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Mesures restrictives sur le transport du charbon: Ça jubile chez les promoteurs d’énergies vertes

Environnement

Une récente note de service de l’administration forestière rappelle aux populations les dispositions réglémentaires et législatives qui régissent l'achat, le transport et la consommation du charbon de bois. Un rappel qui est venu un peu comme pour troubler certains esprits tandis que dans les rangs des promoteurs des énergies vertes, le ton est à la jubilation.

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 04 févr. 2025 à 10h17 Durée 2 min.
#charbon de bois #Energie

« Cette note de service est venue pour montrer à la population béninoise que d’abord, l’utilisation et l’acquisition du charbon de bois ne sont pas interdites au Bénin. Mais lorsque vous voulez acquérir ce charbon de bois et le transporter, cela doit respecter un certain nombre de dispositions réglementaires et législatives qui ont été mises en place depuis 2009 à travers l’arrêté 040 qui a été cosigné par le ministre en charge de l’Environnement et celui en charge de la Décentralisation en son temps ». C’est ainsi que le lieutenant-Colonel Emmanuel Gbédji, directeur technique en charge de la biomasse-énergie et de la valorisation des ressources forestières à la direction générale des Eaux, Forêts et Chasse, insiste sur les motifs qui ont amène l’administration forestière à se montrer plus exigeante en ce qui concerne le respect des dispositions sus-évoquées. Ces mesures, sans être nouvelles, ont besoin d’une mise en application plus stricte, semble soutenir l’administration. Diversement appréciée au sein de l’opinion publique, l’option des forestiers laisse place à des sentiments différents. D’un côté ça jubile, de l’autre ça craint.  

Dame R. Hounkpè est connue au quartier Sainte Rita de Cotonou pour ses grosses marmites de riz fumant à longueur de journée. Pour tenir ce challenge qui lui attire clientèle et affluence, la vendeuse de 52 ans et ses collaboratrices brûlent des dizaines de kilogrammes de charbon de bois. A peine la nouvelle décision est-elle prise qu’elle se fait déjà des soucis, « même si des solutions à portée de main existent ». L’option du charbon de bois est moins contraignante et plus avantageuse pour son service, soutient-elle. Si pour son business, dame Hounkpè se fait de petits soucis, d’autres par contre jubilent.  

Les charbons écolo, pourquoi pas ?

« La décision de limitation du transport et de l'utilisation du bois de chauffe sortie par le gouvernement n'a fait que nous conforter dans notre lutte contre la déforestation et nous renforce dans notre vision de faire remplacer progressivement le charbon de bois par le charbon écologique », répond Roland Adjovi, promoteur du charbon écologique Sika. Il y voit « un début des mesures prises pour trouver des alternatives pour éviter la déforestation ». Il suggère aux populations de s’orienter vers les producteurs de charbons écologiques. « Il s’agira pour les autorités à divers niveaux de nous accompagner (les producteurs de charbons écologiques) dans notre mission tout en communiquant suffisamment sur l'alternative qu'est le charbon écologique et aussi renforcer nos capacités de production en termes de formation, de main-d'œuvre et d’équipements de production afin de satisfaire la demande sur le marché », confie-t-il. Selon lui, les producteurs de charbon écologique peuvent absorber toute la demande des populations pour peu qu’on puisse leur venir en soutien.

Selon le lieutenant-colonel Emmanuel Gbédji, en plus d'être un facteur de dégradation de l’environnement, le bois énergie est aussi un facteur de déforestation. Selon les statistiques de 2015, le taux de déforestation est aujourd’hui de 1,9 %. Il faut donc prendre les dispositions nécessaires pour réglementer l’exploitation des ressources naturelles, exhorte-t-il.

Lire aussi : Lieutenant-Colonel Emmanuel Gbédji des Eaux, Forêts et Chasse : « Les particuliers payent 630F par sac de charbon et 735F par stère de bois »

L’appel de Roland Adjovi va aussi à l’endroit des partenaires financiers de notre pays « qui ont pour mission la lutte contre la déforestation et les changements climatiques ». Il les appelle « à prêter main forte aux acteurs que nous sommes afin que nous accompagnions tous ensemble le gouvernement dans son désir de lutte contre les changements climatiques ».

Le biogaz est une énergie renouvelable (ou énergie verte) qui présente trois avantages pour l'environnement. Il permet de recycler et de valoriser les déchets organiques issus des activités agricoles, de l'industrie agro-alimentaire, de la restauration collective ou encore des boues de stations d'épuration.

Au Bénin, Mardochée Sèwaï, fondateur de Biogaz Sewai Ate, est connu comme l’un des plus grands promoteurs de cette forme d’énergie. « J'ai un sentiment de soulagement parce que si on ne recadre pas l'exploitation de nos ressources forestières, il ne nous restera plus rien dans les années à venir. J'en profite pour inviter nos dirigeants à subventionner la construction des biodigesteurs pour rendre plus accessible le biogaz. Ainsi, on aurait résolu sans difficulté les problèmes liés à la déforestation et aussi à la gestion des déchets», soutient-il.

Le biogaz, l’autre solution

Les mesures du gouvernement qui recadrent le transport du charbon et du bois de chauffage stipulent qu'un particulier ne peut transporter, pour ses propres besoins, qu'un maximum de deux sacs de charbon de bois ou un stère de bois de feu. «Ces limitations viennent à point nommé et visent à contrer la surexploitation des ressources forestières et à promouvoir une gestion durable des produits dérivés de la filière bois énergie », se réjouit-il. En tant que promoteur des énergies renouvelables, Sèwaï propose aux ménages une alternative qui leur permet d'avoir à plein temps du gaz renouvelable, le biogaz. Ce gaz naturel est obtenu à partir de la décomposition des déchets organiques d'origine animale, végétale et humaine, rappelle-t-il. Depuis plus de dix ans, aime-t-il à dire souvent, son ménage n’a plus jamais utilisé ni le charbon, ni le bois de chauffe. « Nous avons trouvé un mécanisme qui reçoit tous nos déchets organiques et qui nous fournit du gaz à plein temps », explique-t-il. Porteur du projet « chaque ménage un biodigesteur », il tend la main au gouvernement pour subventionner à 50 % cette initiative « pour protéger nos ressources forestières et pour la gestion écologique de nos déchets ». Chacun en tirera son profit sur toute la chaîne de valeur, assure-t-il. Une belle opportunité non seulement pour les promoteurs du biogaz mais aussi pour les exploitants agricoles, pense Sèwaï, « parce que après extraction du biogaz des déchets, on obtient de l'engrais organique qui est un excellent stimulant des plantes et qui nourrit et restaure nos sols ». La décision de l’administration forestière, en tout cas, « permettra aux citoyens de se tourner vers le biogaz. Nous autres aurons de nouveaux marchés à réaliser, par conséquent, augmenter notre chiffre d'affaires », projette déjà le Biogaz Sewai Ate.