La Nation Bénin...
L’Urbanisation est l’un des défis majeurs
à relever par le Bénin, pour la capture du dividende démographique. Dr Fabrice
Banon, Urbaniste, fait un état des lieux, relève les pas franchis depuis 1990
et évoque les pistes pour l’atteinte des objectifs.
La Nation : Que dire de la politique
d'urbanisme au Bénin?
Dr Fabrice Banon : La politique d’urbanisme au Bénin repose d’une part sur un ensemble de textes législatifs et organisationnels qui prescrivent les conditions dans lesquelles la fabrique de la ville devrait se produire, et d’autre part sur des projets urbains visant à insuffler un nouveau dynamisme aux villes concernées. Les textes législatifs et règlementaires dont je parle, prescrivent par exemple les documents de planification urbaine à élaborer aux différentes échelles de planification. Ils prévoient par exemple à l’échelle de la commune que soient élaborés dans un premier temps un Schéma directeur d’aménagement communal qui fixe globalement les affectations du territoire, ensuite un Plan directeur d’urbanisme se limitant à l’aire urbaine de la commune et qui prescrit avec plus de précision les différentes affectations de fonctions au niveau de la ville et les règles (taille de parcelle, emprise au sol, hauteur autorisée, reculs, …) à respecter pour toutes les sortes de constructions au sein de l’espace urbain de la commune et au plus bas niveau, les lotissements et le Plan de développement communal. La règlementation du permis de construire fait également partie de ce dispositif règlementaire et législatif.
Qu’est-ce qui explique les difficultés
rencontrées en cette matière ?
Les difficultés actuelles en matière
d’urbanisme proviennent de ce que les dispositions précédemment présentées
n’ont pas été mises en œuvre convenablement depuis des décennies, ce qui a
conduit à une utilisation peu rationnelle du sol dans la plupart des villes du
Bénin. En particulier à partir de 2003, les Plans de développement communaux
étaient présentés comme une exigence impérative alors que les documents de
planification territoriale n’étaient évoqués que de façon anecdotique. Les
villes se sont par conséquent construites sans un pilotage approprié de
l’aménagement du territoire et sont largement tributaires des projets
individuels des habitants et de processus informels. L’aménagement essaie de
rattraper les installations humaines et doit dans la plupart des cas s’y
adapter.
Que faire pour relever les défis actuels ?
Il va falloir y mettre de la volonté politique
et de l’innovation. Nous avons à gérer des villes dont les exigences ne sont
pas des plus classiques. Au vu de ce contexte, la planification classique ne
suffira pas non plus. Nous devrions davantage veiller aux processus qu’elle
enclenche et faire en sorte que cette planification soit appropriée, comprise
et suffisamment discutée par les acteurs locaux dans leur diversité : les
politiques, les cadres communaux, les acteurs économiques, les agences et les habitants.
Cette planification devrait davantage exploiter les potentialités naturelles et
économiques des territoires en vue de promouvoir le développement économique
local. Par ailleurs, les facteurs anthropiques aggravant les risques de
catastrophes naturelles et les agressions sur l’environnement se doivent d’être
limités. Ce volet de l’action nécessite une réelle volonté politique et
d’importants investissements.
Enfin, je pense que nous devrions davantage être à l’écoute de l’innovation sociale qu’il conviendrait de promouvoir dans certains cas, en vue non seulement d’une meilleure appropriation de la ville par ses habitants mais également d’exploiter les potentialités de cette innovation sociale. Elle part des initiatives communautaires informelles par lesquelles des habitants participent à des transformations positives de leur cadre de vie jusqu’aux tiers-lieux d’innovation digitale qui contribuent au développement de solutions aux problèmes du quotidien des citadins. Ce volet est encore très peu compris par les pouvoirs publics et mérite davantage d’attention.
Quels sont les progrès réalisés ces
dernières années ?
On peut évoquer de très nombreux projets
développés au niveau central en appui au développement urbain depuis les années
1990. Il s’agit notamment du Projet de gestion urbaine décentralisée 1 et 2
(Pgud), du Projet d'urgence de gestion environnementale en milieu urbain
(Pugemu), du Projet d'aménagement urbain et d'appui à la Décentralisation
(Paurad). Les plus récents sont entre autres, le Programme d’adaptation des
villes au changement climatique (Pavicc), le Programme d’assainissement pluvial
de Cotonou (Papc), le Building Resilient and Inclusive Cities (Bric), ainsi que
plusieurs autres projets de la Société des infrastructures routières et de
l’aménagement (Sirat) et de l'ex- Agence du Cadre de vie.