La Nation Bénin...
L’évaluation environnementale et sociale (Ees) s’impose
au sein des nations comme un instrument majeur de protection de l’environnement
dans un contexte de floraison des projets et programmes de développement.
Spécialiste en gestion de l’Environnement à l’Agence béninoise pour
l’environnement (Abe), Gédéon Anagonou explique, dans cette interview, le
bien-fondé de l’Ees et les nouvelles procédures d’Ees au Bénin.
La Nation : Qu'entend-on par évaluation environnementale et sociale, quel est son but et son importance ?
Gédéon Anagonou : L'évaluation environnementale et
sociale (Ees) est un processus permettant d'identifier, de prévoir et
d'analyser les effets potentiels d'un projet ou programme sur l'environnement.
Son but est de proposer des mesures d'atténuation, de
bonification ou de compensation au regard des impacts des activités projetées
sur les composantes biologique, physique et sociale du milieu récepteur. Elle
permet de garantir la durabilité des projets de développement, préserver les
ressources naturelles et les services écosystémiques, protéger les populations
contre les nuisances et les pollutions et assurer la transparence et la
participation citoyenne. C'est un outil d'aide à la décision pour les autorités
publiques.
Les procédures d'Ees concernent tout porteur de projet et programme, tout citoyen qui serait affecté par les activités du projet, programme, etc.
De nouvelles règles régissent l'évaluation environnementale au Bénin. De manière globale, qu'est-ce qui a changé par rapport aux anciennes procédures et pourquoi ces changements ?
Le cadre réglementaire a changé. L'évaluation
environnementale et sociale au Bénin est encadrée par la loi n°98-030 du 12
février 1999 portant loi-cadre sur l'environnement. Elle a été renforcée par
les décrets n°2022-390 du 13 juillet 2022 portant organisation des procédures
de l'évaluation environnementale et sociale en République du Benin, et n°
2022-417 du 20 juillet 2022 portant régime spécial de l'évaluation
environnementale et sociale applicable à la Zone économique et spéciale de
Glo-Djigbé (Gdiz). Dans le décret n°2022-390, il y a le e-service qui
n'existait pas, par exemple, dans les procédures environnementales et sociales.
Aujourd'hui, tout passe par le e-service.
Tout promoteur peut demander son certificat de conformité environnementale et sociale de façon électronique au terme de la procédure en ligne. Cela s’inscrit dans la politique de dématérialisation des services de l’Etat, promue par le gouvernement du président Patrice Talon.
Le guide général de réalisation d'une étude d’impact
environnemental et social (Eies) et certains guides sectoriels datant de 2001
ont été aussi actualisés. Les nouveaux guides sectoriels et canevas ont été
élaborés en tenant compte des principaux outils d'évaluation environnementale
et sociale utilisés : l’évaluation environnementale et sociale stratégique
(Eess), le Cadre de gestion environnementale et sociale (Cges), l’Etude
d'impact environnemental et social (Eies), l’Audit environnemental et social
(Aes), l’Inspection environnementale (Ie).
Ces changements sont intervenus dans un contexte de pressions croissantes sur les ressources naturelles (urbanisation, projets d'infrastructure, industrialisation) ; de risques pour la santé humaine, la biodiversité et les écosystèmes ; de nécessité de prévenir plutôt que guérir (intégrer l'environnement dès la planification des projets) ; de protection de l'environnement qui est plus que jamais une préoccupation pour toute la communauté internationale. Ils interviennent également dans un contexte d’avancée dans les normes et standards des partenaires techniques et financiers et d’évolution de l'environnement institutionnel, social et économique du Bénin.
L'Abe a initié une campagne nationale de sensibilisation aux nouvelles procédures d'évaluation environnementale. Au total, quatorze guides et canevas sont au cœur de l'activité, en plus de la nouvelle procédure en ligne pour l'obtention du Certificat de conformité environnementale et sociale (Cces). Quel est l'objectif de la sensibilisation ?
L'objectif de la sensibilisation des acteurs aux outils
de l'évaluation environnementale et sociale est de renforcer la gouvernance
environnementale et du développement durable, suite à des constats au niveau de
certains acteurs. Ces constats sont, entre autres, la faible connaissance des outils
d'évaluation environnementale et sociale (Ees) chez certains porteurs de
projets ; la négligence ou résistance des promoteurs à respecter les
obligations environnementales et sociales ; la nécessité d'impliquer davantage
les populations locales dans les processus décisionnels.
La sensibilisation porte sur les deux guides généraux
(actualisés) : le guide général de réalisation d'une étude d'impact
environnemental et social (Eies) et le guide de réalisation d'une évaluation
environnementale et sociale stratégique (Eess). Elle concerne neuf guides
sectoriels (cinq actualisés et quatre nouveaux) relatifs au classement et à
l'aménagement des forêts et aires protégées, à l’adduction d'eau potable, à la
route, à l’électrification, à l’exploitation des ressources minérales et de
production industrielle, à l’installation pétrolière, à la construction de
centrales électriques, aux bâtiments et travaux publics et aux projets
transfrontaliers.
Les trois canevas concernés sont ceux de l'évaluation
d'une étude d'impact environnemental et social, de réalisation du plan d'action
de réinstallation et de compensation et de réalisation de plan et de plan-cadre
de gestion environnementale et sociale.
Aujourd'hui, les projets foisonnent au Bénin. Quels sont les moyens dont dispose l'Abe pour s'assurer que les outils d’évaluation environnementale sont mis en œuvre normalement par les concernés ?
L'Abe avec l'appui de la Banque mondiale dispose d'une
antenne à Parakou. Tous les spécialistes en gestion de l'environnement du siège
comme de l'antenne interviennent sur toute l'étendue du territoire national sur
les questions relatives à l'évaluation environnementale et sociale ;
l'information environnementale et le suivi environnemental ; et l'inspection
environnementale.
L'agence est accompagnée dans ses missions par les
directions départementales du ministère du Cadre de vie et des Transports
chargé du Développement durable, les structures sectorielles concernées, des
experts externes, des Ong intervenant dans le secteur de l'environnement, la
Police républicaine et d’autres acteurs.
Il faut l'avouer, le Bénin a un arsenal juridique très
fourni qui nous permet de mener notre mission comme cela se doit. Le premier
arsenal, c'est la Constitution. Le volet environnement est pleinement pris en
compte par notre Constitution. En plus de cela, il y a la loi-cadre sur
l'environnement, le décret relatif aux procédures d'évaluation environnementale
au Bénin. Il y a également d’autres lois, décrets qui se rapportent à des
composantes de l'environnement. Je peux citer par exemple, le décret sur le
bruit, sur la pollution, etc. Tout cela fait partie de l'arsenal juridique sur
lequel nous nous basons pour mener notre activité. Et quand vous tombez sous le
coup de la loi, la sanction ne tarde pas à venir. Mais nous sanctionnons de
façon graduelle.
Par exemple, le promoteur a l’obligation de mettre en œuvre les activités contenues dans le plan de gestion environnementale et sociale. Il y a des missions de suivi de la mise en œuvre de ce plan que l’Abe organise, déjà dès le démarrage des travaux. Quand il y a des activités qui ne sont pas menées, on essaie de comprendre les raisons et on attire l’attention du promoteur sur telle activité qu'il est censé mener, mais qu'il n'a pas fait. Ça, c'est un premier niveau. Après, lors des missions d'audit, on attire encore son attention sur les non-conformités relevées sur le site. Et il a l'obligation de les mettre en œuvre. On fait une mission d'audit, et il y a des missions de suivi de la mise en œuvre des recommandations de l'audit qu'on fait périodiquement parce que l'audit est d’une durée de trois ans. Périodiquement, entre ces trois ans, on fait des missions de suivi de la mise en œuvre des recommandations pour voir si les mesures proposées sont toujours respectées. Quand elles ne sont pas respectées, on fait un point au ministre en charge de l'Environnement et il y a des sanctions, partant de la mise en demeure jusqu'à la fermeture de l'unité, si le promoteur refuse de mettre en œuvre les mesures environnementales et sociales. Ça se fait de façon graduelle, commençant par la mise en demeure.
Certains promoteurs se plaignent du montant à payer pour l'obtention du Cces. Comment réagissez-vous à cela ?
Pour l'obtention, par exemple, du Certificat de
conformité environnementale et sociale (Cces), il y a une redevance que le
promoteur paie. Cette redevance qu'ils estiment exorbitante couvre non
seulement les frais de l'organisation de l'atelier de validation, mais
également les suivis de la mise en œuvre du plan de gestion environnementale et
sociale que l'Abe organise, les missions d'audits environnementaux et sociaux
externes que l'Agence initie. Tout cela, jusqu'à la fin de vie du projet. Ça
veut dire quoi ? Vous payez la redevance une fois pour toutes. Tant que votre
projet n'est pas à terme, c'est que vous êtes même en droit de réclamer ce
suivi environnemental et social. Toutes les descentes de l'Abe, que ce soit
pour le suivi de la mise en œuvre du Pges, de l'Audit environnemental et social externe, le suivi de la mise en œuvre des recommandations des audits ou d'une inspection environnementale, etc. sont déjà prises en
compte par la redevance.
Maintenant, il y a des promoteurs qui vont d’abord mettre en place leur projet avant d’aller vers un autre outil que nous appelons la régularisation : audit environnemental et social de mise en conformité. Quand ils le font, ils ont aussi le Certificat de conformité environnementale et sociale lié à l'Aes, mais là, le piège est que ce Cces a une durée de vie de trois ans. Autrement dit, chaque trois ans, le promoteur doit payer la redevance et l'Abe doit descendre sur le site de l'Aes de mise en conformité, contrairement au promoteur qui a obtenu son certificat de conformité avant la mise en œuvre de son projet. Donc, ce dernier ne peut pas avoir le même privilège que celui qui a attendu d’obtenir régulièrement son certificat de conformité environnementale et sociale avant de démarrer la mise en œuvre de son projet. L’objectif de cette mesure, c’est d’inciter les promoteurs de projet à attendre afin d’obtenir réglementairement leur certificat de conformité environnementale et sociale, avant la mise en œuvre de leur projet.
Votre message à l’endroit des porteurs de projet pour conclure cet entretien.
Je voudrais inviter les porteurs de projet à se
rapprocher de l’Abe pour d’abord savoir si leur projet est assujetti à une
évaluation environnementale ou non. C'est bien de prendre les dispositions au
départ. Ils peuvent même aller sur le e-service pour effectuer la demande de
renseignements. Nous pouvons dire à un promoteur si son projet a besoin ou non
d'une étude d'impact environnemental et social. Dans le cas où son projet en a besoin,
on lui en précise le type d'étude d'impact environnemental et social auquel le projet est assujetti. C'est important de le dire parce que tous les projets
ne sont pas assujettis à une Eies.
Gédéon Anagonou