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Urbanisation en Afrique, entre ‘‘ville formelle’’ et ‘‘ville informelle’’: Un véritable défi de développement durable

Environnement
Luc GNACADJA Luc GNACADJA

 L’urbanisation en Afrique est marquée par une très forte dualité, apparemment irréconciliable, entre la ville formelle et la ville informelle. 


Par   Luc GNACADJA, le 25 août 2023 à 10h20 Durée 6 min.
#Luc GNACADJA
Les villes africaines sont en effet fragmentées en quartiers informels et quartiers modernes. Par opposition à la ville formelle constituée de quartiers considérés comme modernes, la ville informelle est composée de quartiers précaires souvent situés en périphérie de la ville formelle. Ils sont dits informels parce que non planifiés, non réglementés par l’administration, sans sécurité foncière, et dépourvus d’infrastructures et de services urbains publics. Mais ce sont eux qui connaissent la plus forte croissance spatiale parce qu’ils accueillent 90 % de la croissance démographique des villes africaines. Ils fonctionnent grâce à ce qu’il est convenu d’appeler des ‘informalités urbaines’, c’est-à-dire des modalités opératoires adaptives qui résultent d’une sorte de fabrique populaire de la ville africaine et caractérisent son métabolisme. En l’absence de services urbains, elles produisent des solutions aux défis des populations.
Dans l’imaginaire collectif, la modernité urbaine évoque souvent des images de gratte-ciel, de systèmes de transport bien organisés et de gouvernance urbaine efficace. À l’inverse, les quartiers informels, comme les bidonvilles, les zones à habitat précaire et les marchés non réglementés, sont souvent considérés comme des indicateurs de sous-développement. Toutefois, ces deux éléments coexistent de manière souvent complexe. Sans les informalités urbaines, la ville formelle serait incapable de fonctionner. La perception de modernité en Afrique est multiforme et marquée par des biais occidentaux. La question est donc de savoir si les informalités urbaines peuvent contribuer à la modernité urbaine en Afrique, à la transition des villes africaines vers un développement urbain durable et inclusif.  Et pour ce faire, devra-t-on remettre en cause les concepts de modernité et d’informalités urbaines comme étant mutuellement exclusifs ? Les villes africaines peuvent devenir performantes et compétitives dans une telle dichotomie conceptuelle du progrès ?

L’urbanisation en Afrique génère toujours plus de fragmentations et d’informalités urbaines

L’Urbanisation en Afrique est comme un train à grande vitesse (Tgv) qui va plus vite que tout : plus vite que les capacités de planification, d’aménagement, de gestion et d’investissements en infrastructures, en services urbains et surtout en logements. Elle va si vite que, dans la plupart des pays africains, les statistiques et les cartographies nationales qui sont supposées la refléter sont très en retard par rapport à la réalité du fait urbain, parce qu’elles sont soit non pertinentes ou non actualisées. 
En effet, la population urbaine africaine double tous les 20 ans depuis 1990 ; elle a été multipliée par 20 en 70 ans, passant de 27 millions en 1950 à la veille des indépendances à 587 millions en 2020, soit 43,8 % 
de la population totale du continent. Selon les projections, elle devrait tripler entre 2015 et 2050. L’Afrique compte 86 des 100 villes ayant la croissance la plus rapide au monde et 17 des 20 premières. Par exemple, la population de la ville d’Abomey-Calavi a été multipliée par cinq entre 1992 et 2013 ! Fait récent des dynamiques urbaines sur le Continent, l’exode rural ne contribue plus qu’à 40 % à cette explosion de la population urbaine. Par ailleurs, on observe aussi depuis quelques années une forte croissance des petites et moyennes villes surtout en termes de superficie, alors que les grandes villes se développent plus rapidement en termes de population : 97 % des zones urbaines africaines comptent entre 10 000 et 300 000 habitants. Au Bénin, 73 nouvelles agglomérations ont franchi le seuil de 10 000 habitants entre 2015 et 2020 selon Africapolis (www.africapolis.org).
L’explosion de la population urbaine en Afrique, amorcée au cours de la décennie 1980, a coïncidé avec la décennie 1990, la décennie à partir de laquelle se sont succédé des crises économiques et leur cortège d’ajustements structurels. Et les investissements publics en milieu urbain, alors largement considérés comme économiquement improductifs ont fait partie des variables d’ajustement des premiers programmes d’ajustements structurels (Pas). Ceci a largement fait le lit de la politique du « laisser-faire » en matière de politique et d’investissements urbains surtout en Afrique au sud du Sahara. 
Les «informalités urbaines» font référence à l’économie informelle, aux logements informels et aux établissements informels qui se développent dans les villes, souvent en marge des réglementations officielles et des normes urbaines établies. Ces activités informelles comprennent des marchés de rue, des travailleurs informels, des logements dans des bidonvilles ou des quartiers précaires, des services urbains alternatifs, etc.
Les conséquences socio-écono-miques et environnementales de cette politique du laisser-faire sont élevées mais ont longtemps été sous-estimées, voire ignorées.

Les 7 défis communs aux villes africaines

Les villes africaines abritent plus de 50% du Pib du Continent et génèrent 1/3 de sa croissance. Elles ont en commun les 7 défis suivants : 
a) La jeunesse de la population (plus de 60 % a moins de 25 ans) met en exergue les défis et opportunités qui résident dans la captation du dividende démographique par des investissements pertinents dans l’éducation et l’employabilité des jeunes ;
b) La ville informelle l’emporte largement sur la ville formelle aux plans démographique, spatial et socioéconomique ;
c) La croissance urbaine est à 90 % non planifiée et génère un étalement spatial accéléré des zones périurbaines précaires. C’est par cet étalement que l’urbanisation en Afrique se fait prédatrice de la nature ;
d) La macrocéphalie dont souffrent la plupart des villes-capitales qui aspirent l’essentiel des investissements publics disponibles pour le développement urbain. Par exemple, en 2018 au Mali, 75 % des fonctionnaires se trouvaient dans la capitale qui recevait 80 % des dépenses gouvernementales, alors qu’elle n’abrite que 13 % de la population (The Economist, 2021) ;
e) Une grande vulnérabilité aux chocs climatiques qui constituent une menace systémique majeure ;
e) La faiblesse institutionnelle des villes (administration peu performante, insolvabilité et incapacité à financer des projets urbains structurants) est un handicap structurel rédhibitoire ;
g) L’insécurité foncière est en réalité la plus grande des insécurités en milieu urbain en Afrique.

Alors, ‘‘Ville formelle’’ contre ‘‘Ville informelle’’ ? 

Le match sur le terrain au triple plan démographique, spatial et socioéconomique est clairement à l’avantage de la ville informelle. Les villes africaines sont informelles à plus de 60 % par leur habitat, à plus de 80 % par leur économie et la création d’emplois et continuent d’attirer l’essentiel de la croissance démographique. Les quartiers informels se forment souvent dans les zones marginalisées de la ville, sur des terrains non officiels ou non viabilisés, non aménagés. 
Mais la ville formelle l’emporte tout aussi clairement quand on considère à qui profitent les politiques, régulations et investissements publics en milieu urbain. Pourquoi ce qui est moins important attire toujours plus d’attention politique et d’investissements ? 

Voici 6 facteurs historiques, sociaux et économiques qui expliquent cette emprise de la «ville formelle» sur la «ville informelle» en Afrique 

Héritage colonial : Beaucoup de villes africaines portent encore les marques de l’urbanisation coloniale, où la «ville formelle» était conçue principalement pour la population coloniale et les élites locales. Cette conception a souvent perduré dans les politiques et les investissements post-indépendance. On est fondé à affirmer, comme M. Elvis Paul Tangem (coordinateur de l’initiative de la Grande Muraille Verte à la Commission de l’Union Africaine), dans son commentaire à mon récent post sur le même sujet via LindkedIn (cf. https://bit.ly/3P64pBt) que l’idée même de «secteur informel» (et par extension de la ville informelle) provient des approches des politiques économiques coloniales. Tout secteur qui servait directement la population locale ou autochtone était considéré comme informel, dans la mesure où il n’avait pas été développé et géré par l’administration coloniale.
Influence des institutions internationales : Les institutions financières internationales comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international (Fmi) ont souvent influencé les politiques de développement urbain en Afrique, en faveur d’une urbanisation plus «formelle» et réglementée.
Manque de reconnaissance : La «ville informelle» est souvent négligée ou stigmatisée dans la planification et la réglementation urbaines. Cela est dû à des stéréotypes qui associent l’informalité à la pauvreté, au désordre ou même à l’illégalité.
Les Parties prenantes : Les politiques et les investissements publics sont souvent influencés par des parties prenantes puissantes, y compris des entreprises et des élites politiques, qui ont un intérêt à maintenir le statu quo en faveur de la «ville formelle» où leurs intérêts sont concentrés.
Visibilité et image publique : 
Les projets dans la «ville formelle» sont souvent plus visibles et considérés comme des symboles de modernité et de progrès. Cela crée une pression politique pour concentrer les investissements dans ces zones.
Manque de données et de recherche : Il y a souvent un manque de données fiables sur les «villes informelles», ce qui rend difficile pour les décideurs de formuler des politiques inclusives et éclairées.
Tous ces facteurs contribuent à un environnement où les politiques, les régulations et les investissements publics sont fortement inclinés en faveur de la «ville formelle». Cependant, il y a un besoin croissant de reconnaître et d’intégrer la «ville informelle» comme une composante légitime et cruciale de l’urbanisation africaine, surtout compte tenu de sa rapidité de croissance et de son rôle dans la fourniture de logements et d’opportunités économiques pour une grande partie de la population. Au lieu de cela, les contributions des informalités urbaines au fonctionnement, à la vitalité et à la résilience des villes africaines, à l’économie nationale des pays africains, sont souvent méconnues, sous-estimées, méprisées, voire combattues. Alors que sans elles, nos villes seraient à l’arrêt. Imagine-t-on les grandes villes du Bénin fonctionner sans les services de mobilité assurés par les Zem ou motos-taxis ? En somme, la périphérie (informelle) se moque du centre (formel) qui en retour continue de la mépriser.

Informalités urbaines et modernité urbaine en Afrique : sophisme ou réalité ?

La formule de «secteur informel», pendant économique de la ville informelle, a été popularisée par l’anthropologue britannique Keith Hart à la fin des années 1960, dans le contexte de ses études sur les travailleurs urbains à faible revenu au Ghana. Depuis lors, le concept de secteur informel a été largement utilisé dans les études sur le développement, l’économie, et l’urbanisme pour désigner un ensemble d’activités économiques qui ne sont pas réglementées ou enregistrées officiellement par l’État d’aujourd’hui qui a hérité les fondamentaux de ses lois et régulations de l’administration coloniale. En cela, la notion de secteur informel est liée à des perceptions et facteurs historiques et socio-économiques qui ont été influencés par la colonisation. 
En cela, le paradigme sous-jacent au concept de secteur informel et d’informalités urbaines reflète des perspectives occidentales ou des approches de développement critiquées pour leur eurocentrisme. Cet héritage est particulièrement prégnant dans la fabrique (formelle et/ou informelle) des villes africaines et les informalités qu’elles génèrent. Il est essentiel de reconnaître cet héritage et de l’aborder de manière critique dans les politiques d’aménagement pour un développement urbain durable en Afrique 
Et pourtant, ce paradigme, quoique contreproductif au plan économique et social, a été perpétué à ce jour par les gouvernements successifs des pays africains devenus indépendants. Pire, il demeure toujours prégnant dans les curriculums enseignés dans les universités et centres de formation en Afrique.
Intégrer les zones périphériques précaires, combler leur déficit d’infrastructures et de services urbains, relever le défi de l’inversion des processus de «bidonvilisation », 
de précarisation, il s’agit ni plus ni moins d’apporter de l’urbanité à plus de 60 % de la population urbaine en Afrique subsaharienne. C’est le défi principal d’une transition des villes africaines vers un développement durable et inclusif. D’où la nécessité de mieux comprendre les défis mais aussi les potentiels ainsi que les opportunités qui sont inhérents aux informalités urbaines.

Les défis inhérents aux informalités urbaines en Afrique sont en effet multiples et intimidants pour les planificateurs et décideurs.

Au nombre de ces défis, on peut citer : planification urbaine inclusive, accès aux services de base, sécurité foncière et accès à un logement décent, précarité économique et sociale, légalité de la gestion et de la gouvernance, problèmes de santé publique, dégradation de l’environnement ; etc.
Face à ces défis, une approche plus inclusive et holistique est nécessaire pour intégrer les communautés informelles dans le tissu urbain plus large, afin de créer des villes qui sont à la fois justes et durables pour tous leurs habitants.
Les défis considérables posés par les informalités urbaines en Afrique ne devraient pas nous faire perdre de vue le grand potentiel et les nombreuses opportunités que ces espaces et modalités offrent, au nombre desquels on peut citer : source d’emplois et d’entrepreneuriat, capacité de résilience, adaptabilité et flexibilité économique, fourniture de services alternatifs, espaces à fort capital social et communautaire pour résoudre des problème communs, potentielles plateformes d’inclusion sociale, capacité de régulation et potentiel de régularisation et de revitalisation urbaines, etc.
Pour saisir ces potentiels et opportunités, une approche politique plus nuancée est nécessaire, qui ne voit pas l’informalité simplement comme un problème à éradiquer, mais plutôt comme une réalité complexe offrant à la fois des défis et des possibilités. 

Question centrale : Quelles stratégies et quelles solutions innovantes pour capitaliser les contributions positives des informalités urbaines ?

La modernité en Afrique a souvent été conceptualisée à partir de modèles occidentaux, laissant croire que l’informalité urbaine est en quelque sorte une anomalie, voire une abjection urbaine. Cette perception est toutefois réductrice et ignore la nature complexe et plurielle de la modernité en Afrique. En effet, la modernité dans le contexte africain possède différentes facettes ; elle ne se manifeste pas seulement à travers des gratte-ciels et des systèmes de transport sophistiqués. Elle se retrouve également dans des innovations locales, des adaptations culturelles et des formes de gouvernance hybrides. Dans de nombreuses villes africaines, les marchés informels, les systèmes de transport non réglementés et les logements informels sont bien plus qu’un simple symptôme de sous-développement ; ils sont des solutions pratiques et souvent innovantes aux défis du développement urbain.
En un mot, la modernité africaine est un mélange complexe de divers éléments, y compris des informalités urbaines qui fournissent des opportunités et des services cruciaux. Exclure ces informalités de la notion de modernité serait non seulement inexact, mais aussi contreproductif et préjudiciable au développement durable.
Il faut remettre en question les concepts de modernité et d’informalité comme étant mutuellement exclusifs.

La croyance largement répandue que la modernité et l’informalité sont mutuellement exclusives découle souvent d’une compréhension eurocentrique du développement et de la modernisation et véhicule par conséquent des paradigmes et stéréotypes qui relèvent du complexe d’extranéité qu’il faut déconstruire.
Les racines de ces stéréotypes sont souvent ancrées dans une perspective coloniale qui considère les structures et systèmes occidentaux comme supérieurs et donc «modernes». Cette perspective marginalise les systèmes informels comme étant primitifs ou temporaires. En réalité, l’informalité et la modernité peuvent coexister et même se renforcer mutuellement. Par exemple, des innovations technologiques peuvent émerger dans des marchés informels, tandis que les systèmes informels peuvent fournir la flexibilité et la résilience nécessaires dans un environnement urbain moderne en rapide évolution. Pour une compréhension plus nuancée de l’urbanisation en Afrique, il est crucial de repenser les termes de modernité et d’informalité, non pas comme des catégories séparées et mutuellement exclusives, mais plutôt comme des éléments pouvant s’interpénétrer et se compléter. Reconnaître que ces deux concepts peuvent coexister et même collaborer ouvre la voie à des formes plus inclusives et dynamiques de développement urbain en Afrique.

Qu’est-ce qui doit changer (et comment) afin que l’urbanisation tienne ses promesses en Afrique ?

Il faut oser repenser les villes africaines autour d’une véritable “inculturation” du concept de “modernité urbaine”, en gardant à l’esprit la raison d’être des villes africaines : devenir des centres efficaces de création de valeur, d’innovation et de transformation afin d’assurer la compétitivité et la résilience de leurs entreprises, ainsi que celles des économies et écosystèmes de leurs territoires respectifs. C’est à ce prix que l’urbanisation en Afrique pourra porter les fruits escomptés et impulser la transformation du continent telle qu’ébauchée dans le cadre de l’agenda 2063 : « l’Afrique que nous voulons ». Il faudra pour y parvenir résister à la facilité du “copier-coller”, à la tentation d’une ‘‘Dubaization’’ qui ne peut être ni durable ni inclusive.
Le défi central : transformer les informalités urbaines en atouts afin d’impulser le développement durable (et par conséquent inclusif) des villes africaines et de leurs territoires respectifs.
Qu’est-ce qui doit changer pour ce faire ?
- Traiter dans les plans nationaux de développement l’urbanisation comme une opportunité de croissance inclusive pour impulser des transformations positives durables au niveau des territoires ;
- Assurer une planification moins rigide, plus dynamique, stratégique, inclusive et ancrée dans le territoire ;
- Assurer une décentralisation effective (principe de subsidiarité), et une gouvernance territoriale concertée ;
- Eduquer et former des leaders et des managers urbains capables de co-concevoir et de co-implémenter avec les parties prenantes les changements et transformations urbaines et territoriales souhaités.
Il faudra pour cela former les acteurs autrement car nombre des programmes d’architecture, d’urbanisme et de sociologie urbaine enseignés dans les écoles et les universités africaines ne reflètent pas les réalités et les défis des villes africaines.
- Former des dirigeants et des gestionnaires capables de disruption en s’inspirant des défis et potentialités du contexte local pour créer des villes performantes et qui reflètent également la sociologie et la psyché africaines ;
- Ne pas copier et coller les paradigmes et designs urbains conçus ailleurs, mais adapter et oser la disruption.
En conclusion, les informalités urbaines et les fragmentations urbaines sont interconnectées et se renforcent mutuellement. Comprendre ces relations complexes est essentiel pour développer des politiques et des approches urbaines plus inclusives et durables, visant à réduire les inégalités et à promouvoir un développement urbain équilibré. En cela, le concept de « secteur informel », est « détestable » selon Tidjane Thiam, ancien ministre du Plan et du Développement de la République de Côte d’Ivoire. « Vraiment je déteste cette expression de ‘secteur informel’. Notre société ne peut pas marcher sans les gens du secteur informel. C’est le secteur productif, ce sont des entreprises à part entière qui rendent de grands services à l’économie. Il faut les mettre en valeur. Il ne faut pas les traiter comme un mal nécessaire. Ils sont bien souvent le cœur de l’économie. C’est la périphérie qui se moque du centre. Tout ce qui est créateur d’emploi doit être amplifié. » (Tidjane Thiam dans une interview diffusée sur une chaine de télévision ivoirienne)
Il y a des logiques et biais structurels qui souvent excluent d’office les acteurs du secteur informel de la conception et la mise en œuvre des régulations, des politiques et investissements publics en milieu urbain alors qu’en fait ils sont bien plus structurés et structurants qu’on ne le pense. Faut-il formaliser l’informel afin de l’intégrer à l’économie formelle et si oui pour quelle finalité ? Comment « re-spatialiser » le secteur informel afin d’intégrer la ville formelle et la ville informelle à travers la planification, la gestion urbaine, les projets et investissements urbains et la gouvernance des territoires ?
La coexistence complexe entre informalités urbaines et modernité urbaine en Afrique remet en question les définitions traditionnelles et les perceptions de ces termes. Plutôt que d’être en opposition, ces deux aspects de l’urbanisation en Afrique peuvent être vus comme complémentaires, chacun apportant des éléments qui, dans certaines conditions, peuvent enrichir l’autre. Le défi réside dans la manière dont ces éléments peuvent être intégrés de manière durable et inclusive pour contribuer au développement des villes africaines. En fin de compte, le hiatus perçu entre les informalités urbaines et la modernité urbaine reflète des stéréotypes persistants de la réalité complexe du développement urbain en Afrique. En cela, l’urbanisation en Afrique est un autre chantier où la décolonisation des paradigmes est nécessaire ¦

*Président de GPS-Development
Ancien ministre de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme
Ancien Sous-Secrétaire Général des Nations Unies