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Bertin Akouta sur les réformes dans le secteur du bois : « L’Etat a réussi à stopper les exportations anarchiques »

Environnement
Par   Fulbert Adjimehossou, le 16 mars 2022 à 15h13
La filière forêt-bois prend un nouveau départ, avec les réformes opérées ces dernières années par le gouvernement. Bertin Akouta, président de la Fédération nationale des associations des opérateurs économiques de cette filière, dévoile ici les progrès et les attentes des acteurs. Quand on parle de la filière bois au Bénin, on a tendance à y voir une exploitation incontrôlée des ressources naturelles. Est-ce toujours le cas aujourd’hui ? Il faudrait faire la part des choses. En principe, c’est la filière forêt-bois. Il ne faut pas que l’arbre cache la forêt. Le bois d’énergie était exploité anarchiquement, mais on sait que l’exploitation du bois d’œuvre est sélective. Il y a eu, par le passé, un peu de désordre parce qu’il n’y avait pas, par exemple, une structure en tant que telle pour sensibiliser davantage les acteurs et œuvrer pour une synergie dans le sens de la protection de la biodiversité. Aujourd’hui, avec le gouvernement actuel, il y a eu un arrêt systématique de toutes les opérations pour faire un état des lieux. Ce qui a conduit à redéfinir de nouvelles bases dont la prise d’un décret qui interdit l’exportation des essences autochtones et qui protège d’ailleurs la biodiversité. C’est une bonne chose. On a maîtrisé les exportations et éliminé d’elles systématiquement les essences autochtones. C’est le cas par exemple de l’espèce Afzelia africana ou encore du Pterocarpus. Ce sont des espèces demandées sur le marché asiatique. C’était une hémorragie qu’il fallait arrêter. C’est déjà un grand pas. Et ne peuvent exporter désormais que ceux-là qui sont sur une liste de quotas définis par entreprise à l’export. Il y a donc une traçabilité. L’Etat a réussi à stopper les exportations anarchiques. Dans le cadre des réformes, priorité a été accordée à la transformation du bois. Est-ce que cela arrange les acteurs ? Le gouvernement a réorganisé la chaîne d’exploitation de la base jusqu’au sommet. Il y a une taxation différentielle qui prend en compte le niveau de transformation. Plus vous transformez, moins vous payez de taxes, ce qui incite à transformer. Ce sont des mesures qui protègent la biodiversité. Lorsque vous exportez du brut, vous exportez les emplois qui peuvent être ici, les dérivés aussi. Pendant ce temps, les vôtres mettent la pression sur les écosystèmes pour chercher du bois-énergie. Ce n’est pas du tout bien. La transformation a donc l’avantage de procurer de la valeur, de générer des devises et de créer des emplois localement. C’est une très bonne chose. D’ailleurs, depuis le 31 décembre dernier, on n’a pas encore autorisé l’exportation du bois brut. Mais les premiers contrats lancés vont au profit des industries, puisqu’on connaît leur capacité de transformation. Lorsqu’il y aura un excédent, on pourra exporter le reste. C’est dans une logique structurée qui est en train d’être mise en place par le gouvernement. Quoi qu’on dise, à tort ou à raison, on pense que les acteurs de la filière bois sont des destructeurs de la biodiversité. Que faites-vous pour changer cette perception? C’est un peu trop dire. Il faut nuancer. Nos activités pourraient impacter la biodiversité, mais on essaie de rester dans les normes. C’est d’ailleurs notre rôle, au niveau de la fédération de sensibiliser davantage les acteurs aux enjeux actuels et aux engagements à prendre dans la protection de la biodiversité. Nous ferons signer une charte environnementale qui va inclure les exploitants à tous les niveaux, y compris le scieur, pour qu’ils s’assurent d’adopter des comportements responsables d’exploitation et de vente. Il faut les amener à comprendre les enjeux à travers des sensibilisations. Nous avons pris la mesure des choses. Puisque lorsque vous êtes convaincus de ce que ces ressources naturelles vont s’estomper du fait de vos pratiques, vous réfléchissez par deux fois avant d’aller dans les travers. De même, nous souhaitons au niveau de la fédération un cadre formel de partenariat avec l’administration qui nous confère un brin de pouvoir pour pouvoir veiller aux bonnes pratiques. Si nous faisons la veille sans un cadre formel, on sera juste vu comme des marionnettes. Ce sera sans effet. Il faut venir à une gestion par le dialogue et la fédération entend jouer pleinement son rôle. Nous avons eu des avancées déjà avec la Douane et les Eaux et forêts qui nous associent. Je crois qu’il faut aller dans ce sens pour relever ensemble le défi de la protection de la biodiversité.