountondji « ne peut pas être mort. Il ne pouvait mourir, et de fait, il n'est pas mort ».