La Nation Bénin...
La
typologie du secteur privé béninois influe sur l’action à engager en faveur de
la lutte contre les changements climatiques et donc mérite une attention
particulière. Pour Sidoïne Bitho Gbetey, consultant en économie verte et sur
les questions climatiques, ce secteur a aussi une partition à jouer car il
représente le moteur clé de la croissance économique au Bénin.
La Nation : Qu'entend-on par Changements climatiques ?
Sidoïne Bitho Gbetey : En se référant à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (Ccnucc), dans son article premier, on définit les changements climatiques comme des « changements qui sont attribués directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables». La Ccnucc établit ainsi une distinction entre les changements climatiques attribuables aux activités humaines altérant la composition de l’atmosphère et la variabilité du climat imputable à des causes naturelles.
Quels sont les secteurs qu'ils affectent le plus au Bénin ?
Pour
identifier les secteurs de l’économie béninoise affectés par les changements
climatiques, il faut présenter au prime abord l’état de la vulnérabilité aux
changements climatiques du Bénin. A propos, le Bénin est particulièrement
vulnérable aux changements climatiques (ex : Indice Nd-Gain 2020 16e/182 ;
Giec, 6e rapport) comme la plupart des pays en développement. En effet, les
aléas climatiques majeurs relevés au Bénin sont la sécheresse, les inondations,
le retard et la violence des pluies (Pna, 2022 ; Giec, 6e rapport, 2022). À ces
aléas majeurs s’ajoutent la chaleur excessive et les vents violents qui peuvent
prendre une grande importance dans certaines localités, avec des impacts
socio-économiques significatifs (Agossou et Médéou, 2017, Gbetey, 2023).
Selon
le Plan National d’Adaptation aux impacts des changements climatiques, un
document de programmation, huit secteurs les plus vulnérables aux changements
climatiques au Bénin sont identifiés. Il s’agit de l’énergie, de la foresterie,
du tourisme, des infrastructures, de l’agriculture, de l’eau, de la santé et du
littoral.
Ces
différents secteurs thématiques de vulnérabilité englobent l’ensemble des
secteurs d’activités économiques. En effet, les entreprises sont affectées par
les changements climatiques selon leurs caractéristiques. Car, le secteur privé
est constitué d’un large éventail de types d’entreprises, allant des
entreprises individuelles aux sociétés multinationales. Par conséquent,
l’impact du changement climatique varie de même que les conséquences de
l’exposition à ces risques. De façon plus explicite, le changement climatique
peut affecter la manière dont les entreprises opèrent, avoir un impact sur la
rentabilité de leurs opérations ou encore simplement créer de nouvelles
opportunités. Deux catégories de risques sont identifiées : les risques directs
et indirects. Ils comprennent : les risques physiques, les risques liés à la
chaîne d'approvisionnement et à l'accès aux matières premières, les risques
liés à la réputation, les risques financiers, les risques liés à la demande de
produits, les risques réglementaires et les risques de litige (Schaer et al.,
2018). Ces risques peuvent aussi être regroupés en deux catégories à savoir les
risques systémiques affectant l'ensemble de l'économie et les risques
spécifiques au secteur d’activités, à l'industrie et à l'entreprise (Hoffman et
Woody, 2008 ; Agrawala et al., 2011 ; Gbetey, 2023).
Les
risques spécifiques d'exposition et de vulnérabilité du secteur privé dépendent
d'un certain nombre de facteurs, tels que le secteur dans lequel il opère, la
taille et l'emplacement de l'entreprise, ainsi que l’environnement politique et
réglementaire. Par exemple, des changements graduels dans les précipitations et
les températures peuvent rendre certaines cultures non viables dans certains
endroits et à long terme, au point d’obliger les petits exploitants à fermer.
D'autres impacts négatifs sont signalés sur les processus de production, la
demande de produits et services des entreprises, les transports, l'accès aux
marchés et la structure des bâtiments. Dans le cadre spécifique du Bénin, nous
n’avons pas pu accéder à une étude de référence en rapport avec la
vulnérabilité du secteur privé béninois aux impacts des changements
climatiques. Toutefois, la vulnérabilité du secteur privé aux impacts des
changements climatiques peut être vue à travers celle des secteurs dont
dépendent les activités des entreprises privées, qu’elles soient informelles ou
formelles. Les acteurs du secteur privé diffèrent selon leur taille (micro,
petite, moyenne ou grande) et leur motivation (à but lucratif, organismes
caritatifs privés, etc.). Les secteurs les plus affectés par les changements
climatiques sont ceux de l’agriculture, des ressources en eau, de la
foresterie, de l’énergie, du tourisme, du littoral et de la santé. Ainsi donc,
tous les secteurs socio-économiques du pays sont touchés. Il faut noter que les
secteurs socioéconomiques étaient d’ores et déjà confrontés à des risques
sectoriels qui limitaient leur développement avant l’apparition des défis des
changements climatiques.
En
2009 et 2010 par exemple, le Bénin a connu des inondations. Les 77 communes du
pays ont été touchées à des degrés divers. Ces inondations de 2010 au Bénin ont
eu un impact total évalué à plus de 127 milliards de F Cfa, soit près de 262
millions Usd. Les pertes (flux réduits, pertes de production, réduction des
chiffres d’affaires, coûts et dépenses induites comme conséquences de la
catastrophe) s’évaluent à près de 48,8 milliards F Cfa soit environ 100
millions Usd).
Quelle est la contribution du secteur privé dans la lutte contre les changements climatiques ?
Le
secteur privé béninois a deux composantes à savoir : le secteur marchand et
celui non marchand. Notons que dans le secteur marchand figurent également les
unités de production informelles. Chaque composante joue un rôle particulier.
Mais avant tout développement, il est important de rappeler les engagements
pris par l’Etat béninois contenus dans les Contributions Déterminées au niveau
National (Cdn).
Les
Cdn constituent des engagements et des plans d’action en faveur du climat que
chaque pays est tenu d’élaborer conformément à l’objectif de l’accord de Paris
de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. Elles représentent des plans
de court à moyen terme qui sont mis à jour tous les cinq ans avec des objectifs
plus ambitieux sur le climat. Les Cdn décrivent les priorités en matière
d’atténuation et d’adaptation qu’un pays doit chercher à atteindre pour réduire
les émissions de gaz à effet de serre, renforcer la résilience et s’adapter aux
changements climatiques, ainsi que les stratégies de financement et les
approches de suivi et de vérification. Malgré cet effort du gouvernement, le
secteur privé marchand (entreprises et investisseurs) doit également être
impliqué, puisqu'il représente le moteur clé de la croissance économique au
Bénin. Car, les investissements du privé marchand pour financer de manière
directe ou indirecte les mesures d’adaptation et d’atténuation constituent un
levier important dans la lutte contre les changements climatiques. Quant aux
acteurs privés non marchands, ils offrent des appuis aux populations pour la
promotion de la gestion durable des terres, des forêts, des chaines de valeur
agro-forestières, l’énergie photovoltaïque et l’efficacité énergétique. Avec
cette initiation ou formation en entrepreneuriat vert, ils contribuent à bâtir
chez l’apprenant une organisation évolutive et constructive de sa vision du
monde relativement à l’entreprenariat vert, de son identité (éthique et
potentiel) et de son pouvoir d’action (projet entrepreneurial vert). Cela
correspond globalement, dans l’ordre, à
trois fonctions: connaître, choisir et agir. En conséquence, les acteurs du
secteur privé sont des partenaires clés du financement et de la mise en œuvre
des priorités en matière d’adaptation et d’atténuation.